Lucien Stanzione, sénateur de Vaucluse, a poussé les portes de l’Echo du mardi pour dire ses combats et attentes. Le défenseur des élus vauclusiens s’émeut de la mise à l’amende des maires pour cause de Loi Alur et de défaut de logement social, de la fermeture des classes et des bureaux de La Poste et défend le statut de bénévole des sapeurs-pompiers volontaires. Il réclame plus de moyens pour la Police et la Justice ; promeut l’assurance pour tous les agriculteurs ; s’inquiète de la précarité des étudiants et plus largement des jeunes, se livre sur les élections départementales et s’offusque de la liste régionale de gauche Sud-Paca.
La Loi Alur
«Actuellement ? Je travaille sur la loi Alur (Accès au logement et urbanisme rénové), faisant remonter au législateur les positions des élus Vauclusiens sur la constructibilité, le PLU (Plan local d’urbanisme), les 20% de logements sociaux afin de porter des amendements qui, par exemple, aideraient les collectivités -à partir de la création d’un fonds départemental- à conserver leur droit à l’investissement. En effet, celui-ci servirait à démarrer des opérations plutôt que laisser disparaître, dans un pot commun, les montants des amendes pour défaut de construction de logements sociaux, vers une destination inconnue. C’est en tout cas ce sur quoi je travaille dans le cadre du projet de Loi 4D relatif à la différenciation, à la décentralisation, à la déconcentration et la simplification de l’action publique locale.»
L’Elu, une personne particulièrement exposée
«J’œuvre également sur la protection juridique des élus car, aujourd’hui, s’il a un souci judiciaire, il est traité comme un quidam ordinaire. C’est impensable car il représente l’Etat mais à ce titre-là, il n’est pas défendu comme tel. Pourtant, en plein Covid ce sont bien les maires qui sont en 1re ligne pour porter assistance à leur population ! Je réclame que les élus soient autant protégés que les policiers, magistrats, sapeurs-pompiers car tous incarnent l’autorité de l’Etat sur le territoire. Je ne dis pas qu’il faut cultiver l’irresponsabilité mais qu’elle soit mesurée. Et que lorsqu’ils font l’objet d’agression, que la Justice punisse les contrevenants très durement. C’est à partir de là que s’exerce la notion de respect de la fonction.»
L’école
«Le Dasen (Directeur académique des services de l’Education nationale) de Vaucluse prévoit la suppression de 34 classes dans le département à la rentrée 2021. Je lui ai écrit pour lui demander d’attendre la rentrée 2022. Pourquoi ? Parce que même si on desserre peu à peu les verrous du confinement on ne sait pas ce qui se passera à la rentrée. D’autant plus qu’à l’heure actuelle on impose la distanciation physique des élèves, le fonctionnement de la cantine par roulement avec des plages horaires très élargies de 11h à 14h alors on ne peut pas, dans un même élan supprimer des classes !
Trois classes bientôt fermées dans le centre-ville d’Apt
«Il est, par exemple, question de supprimer trois classes -1 maternelle, 2 élémentaires- dans le centre-ville d’Apt. Pourquoi ? Parce qu’il y a deux catégories de familles qui cohabitent en centre-ville : des familles très très modestes à la situation sociale très compliquée et d’autres disposant de plus de moyens. Ces dernières disposent de voitures et emmènent leurs enfants fréquenter des écoles dans les villages alentours. Si ces classes ferment que deviendront les enfants des familles les plus modestes car, eux, ne pourront pas se rendre dans les villages avoisinants ? Fermer des classes renforcerait cette injustice et mettrait à mal les enfants qui ont, au contraire, besoin d’être aidés.»
Ne nous précipitons pas !
«Ce que je dis ? Ne nous précipitons pas sur cette rentrée des classes de septembre 2021 qui sera encore atypique comme l’a été la rentrée 2020. Attendons 2022. Nous disposions d’un plan de relance de 115 milliards d’euros, pourquoi ne pas avoir prévu d’en faire bénéficier l’Education nationale en conservant plus de classes ? La décision ? Elle sera donnée le 30 juin. Je le redis : je souhaite le maintien des classes.»
La Poste
«La Poste s’est lancée dans la restructuration de ses bureaux, notamment via des changements d’horaires cependant ces changements ne sont pas en adéquation avec la demande des usagers qui, trouvant portes closes, fréquentent moins les bureaux ce qui induit, au fur et à mesure du temps qui passe, leur fermeture avec la logique que les usagers se rendront dorénavant à un autre bureau, même s’il se trouve loin de leur domicile. Ma bataille ? C’est qu’en zone urbaine les bureaux de Poste ne ferment pas. Nous avons failli perdre, il y a peu, La Poste de la place Pie à Avignon et maintenant se pose la question de la fermeture du bureau de Saint Ruf ! Les directeurs de La Poste ? Ils prennent un compas pour délimiter 800m, voire 1km et disent que les gens peuvent pousser la porte d’un autre bureau de Poste… Comment feront les personnes âgées, les personnes à mobilité réduite pour se déplacer ? Elles ne pourront pas ! Cela a également un impact pour les entreprises.»
