Site icon

Inéligibilité des fichés S : le député de Vaucluse dénonce une élimination des opposants politiques

Raphaël Arnault, député La France Insoumise - Nouveau Front Populaire de la 1ère circonscription de Vaucluse. © X/Raphaël Arnault

Partager cet article

Alors que la députée LR Virginie Duby-Muller vient de déposer une proposition de loi visant à interdire l’élection des personnes fichées S, Raphaël Arnault, nouveau député de Vaucluse, se sent particulièrement visé par cette mesure et dénonce « une dérive autoritaire » ainsi « qu’une volonté d’éliminer les opposants politiques lors de futures élections ».

Réélue pour un 4e mandat, Virginie Duby-Muller, la députée LR (Les Républicains) de la 4e circonscription de Haute Savoie, vient de déposer une proposition de loi « visant à rendre inéligible les personnes inscrites à la catégorie ‘atteinte à la sûreté de l’Etat’ du fichier des personnes recherchées ». Dans son collimateur, ce que l’on appelle plus communément les ‘fichés S’.

Des questions de sécurité et de sureté nationale ?
« Dans un monde toujours plus violent et instable, il est de la responsabilité du législateur de protéger les institutions de la République afin d’empêcher d’accéder à certaines fonctions politiques des personnes dangereuses et dont les intentions violentes visent à créer les conditions du chaos dans notre pays, explique Virginie Duby-Muller. Il en va du maintien de l’ordre public et de la protection de la sûreté de l’Etat. »
« Les parlementaires en tant qu’élus de la Nation sont amenés à occuper des fonctions spécifiques dans nos institutions politiques et à disposer de pouvoirs qui imposent une grande responsabilité, poursuit la parlementaire. On ne peut que s’interroger sur la pertinence d’autoriser un individu fiché pouvant mettre en péril la sûreté de l’Etat de pouvoir accéder à des informations ou à des lieux sensibles sans préavis et sans limitation de sécurité. Cela pose la question de la sécurité et de la sureté nationale. »

Virginie Duby-Muller, députée LR (Les Républicains) de la 4e circonscription de Haute Savoie, à l’origine de la proposition de loi « visant à rendre inéligible les personnes inscrites à la catégorie ‘atteinte à la sûreté de l’Etat’ du fichier des personnes recherchées ». Crédit : Les Républicains à l’Assemblée nationale

Un agent de sécurité perdra son emploi, pas un député
« Dans le reste de la société, un agent de sécurité perdra son emploi immédiatement pour des raisons de sûreté à partir du moment où il est fiché S, rappelle la députée LR. Pourtant à un poste de responsabilité, tel qu’élu de la Nation, aucun contrôle à priori n’est effectué. Les élections législatives anticipées du 30 juin et du 7 juillet 2024 ont démontré qu’il est possible pour un individu fiché S de se faire élire à la fonction de député. »
Pour éviter cela, la députée haut-savoyarde propose « d’instaurer un ciblage des candidatures aux élections », quel que soit le type de scrutin (scrutin de liste, scrutin binominal ou scrutin uninominal) afin de permettre au préfet de vérifier si le candidat est fiché S lors des déclarations de candidatures. Objectif : avoir la possibilité de la refuser et permettre de la remplacer dans un délai de 24h. En cas de rejet, il sera possible pour le candidat de contester sous 24 h cette décision auprès du tribunal administratif qui aura alors 3 jours pour se prononcer. Sans jugement rendu dans ce délai de 72h, la candidature serait alors validée.

Le député de la 1re circonscription de Vaucluse dans le collimateur
Virginie Duby-Muller ne s’en cache pas, cette proposition de loi cible tout particulièrement Raphaël Arnault, le nouveau député de la 1re circonscription de Vaucluse. Militant antifa lyonnais revendiqué, la candidature de ce dernier avait suscité une levée de bouclier, puis un ralliement à l’occasion du second tour, en raison de son profil d’ultra-gauche et de son passé à la tête de l’organisation antifasciste La Jeune garde dont il est membre fondateur. C’est manifestement à ce titre, qu’il serait fiché S par plusieurs services de police et de renseignements.
Cependant, en général le fiché S ne sait pas qu’il l’est. L’intérêt étant effectivement qu’il l’ignore afin de pouvoir le surveiller plus facilement. De fait, certain candidat le découvrirait lors de leur dépôt de candidature, ou éventuellement lors de leur rejet alors que ce document n’a aucune valeur juridique.

