Dénonçant une vision simpliste de la situation suite à la publication en novembre dernier par le Figaro d’un classement des 52 villes de plus de 10 000 habitants les plus endettées de France où la commune de l’Isle-sur-la-Sorgue figure en 40e position, Pierre Gonzalvez, maire de la Venise comtadine, regrette que l’on confonde dette et mauvaise gestion. Pour ce dernier, cet amalgame ne doit pas éclipser les efforts consentis par la Ville – et plus généralement les collectivités locales – pour continuer à trouver de nouvelles ressources et assurer l’avenir du territoire.
«Quand nous sommes arrivés à la tête de la municipalité en 2008, le montant de la dette s’élevait à près de 36 M€“, explique Pierre Gonzalvez, maire de l’Isle-sur-la-Sorgue. Cette dernière avait augmenté de 17 M€ en 7 ans. Le budget était alors structurellement déficitaire. Nous étions asphyxiés ! Dans le même temps, nous avons subi une double peine avec la crise bancaire et financière de 2008 à la suite de laquelle les établissements bancaires ont mis en place de nouveaux critères de prêt. Notre premier mandant a donc visé à redresser et assainir une situation ayant frôlé un temps la tutelle financière de l’Etat.»
«Il y a 12 ans l’endettement représentait alors 72 années de remboursement pour la Ville, poursuit l’élu l’islois. Aujourd’hui, nous avons ramené ce prévisionnel à moins de 13 ans mais avant cela il a fallu prendre des mesures draconiennes en activant tous les leviers de la rigueur budgétaire : réduction des charges, maîtrise des dépenses, réduction de la masse salariale, mutualisations avec l’intercommunalité…»
Pour la Ville, ce changement s’est immédiatement traduit par une baisse régulière des effectifs. Le nombre d’agents communaux est ainsi passé de 380 personnes en 2008 à 290 agents à ce jour. La commune a eu recours à la hausse de la fiscalité afin de sécuriser son budget et maintenir sa capacité d’investissement car il a fallu continuer à assurer la gestion des écoles (réalisation notamment d’une maternelle et d’une école durant cette période), de la voirie ainsi que soutenir les projets urbains ou encore de logement.
■ Un désengagement de l’Etat estimé à 7,4 M€ depuis 2014
«On a commencé à aller mieux à l’horizon 2010/2013, rappelle Pierre Gonzalvez. C’est à ce moment-là que nous avons pris de plein fouet le désengagement financier régulier de l’Etat au profit des collectivités locales. » La DGF (Dotation globale de fonctionnement) fondant comme neige au soleil, la disparition de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, l’envol des pénalités SRU (Solidarité et renouvellement urbain), l’augmentation des prélèvements du FPIC (Fonds national de péréquation des ressources inter- communales et communales)… En tout, le ‘manque à gagner’ pour la ville est estimé à 7,4 M€ entre 2014 et 2020.
«Malgré tous ces handicaps, nous avons réussi à renverser la tendance en récréant les conditions d’un autofinancement* positif depuis 5 ans maintenant», insiste le maire dont la Ville parvient désormais à se désendetter de 500 000€ par an là où elle perdait 625 000€ en 2008. Chaque année, la commune emprunte entre 2 et 2,2M€ et rembourse entre 2,6 et 2,8 M€. Par ailleurs, la municipalité a réussi à augmenter le montant de ses investissements entre 2014 (3,9 M€) et 2018 (5,07 M€) sans avoir eu à augmenter les impôts depuis 6 ans tout en préservant une enveloppe constante aux associations (720 000€ par an) depuis 2014.
«La situation se rétablit progressivement mais la démarche ne subvient pas à tous les besoins, regrette le maire qui perçoit entre 400 000€ à 550 000€ de moins par an de la part de l’Etat. Ainsi, pour continuer à bâtir l’avenir de notre territoire, il faut innover comme nous l’avons fait notamment l’an dernier en accueillant nos premières fermes photovoltaïques (voir encadré).» De quoi générer une première enveloppe de 580 000€ suivie du verse- ment d’un loyer annuel de 10 000€ par an pendant 10 ans pour un premier projet et de 377 000€, augmenté ensuite d’un loyer annuel de 37 700€ lors des 15 premières années du bail.
■ Des parkings qui rapportent
«Chaque année, il faut être agile pour créer de nouvelles recettes, martèle le premier magistrat de l’Isle-sur-la-Sorgue. C’est ce que nous avons encore tenté de faire avec la création de parkings payants en régie. Certes il a fallu emprunter 2,07M€ entre 2015 et 2017 mais aujourd’hui ces aires de stationnement à proximité du centre-ville permettent de dégager des recettes annuelles de près 850 000€ par an.» C’est également dans cette logique d’innovation que la Ville s’est dotée depuis fin 2016 d’une stratégie d’attractivité pour renforcer sa compétitivité : ‘Isle-sur-la-Sorgue Village-monde’. Pour cela, une démarche de mécénat pour mobiliser les entre- prises autour de projets locaux d’intérêt général via la création d’une fondation d’intérêt public s’est mise en place autour de cette marque de marketing territorial visant à mobiliser les acteurs économiques privés, touristiques et culturels.
