Le CESER (Conseil Economique, Social, Environnemental et Régional) a 50 ans. Il a été institué par la loi du 5 juillet 1972 comme la 2ème Assemblée régionale (avec le Conseil Régional de la Région Sud Provence Alpes Côte d’Azur) et « il a la charge de donner son avis sur l’évaluation des politiques publiques. Ses réflexions nourrissent le débat d’idées et alertent les élus sur les attentes de la société civile dans sa grande diversité ».
Vendredi 8 juillet, la Commission Prospective du CESER Sud a auditionné Stéphane Lhermitte, polytechnicien, directeur-adjoint de l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques) de PACA. « Entre la prise de décision d’un infrastructure et sa réalisation, il se passe des décennies » disait en amont le président de la Commission, Patrick Heintz, « Par exemple, le tunnel qui traverse Toulon a pris 40 ans pour relier l’est et l’ouest de la ville. A Avignon, on parle de la LEO depuis 1987, et à ce jour, une seule petite portion a été construite, c’est dire si le long terme joue à fond, alors quelles sont les tendances lourdes pour la période 2020-2030? ».
Pour répondre à cette immense question, Stéphane Lhermitte a brossé l’état de la Région Sud, sa démographie, ses données socio-économiques, son territoire, les inégalités de sa population, ses richesses, les changements climatiques possibles et les enjeux à moyen terme.
« Avec 5 081 191 habitants à ce jour, notre région est la 7ème de France (derrière Ile de France, Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle Aquitaine, Hauts de France, Occitanie et Grand Est). Elle concentre un maximum de population dans les grandes villes, les métropoles (Marseille, Toulon, Aix, Nice, Cannes, Avignon) le bord de mer, le couloir rhôdanien, 85% habitent en ville, seulement 15% en zone rurale. Nombre de retraités ont été attirés par la Provence, dans les Alpes-Maritimes, le Var, les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse et les stations de ski, nous avons 29,3% de plus de 60 ans (+3 par rapport à la France), un chiffre qui est en pleine croissance. D’ailleurs, chez nous, 200 000 habitants ont plus de 80 ans, ce qui pose à terme la question de leur vieillissement, de leur maintien à domicile, des services à la personne âgée, du nombre de soignants, des structures de soins palliatifs, du nombre d’EHPAD (Etablissements hébergeant des personnes âgées dépendantes), d’urbanistes et architectes pour mettre toutes ces données en perspective dans l’organisation de la société ».
Autre caractéristique du Sud, les inégalités : 17% de la population est pauvre (+2,5% que l’hexagone), 25,4% des enfants également (21% en France) et une famille monoparentale sur 3. Nous sommes la 3ème région après l’Ile de France et la Corse à afficher de tels taux mais nous attirons aussi des personnes fortunées à Saint-Tropez, dans le Luberon ou sur la Promenade des Anglais. 510 000 personnes habitent dans des QPV (quartiers prioritaires de la ville) ce qui représente 10% de la population (contre 7,4 en France), notamment des jeunes qui n’ont fait ni études, ni apprentissage et qui sont sortis du système scolaire sans diplôme. Ils ont donc des difficultés d’insertion et des problèmes pour se loger, d’autant que taux de chômage s’élève à 8,3% en général (7,4% en France) avec des pointes pour les jeunes et les femmes.
Ce qui débouche logiquement sur le problème du foncier en Région Sud, le mètre carré est rare donc cher, sans parler de la concurrence des résidences secondaires, occupées quelques semaines par an par leurs propriétaires, ce qui explique le peu de disponibilité d’appartements et de maisons, sans parler des HLM qu’on construit insuffisamment.
Autre préoccupation qui se pose avec une acuité grandissante, le changement climatique et les phénomènes extrêmes que nous constatons d’année en année, inondations, sècheresse, canicule, feux de forêt. « Notre région émet 7,4 tonnes de gaz carbonique par habitant (+7% que la France) en raison de l’industrie (pourtour de l’Etang de Berre, Fos sur Mer, Miramas, raffineries, pétrochimie), d’immenses bateaux de croisière qui mouillent du matin au soir au large de l’Estaque sans couper leurs moteurs. Quant aux zones inondables elles concernent 1 million d’habitants dont 42 000 en risque très élevé.
La pollution due aux embouteillages prend sa part dans la qualité de notre environnement. Par exemple, chaque jour 290 000 personnes prennent leur voiture pour aller travailler, entre Aix, Martigues, Aubagne et Marseille, mais il faut noter qu’en 10 ans le nombre de véhicules électriques ou hybrides qui affichent la vignette Crit’Air 1, est passé de 5% à 31%, ce qui est un progrès sensible.
Pour être positif, il nous faut aussi parler de la richesse de notre région. Elle est en augmentation grâce à sa diversification même si le tertiaire (les services) domine avec 83%, notamment dans le secteur du tourisme. N’oublions pas, par exemple, que le Vaucluse (570 000 habitants) accueille 4 millions de visiteurs chaque année, attirés par la qualité du paysage, le patrimoine, les festivals, les musées, les vignobles, le beau temps. La recherche aussi est l’une de nos pépites, la 3ème de France pour ses efforts de recherche, avec les équipes du CNRS à Marseille, les scientifiques de nos universités, Sophia Antipolis dans les Alpes-Maritimes, le technopôle de Château-Gombert, l’INRAE à Avignon et ses 700 chercheurs, ITER aux confins du Vaucluse, du Var, des Alpes-de-Haute Provence et des Bouches-du-Rhône.
Toutefois, des questions restent posées : quels sont les métiers d’avenir? Comment protéger la biodiversité? Quelle sera notre ressource en eau avec la fonte régulière des glaciers? Comment maintenir la présence d’agriculteurs alors que la terre est grignotée sans cesse par les ronds-points, les logements, les zones d’activité en attendant la fin de l’artificialisation des sols? Et surtout quand certains prévoient qu’il y aura 1 milliard de migrants dans le monde d’ici 2050, poussés par la famine, les séismes, la hausse de températures ou la montée des eaux, où iront-ils? A coup sûr, des milliers arriveront sur nos rives méditerranéennes, il est temps de réfléchir ensemble pour anticiper leur impact sur la vie de nos enfants.
« Le CESER est le miroir de notre société » a dit Marc Pouzet, son président lors du 50ème anniversaire. De son côté, Renaud Muselier, patron de l’exécutif régional a salué cet « Atout essentiel pour que notre action se fasse en lien avec les attentes de la population et la réalité du terrain ».