‘Ensemble citoyens’, la maison commune avec Emmanuel Macron en tant qu’architecte a vu le jour. Une famille réunissant LREM, le Modem, Agir, Horizons, Territoires de progrès et En commun. Le député LREM Adrien Morenas qui s’est rendu à la Mutualité revient sur cet édifice et les prochaines présidentielles.
L’Echo du mardi : avec des personnalités aussi fortes de la majorité, la maison ne risque-t-elle pas de vaciller à la première secousse sismique ?
Adrien Morenas : il est bon lorsque l’on agrandit la famille de poser les jalons qu’il ne faudra pas dépasser. ‘Ensemble citoyens’ réunit des personnes qui sont persuadées d’une chose : le président doit se représenter car il est le seul capable de répondre aux problématiques et aux défis de notre pays. L’orgueil personnel passe au second plan, quelle que soit la famille politique. Nous sommes des maillons, l’idéologie politique est toujours plus grande. Edouard Philippe apporte une réponse à des personnes qui souhaitaient rejoindre la majorité mais ne se retrouvaient pas forcement dans d’autres partis. Horizons marque l’aile droite, Territoires de progrès et En commun marquent l’aile gauche écologique. C’est la force de cette maison. Une idée juste, qu’elle soit de gauche ou de droite, doit être appliquée.
Le Modem et Agir auraient-t-ils raison de se méfier du nouveau parti d’Édouard Philippe qui chasse un peu sur leurs terres électorales : soutien au nucléaire, libéralisme économique, immigration contrôlée… ?
Non à mon sens. Ce n’est pas une question de méfiance. Je prends l’exemple d’Emmanuel Macron et François Bayrou qui ont marché l’un à côté de l’autre pendant cinq années. LREM et le Modem sont deux mouvements sociaux libéraux, une terminologie que j’aime mieux employer. Edouard Philippe a été le premier ministre de ce mouvement LREM et a appliqué les directives du programme d’Emmanuel Macron. A aucun moment, sauf sur réforme, il n’a dérogé à ce que demandait le président de la République. L’égo et les positions individuelles doivent être mis de côté au profit de l’intérêt commun.
N’est-ce pas un pari trop audacieux de faire coexister des piliers avec des divergences sur des thèmes aussi majeurs que la retraite ?
Pour avoir été au Havre le jour du lancement de son parti Horizons, Edouard Philippe n’a jamais évoqué de retraite à 67 ans. Il a simplement rappelé que beaucoup de pays voisins partaient à la retraite plus tard que nous, entre 64 et 67 ans. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de discuter de ce sujet avec les députés du Modem. Il fut une époque où il n’y avait pas pléthore de Bac+5, la population était divisée par deux, le taux de vie nettement inférieur à celui d’aujourd’hui. La retraite au bout de 40 annuités convenait parfaitement. Aujourd’hui, tout le monde est d’accord pour cotiser un peu plus. Où placer le curseur ? Comment cotiser 40 ans si quelqu’un commence à travailler à 25 ans ? L’âge pivot de départ doit être évoqué, faire l’objet de négociations impliquant tous les acteurs.
Qu’est-ce qui différencie ‘Ensemble citoyens’ de l’UMP qui a connu des crises internes successives ?
La différence avec l’UMP, c’est que ce parti a voulu rassembler toute la droite, y compris des personnes animées par des idées d’extrêmes droites. Ce qu’avait d’ailleurs fait le parti socialiste quand Mitterrand a été élu, en rassemblant les étiquettes sous le ‘Front républicain’. Encore une fois, nous ne sommes pas « ni ni » mais nous sommes de droite et de gauche. Si nous voulons faire de grandes politiques sociales, il est nécessaire d’appliquer une politique économique rigoureuse en matière de budget.
Le point de friction majeur risque d’être les désignations de candidats pour les législatives. ‘Ensemble citoyens’ : joyeuse coloc’ ou chacun chez soi ?
Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Pour pouvoir prétendre se présenter aux législatives, il faut en premier lieu soutenir Emmanuel Macron pour la campagne qui s’annonce. Je n’ai pas vu beaucoup de personnes signer la tribune de soutien au président de la République en Vaucluse. La problématique d’Horizons n’est pas Edouard Philippe, mais plutôt les personnes qui espèrent obtenir quelque chose sans donner gage au président et le soutenir.
Le Sénat a rejeté en première lecture le budget pour 2022. Un budget qualifié « d’indéfendable et électoral » selon le sénateur Jean-Baptiste Blanc. Ce PLF est-il raisonné et raisonnable ?
On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Nous ne pouvons pas mobiliser 100 milliards d’euros de plan de relance sans mettre la main à la poche. Nous aurions pu faire un budget équilibré, même si la tâche aurait été extrêmement compliquée. Les infirmières n’auraient pas été augmentées, France relance aurait été arrêté, les moyens affectés à la sécurité auraient été réduits. De la même manière, nous n’aurions pas investi dans notre souveraineté alimentaire, industrielle, technologique, ni dans le nucléaire et les petits réacteurs. Tout le monde veut baisser les fonctionnaires, sauf chez soi. Je rappelle que la France a le premier taux de croissance de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques, ndlr). L’investissement n’est jamais une folie dépensière lorsqu’il permet de sécuriser l’avenir.
Que vous inspire la droite d’aujourd’hui ?
Ma circonscription est l’exemple même de ce qui se passe quand une personne de droite veut trop se rapprocher des extrêmes sur le triptyque : sécurité, immigration, identité. Je pense que même l’électorat qui vote à droite et à l’extrême droite ne se rend pas compte des conséquences sur sa vie de tous les jours. Si Éric Zemmour ferme les frontières, les agriculteurs risquent de se retrouver avec de grosses problématiques pour récolter les cerises et les fraises. Avec cette idéologie de rassembler toutes les droites, nauséabondes, racistes et xénophobes, nous sommes à mille lieues du courant dont certains se revendiquent. De Gaulle prônait une France unie et rassemblée. Je reprends ce qu’une personne avait déclaré à Éric Zemmour et qui suscite largement mon adhésion : « Vous n’êtes même pas le début du commencement du brouillon de de Gaulle ».
Éric Ciotti qui soutiendrait clairement Éric Zemmour en cas de face à face avec Emmanuel Macron au 2nd tour des présidentielles. Certaines frontières poreuses conforteront-t-elles l’adhésion à la majorité ?
Ce qui est certain, c’est que la droite d’aujourd’hui est mal à l’aise. La droite traditionnelle a envie d’une grande droite. De l’autre côté, Edouard Philippe ou Christian Estrosi, ancien ministre de Nicolas Sarkozy, ne se sentent pas à l’aise avec la proximité de l’extrême droite. Au milieu demeurent quelques orphelins qui ne savent plus trop où donner de la tête. La polarisation de la vie politique est assez inquiétante. Comment est-il pensable d’apporter encore son soutien à Éric Ciotti qui a clairement affirmé qu’il soutiendrait Éric Zemmour ? Je suis en contradiction avec l’ensemble du discours de ce dernier. Un mot sur le débat LR, qui a parlé d’économie ? L’éternel sujet de l’immigration a monopolisé les 128 minutes d’échanges.
Adrien Morenas, en marche pour les prochaines législatives ?
J’ai bien évidemment envie de me présenter à nouveau, mais pour ce faire, mon mouvement politique doit d’abord m’investir. En politique, à chaque jour suffit sa peine. Le député est un local qui parle au national. Nous nous enrichissons de tout ce qui se fait chez nous pour le porter à Paris. C’est en discutant que l’on se rend compte des synergies entre départements, dans le but de défendre nos idées ensemble. Faire avancer les choses dans ce temple qu’est l’Assemblée nationale et travailler ensemble pour améliorer la vie des Français au quotidien, voilà ce qui m’anime.
Propos recueillis par Linda Mansouri