Les pompiers : le statut et le no unique 112
«Je nourris un attachement particulier pour les pompiers pour avoir travaillé auprès d’eux durant trois ans, à l’Etat-major, sur leur plan de formation. Je travaille particulièrement sur le statut du pompier volontaire car une directive européenne vient de voir le jour expliquant que toute activité, quelle qu’elle soit, est un travail et, de fait, entre dans ce cadre règlementaire. Sauf que cela n’est pas vrai pour les pompiers volontaires qui sont vacataires, appelés à la demande, ne possèdent pas de contrat de travail et, pourtant, cette directive pourrait leur être appliquée. C’est tuer le volontariat ! Alors que la particularité du service de secours français s’appuie sur deux piliers qui sont les professionnels et les volontaires qui maillent, ainsi, tout le territoire.»
Une spécificité française
«C’est une organisation assez atypique en Europe. Cela permet de disposer, dans tous les villages de France, de pompiers volontaires qui interviennent en moins de 12 mn après un appel. Sans eux ce ne serait pas possible. Je veux sauvegarder l’emploi volontaire.»
Le 112
«Le problème du 112 ? Que chacun veuille tirer la couverture à soi ! En France, il y a beaucoup de numéros d’urgence : le 15 pour le Samu, le 17 pour Police secours, le 18 pour les pompiers, le 114 pour les personnes sourdes et malentendantes, le 115 pour le social, le 3919 pour les femmes victimes de violence et, enfin, le numéro européen : le 112. Aujourd’hui, la Fédération nationale des pompiers défend l’idée de rassembler l’ensemble des numéros pour consacrer le numéro universel et européen. Ainsi, où que vous alliez, vous faites le 112 et êtes secouru alors que lorsqu’un étranger arrive en France il doit choisir entre 6 numéros différents… La réponse à l’urgence doit être simplifiée permettant de faire un dispatching derrière le 112 et selon la nature du besoin. Je ferai cependant une exception pour le 3919 (violences faites aux femmes), dont je pense qu’il doit être préservé car ce qui est dit est de l’ordre de l’intime et doit être traité différemment.»
Le service public de la police
«J’ai fait partie des personnes qui ont participé à la manifestation de soutien à Eric Masson, le policier assassiné, aux côtés de cinq autres socialistes et des 40 policiers avignonnais. Je trouve que celle-ci a été détournée et noyautée par certains partis politiques qui sont venus en masse arborant leur écharpe, faisant de leur présence une démonstration de force politique. Alors que l’objectif était de soutenir un policier assassiné, une famille détruite… Je m’en suis ému sur mon compte facebook. La Police joue un rôle important et il n’est pas question d’opposer Police et Justice. Les deux doivent fonctionner ensemble mais il est vrai que la Justice comme la Police manquent de moyens. Un juge d’instruction ne peut pas suivre, à lui seul, la masse de dossiers qu’on lui confie. Nous avons besoin d’un ministère de la Justice mieux doté en moyens et en hommes et cela est aussi vrai pour la Police.»
L’agriculture
«C’est un ‘gros’ sujet parce que le département de Vaucluse est un département agricole. Notre économie est là : maraîchages, cultures saisonnières, vigne, fruits. Je viens d’être confronté au gel des vignobles et des arbres fruitiers qui vont impacter l’agriculture sur plusieurs années puisqu’il faudra arracher les ceps de vignes et les arbres, replanter et attendre leur fructification qui n’interviendra que dans –au mieux- trois ans puis surtout à partir cinq ans pour une production plus qualitative. Sachant, également que le cep met 10 ans à produire un raisin destiné à un vin de qualité. Ainsi, le gel aura impacté en une fois les 5 à 10 prochaines années, mais qui, en dehors des agriculteurs, le sait ?»
La question de l’assurance
«Elle touche absolument tous les agriculteurs et c’est pour le moment un problème insoluble, qu’il faut donc le traiter autrement. Pourquoi ? Parce que l’assurance est volontaire et donc coûteuse ce qui fait que peu de monde y va. Ce système induit des primes annuelles élevées, avec, en référence, les dégâts des années précédentes ce qui renchérit les prix. La solution ? Créer un cercle vertueux. L’Etat pourrait intervenir de façon dégressive avec la mise en place d’un système assurantiel à prix accessibles ce qui permettrait à tous les agriculteurs d’adhérer, cet effet de masse permettant à son tour l’accès à une prime d’assurance au prix contenu.»
