Comme chaque année, nous aurions pu consacrer cet éditorial aux conséquences des incohérences de nos frontières administratives entre le Vaucluse et le bassin de vie d’Avignon. Voilà bientôt 10 ans que dans chaque édition du Vaucluse en chiffres nous mettons en avant l’impact mortifère de ce décalage sur notre avenir, près de 20 ans que nous l’écrivons dans les colonnes de l’Écho du Mardi et, pour ma part, plus de 25 ans en comptant mes années à Midi Libre.
Et pourtant rien ne se passe
L’effet de ce déphasage entre la réalité de notre quotidien et notre découpage administratif a un impact désastreux sur son développement. Tout le monde est d’accord sur le constat : emploi, pauvreté, mobilité, pollution, qualité de vie, santé, fiscalité, éducation, compétitivité économique… Et pourtant rien ne se passe… À croire presque que la vision de notre territoire ressemble à une gigantesque partie de ‘1, 2, 3 soleil’ avec pour seul horizon : le 1er qui bouge a perdu. Comment expliquer cet immobilisme ? Peut-être qu’il est finalement plus difficile qu’il n’y paraît de prendre des décisions, de préférence les bonnes. Et Désormais peu de gens semblent vouloir s’y risquer.
Une crise de vocations
Il y a toutefois bien une catégorie de décideurs qui sait ce que c’est que de prendre un engagement, ce sont nos maires et plus généralement tous nos élus locaux. Une ‘race’ malheureusement en voie d’extinction. Pensez-donc : l’État qui ne leur fait pas confiance a su pourtant les trouver lorsqu’il a fallu colmater les fuites du navire républicain tanguant sous les vagues de la contestation des gilets jaunes. On les a alors entendus, mais pas écoutés. Eux, qui restent à portée ‘d’engueulade’ alors que dans le même temps une bureaucratie déconnectée multiplie les contraintes et les réglementations hors-sol. Pas étonnant dans ces conditions que l’on assiste à une véritable crise des vocations. Plus d’un maire sur deux ne souhaite ainsi pas se représenter à la fin de son mandant en 2026. Du jamais vu depuis plus de 20 ans.
Il est urgent de redonner le pouvoir aux maires.
Dévouement vs Exaspération
“ Nous en sommes aujourd’hui à nous poser la question de savoir s’il faut jeter l’éponge ou si nous devons brûler des pneus devant une préfecture “ , nous avouaient désabusés tout récemment deux maires ruraux, l’un Vauclusien, l’autre Normand. Quelles que soient leur couleur politique, la taille de leur commune et même leur région d’exercice, force est de constater que l’implication et le dévouement ne suffisent plus à compenser leur exaspération. “ Ce n’est plus possible de mettre 10 ans pour réaliser un projet qui devrait en prendre 3 “, crient-ils en choeur.
Savoir-faire du quotidien
Devant tant de difficultés et d’obstacles on comprend mieux maintenant que, pour certains, la tentation est grande de ne rien faire. Pour les autres, ceux qui ne baissent pas encore les bras, frustration et colère sont encore tenues à distance. Pour combien de temps ? Le danger est grand, car si ces élus de proximité représentent l’un des derniers repères pour les citoyens, ils constituent surtout l’un des derniers remparts de notre société. Il devient de plus en plus urgent de redonner le pouvoir aux maires. Des maires que nous avons éloignés des pouvoirs centraux de décision en raison du non-cumul des mandats. Une fausse bonne idée qui nous a coupé de l’expérience de ceux qui ont les savoir-faire du quotidien. Il devient aujourd’hui vital, en Vaucluse comme partout ailleurs dans notre pays, que les maires (y compris ceux des grandes villes) retrouvent toute leur place au sein de notre parlement.

*hors frais d’envoi