Six mois après l’annonce du plan d’urgence, de solidarité et de relance (1,4 milliards) lancé par le conseil régional, la donne sanitaire et économique a été bouleversée ces trois dernières semaines. Mais où va-t-on ?
« On veut juste travailler ». Du jamais vu dans une ‘manif’ de mémoire de journaliste marseillais. La banderole pend à la fenêtre du camion vide d’un forain, sans perspective d’activité ou d’avenir. Ce lundi 12 octobre, lui et ses collègues veulent comprendre pourquoi les parcs pour enfants, les parcs d’attraction et les galeries commerciales restent ouvertes. Les restaurants, les bars, les acteurs du tourisme et de l’événementiel en sont au même point face aux amphis bondés où se pressent les étudiants.
Comment en est-on arrivé là ?
En réalité, la situation a commencé se tendre le 23 septembre dernier avec l’annonce – du ministre de la santé – de la fermeture totale des bars et restaurants des 92 communes de la métropole d’Aix-Marseille. Cette « décision inadaptée, unilatérale, brutale, sans préparation, qui entraîne un sentiment de rébellion et de révolte», selon Renaud Muselier a mis le feu aux poudres. Aussi, le président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, avait-il d’abord bataillé ferme pour obtenir – directement auprès du Premier ministre – une réouverture, sous protocole renforcé, des restaurants.
Les choses s’annonçaient pourtant bien jusque là avec l’accord de partenariat, conclu quelques jours plus tôt avec Jean Castex, reconnaissant le rôle clé des conseils régionaux dans la politique de relance à hauteur de 40 milliards. D’abord pour abaisser les impôts de production qui représentent quand même 670 M€ dans notre région, puis sécuriser les ressources des régions provenant de l’Etat et l’Europe. Et enfin pour permettre aux conseils régionaux d’investir massivement dans leurs territoires (+ 45% à hauteur de 20 milliards par rapport à 2019).
Sans attendre la signature du Contrat de plan Etat Région, Renaud Muselier avait donc ouvert plusieurs chantiers (64 M€), dont celui de la sécurisation du passage à niveau à l’Isle-sur-la-Sorgue (7 M€ de l’Etat, 1 M€ de la région). « Si le dossier est prêt, l’argent est aussitôt débloqué », tacle l’élu agacé par les lenteurs administratives dans cette période normalement consacrée au rebond, décidément si difficile à amorcer.
La deuxième vague pandémique n’est pas maîtrisée
Le grand plan de relance régional, toujours sur la table pour empêcher l’économie de s’effondrer, avait pour objectif de placer le curseur de l’action publique à l’échelon régional dès lors qu’il promettait plus d’efficacité, de rapidité et de lisibilité pour nos concitoyens. Activé il y a six mois, ce plan de 1,4 milliards mis en route lors de la ‘première vague’ virale, avait été complété le 8 octobre dernier par une mesure corrective. « Nous allons engager 250 M€ dans les trois prochains mois » annonçait Renaud Muselier pas plus tard que la semaine dernière, « pour aider les entreprises et professionnels à travailler sous conditions sanitaires renforcées et permettre aux secteurs encore fermés d’ouvrir » : les discothèques, les salles de sport et les croisières, limités à 250 personnes. Tout cela est balayé aujourd’hui.
« Dénonciation d’une dictature sanitaire. »
Car la dictature sanitaire dénoncée par les bars marseillais a repris le dessus dès le 14 octobre. Avec le rétablissement de l’état d’urgence sanitaire et la mise en place d’un couvre-feu pour les zones d’alerte maximale, « le Président de la République a ouvert la voie à une nouvelle phase de la lutte contre le coronavirus », constate Renaud Muselier. « Il (nous) présente une réalité désormais nationale : cette deuxième vague pandémique n’est pas maîtrisée, et cela entraîne mécaniquement les efforts considérables qui sont demandés aux Français ». Ceux-là même – souvenez-vous – qui commencent à proclamer « on veut juste travailler » parce qu’ils sont maintenant confrontés aux dépôts de bilans, malgré la promesse initiale du gouvernement que personne ne serait laissé au bord du chemin.
Le vent n’est favorable qu’à ceux qui savent où ils vont
« Ces nouvelles restrictions vont créer de véritables poches de désespoir et de déshérence économique et sociale », peste Renaud Muselier qui compte mobiliser l’association Régions de France au nom d’un principe simple : « seule l’action comptera, seuls les résultats pèseront, et toute usine à gaz est à proscrire ». Nous verrons bien. Mais un détail attire l’attention dans la cohorte des mesures ciblées par le conseil régional : l’ouverture de 100 places de formation d’infirmières en plus – pour cette année – et de 600 places d’aides soignantes et auxiliaires paramédicaux en 2021. Ce n’est pas rien. L’hôpital est bien en manque de bras, de lits, et de crédit pour gérer cette nouvelle crise qui n’a pas été davantage anticipée que la précédente pour accueillir les patients. La gestion de la pénurie de service hospitalier accompagnée d’une explosion de la dette publique se poursuit depuis 7 mois, Ce qui fait peut-être dire à Renaud Muselier que nous sommes confrontés à des décisions loin du terrain, peu frappées au coin du bon sens. Mais ce sont elles qui continuent à faire la loi.