Les saisonniers marocains et tunisiens
«La pandémie a bloqué aux frontières les saisonniers agricoles –beaucoup de Marocains et Tunisiens, les Espagnols étant moins impactés par les contingences sanitaires- qui restent 7 jours en quarantaine et dont le coût est à la charge de l’employeur, c’est-à-dire que l’agriculteur en plus des frais de confinement qui sont à sa charge va également rémunérer cette semaine non travaillée. Je demande de l’aide –de l’ordre d’une semaine de Smic, salaire minimum de croissance, agricole- pour les agriculteurs qui ne sont ni responsables de la quarantaine ni de la pandémie.»
La Culture
«Je siège, au Sénat, à la Commission de la culture. Au 5 juillet, à l’ouverture du festival d’Avignon, la jauge devrait être de 100%. Cependant tout ce qui concerne la Musique du monde : les festivals de musique en salle et en plein air debout, n’est pas réglé ! Ainsi le Rhinoférok, festival rock de juillet qui a lieu à Pernes-les-Fontaines et réunit 5 000 personnes, a été annulé comme beaucoup en France et en Europe. Pour ces festivals, nous n’avons pas encore trouvé de solution. Cela pose aussi le problème économique lié à la jauge des lieux qui ne sont pas subventionnés. Nous devons donner une réponse claire à l’organisation de festivals de musique.»
Comment pressentez-vous les élections ?
«La gauche a des chances sur ces élections départementales d’abord parce que la majorité de droite emmenée par Maurice Chabert n’a pas fait grand-chose sur le domaine du social et de l’écologie et que l’on ne peut pas rester sur une politique immobiliste alors que les questions du social et de l’écologie restent prégnantes. Pour le parti socialiste Jean-François Lovisolo (Maire de la Tour d’Aigues depuis 2008) est assurément le meilleur candidat pour conduire, demain, le Département. Son parcours de maire, de président des maires de Vaucluse, de Conseiller départemental en font un homme aguerri à la question du territoire pour diriger le Département.»
Aider les jeunes de moins de 26 ans
«Pour le social j’évoque le revenu pour les jeunes qui n’ont pas accès au RSA (Revenu de solidarité active d’un montant de 565,34€) entre 18 et plus de 25 ans. Il ne s’agit pas de créer une nouvelle allocation mais de rassembler l’ensemble des allocations servies pour arriver un minimum garanti qui corresponde au RSA. Cela concernerait tous les jeunes étudiants et apprentis qui vivent actuellement dans une grande précarité.»
Réussir lors des partiels à l’Université
«A l’occasion du passage des partiels à l’université et alors que les étudiants ont dû déserter leur location pendant le confinement, la fédération du parti socialiste de Vaucluse a lancé un appel à la solidarité pour que les étudiants puissent être hébergés et aidés afin de passer leurs examens dans de bonnes conditions.»
Les élections régionales
«On n’a pas maîtrisé l’accord régional qui a été conduit à Marseille et à Paris. Nous sommes là dans une configuration politique plus générale avec, en arrière-plan, les élections présidentielles. Nous avons là une liste qui ne nous convient pas et je l’ai fait remonter à mon parti. Même si l’on est pour le renouvellement, on ne peut pas admettre que le parti socialiste apparaisse en 4e position sur une liste ‘Rassemblement écologiste et social emmené par Jean-Laurent Félizia’ alors que c’est l’une des principales forces de gauche dans le département de Vaucluse avec 400 adhérents à la fédération du Parti socialiste et un maire PS, Cécile Helle d’une ville de plus de 90 000 habitants. Nous sommes la 2e ville tenue par la gauche dans la région après Marseille ; il n’y a pas d’autres départements à part les Bouches-du-Rhône pour accueillir des parlementaires de gauche et on se retrouve en 4e position sur les régionales ! »
Lucien Stanzione
Lucien Stanzione, 71 ans est sénateur de Vaucluse. Il a été élu en septembre 2020. Il a été maire d’Althen-des-Paluds (mars 2001 à mars 2014) et conseiller municipal de Cabrières d’Aigues. Il a été cadre territorial et directeur général de Mistral Habitat (le bailleur social du Conseil départemental de juin 2001 à avril 2011 appelé désormais Vallis Habitat). Il est le 1er secrétaire fédéral PS Vaucluse et président UDESR 84 (Union des élus socialistes et républicains). Il est, entre autres, membre de la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication, également membre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Il est membre du groupe socialiste, écologiste et républicain.