L’Isle-sur-la-Sorgue veut aussi faire le pari du patrimoine allié à la puissance de transformation du numérique. Une ambition qui se traduit par le chantier d’implantation d’une ‘camera obscura’ au cœur de la tour médiévale dite ‘Tour d’argent’, permettant à l’édifice de devenir une attraction unique en France et de générer, dès 2021, de nouvelles recettes en régie ou encore de la prise en charge d’un centre de ressources patrimoine, numérique et art digital – le Grenier numérique – qui accueille, à l’image d’une pépinière, de jeunes entreprises innovantes et en recherche d’implantation sur le territoire islois. Une zone économique, située route de Caumont, doit aussi se développer d’ici 2 ans pour accueillir des PME autour d’une thématique unique.
Inauguration d’un skatepark en novembre dernier préfigurant la réalisation d’un parc de sports urbains à l’entrée de la ville, création d’un espace médical municipal en 2020, nouveaux sanitaires publics gratuits quai Lices Berthelot, lutte contre l’habitat indigne (voir ci-dessous)… Autant d’autres dossiers finalisés ou en cours d’aboutissement.
« Nous avons fait le pari de lancer des projets audacieux pour activer le cercle vertueux d’un développement économique favorable à la commune et au territoire tout en conservant la capacité de la Ville à maintenir des services à ses habitants : gratuité de l’accueil périscolaire, gratuité du centre d’art local ou encore prix réduits pour l’accès à la piscine municipale et à la restauration scolaire, conclut Pierre Gonzalvez qui se déclare « très optimiste sur l’avenir de cette ville qui compte 19 800 habitants mais qui doit aussi faire face aux besoins d’une cité accueillant plus de 500 000 visiteurs au printemps et en été au fil de festivités, marchés de brocante et animations. »
Laurent Garcia
* La capacité d’autofinancement correspond à l’ensemble des ressources financières générées par les opérations de gestion de la Ville et dont elle pourrait disposer pour couvrir ses besoins financiers. Elle mesure la capacité de la Ville à financer sur ses propres ressources les besoins liés à son existence, tels que les investissements ou les remboursements de dettes. Elle représente donc l’excédent de ressources internes dégagées par l’activité de la Ville et peut s’analyser comme une ressource durable.
Un permis de louer contre l’habitat indigne
Depuis le 1er janvier 2020, les propriétaires de logements situés dans le périmètre du centre ancien de l’Isle-sur-la-Sorgue seront soumis à un permis de louer au travers d’une autorisation préalable de mise en location, conditionnant ainsi la conclusion d’un bail. Délivrée sous un mois, la demande d’autorisation préalable devra être renouvelée par le bailleur à chaque nouvelle mise en location et devient caduque au bout de deux ans. Le délai d’un mois court à compter du dépôt de la demande. L’absence de réponse de la commune vaut autorisation préalable de mise en location. Grâce à cet outil de contrôle (intégrant notamment un diagnostic technique et une potentielle visite), la Ville disposera de moyens de lutter contre les bailleurs peu scrupuleux et marchands de sommeil proposant à la location des logements dégradés. Ce dispositif issu de la loi Alur (pour l’Accès au logement et à un urbanisme rénové) du 24 mars 2014 permet aux collectivités de contrôler l’état des logements avant leur mise en location. En 2018, l’État avait renforcé ce dispositif suite au drame de la rue d’Aubagne à Marseille avec la loi Elan (Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique).
Contact : Direction habitat, environnement-développement durable du territoire : 04 90 38 68 40 ou https://facilhabitat.gouv.fr/parcours-pas-a-pas
Du photovoltaïque participatif
Depuis l’an dernier, la commune de l’Isle-sur-la-Sorgue accueille ses premières fermes photovoltaïques d’une puissance totale de 1,97 MWc, produisant chaque année 2 900 000 kWh, soit les besoins énergétique d’environ 1 210 personnes. Réalisé par la société montpelliéraine Valeco suite à un appel d’offres lancé en août 2016, un premier projet a vu le jour au terme d’un chantier de 6 mois, entre avril et septembre 2019, dans le quartier Saint-Gervais. Il comprend la pose de panneaux photovoltaïques sur les toitures de l’hippodrome et du boulodrome ainsi que la réalisation d’ombrières sur le parking de l’hippodrome. Un second projet doit aussi sortir de terre d’ici 2021 au nord du quartier Saint-Antoine, sur le site de l’ancienne déchetterie des Calottes. Des projets pour lesquels Valeco s’est engagée à mettre en œuvre un financement participatif permettant aux habitants de la commune d’investir une partie de leur épargne dans des projets qui contribuent au développement de leur territoire.
En chiffres
41,45 M€ de dettes
Il y a 12 ans l’endettement représentait alors 72 années de remboursement pour la Ville. Aujourd’hui, ce prévisionnel a été ramené à moins de 13 ans.
500 000€ de désendettement par an
Depuis 5 ans la commune a retrouvé un autofinancement positif qui lui permet notamment de se désendetter de 500 000€ par an là où elle perdait 625 000€ en 2008.
7,4M€ de désengagement de l’Etat estimés par la Ville depuis 2014
5,07M€ d’investissements
Malgré une situation budgétaire serrée la Ville a pu augmenter le montant de ses investissements entre 2014 (3,9 M€) et 2018 (5,07 M€) sans avoir eu à augmenter les impôts ni à rogner sur la part consacrée aux associations (720 000€ par an) depuis 2014.