« Un pas de plus dans la dérive autoritaire de la droite française dite ‘républicaine’. »

Raphaël Arnault, député de la 1re circonscription de Vaucluse

« Si cette proposition arrive dans un contexte particulier, certainement liée à mon arrivée à l’Assemblée nationale, elle constitue un pas de plus dans la dérive autoritaire de la droite française dite ‘républicaine’, réagit d’ailleurs Raphaël Arnault. Il s’agit purement et simplement de la volonté d’éliminer leurs opposants politiques lors de futures élections.

 
C’est au titre notamment de son activisme au sein l’organisation antifasciste lyonnaise La Jeune garde dont il est membre fondateur, que Raphaël Arnault serait fiché S par plusieurs services de police et de renseignements en tant que militant de ‘l’ultra-gauche’. Crédit : X/Raphaël Arnault

Un non-sens juridique ?
« Cette proposition de loi est d’abord un non-sens juridique, poursuit le député LFI vauclusien élu sous l’étiquette Nouveau Front Populaire. En droit, seule une condamnation par un tribunal peut empêcher l’exercice d’un droit civique : être candidat à une élection en est un. Or, il est bon de rappeler que la fiche S n’est pas une condamnation par un tribunal. Si l’on se réfère à la commission du Sénat à ce sujet, la fiche S est attribuée de manière arbitraire par les services de renseignements pour ficher une personne. On apprend qu’elle peut être déposée par n’importe quel policier anonymement. Autrement dit, n’importe quel policier pourrait décider d’empêcher n’importe quel militant de se présenter à des élections. Par ailleurs, il existe 16 types de fiche S dont un seul réservé aux terroristes. Aujourd’hui des lycéens qui ont bloqué leur lycée contre Parcursup se voit fiché S, des syndicalistes, des militants écologistes… En clair : des personnes s’opposant aux politiques anti-sociales et anti-écologiques des gouvernements néolibéraux ou encore s’opposant aux violences des milices néo-fascistes. »

Revendiquant son opposition « aux gouvernements néolibéraux » ainsi « qu’aux néo-fascistes », Raphaël Arnault s’est félicité d’avoir voté lors des dernières élections au sein de l’Assemblée sans serrer la main des jeunes élus du Rassemblement national désignés secrétaires pour cette séance. Crédit DR

Pour un moratoire sur le fichage de militants politiques
« Cette proposition de loi est donc un retour en force de l’arbitraire et de l’autoritarisme, insiste Raphaël Arnault. Des personnes que les institutions policières ont décidé de ficher pourraient se voir privées d’un de leur droit de citoyen élémentaire. C’est une atteinte grave à plusieurs libertés fondamentales. Nous ne laisserons pas passer ces attaques liberticides à l’Assemblée. Au contraire, nous proposerons un moratoire sur le fichage de militants politiques. Parce que la démocratie en dépend, les libertés fondamentales doivent être protégées de l’arbitraire des gouvernements. »

3 000 fichés S pour ‘Ultra-gauche’
En France, on comptabiliserait plus de 30 000 personnes fichées S sur les 620 000 individus apparaissant dans les différents fichiers mis à la disposition des forces de sécurité au sein du FPR (Fichier des personnes recherchées), soit respectivement 0,04% et 0,91% de la population.
Au total, une vingtaine de catégories composent ce fichier ou pour certaines il ne s’agit que de surveillance n’entraînant aucune action automatique de coercition à l’encontre d’une personne.
Par exemple, ce fichier est ainsi composé notamment de fichés ‘E’ (police générale des étrangers), ‘IT’ (interdiction du territoire), ‘R’ (opposition à résidence en France), ‘TE’ (opposition à l’entrée en France), ‘AL’ (aliénés), ‘M’ (mineurs fugueurs), ‘V’ (évadés), ‘J’ et ‘PJ’ (recherches de police judiciaire), ‘T’ (débiteurs envers le Trésor) ou bien encore ‘S’ (sûreté de l’Etat)…
En France, selon nos confrères de Libération sur ces 30 000 personnes fichées S, environ 3 000 le seraient pour ‘ultra-gauche’ (0,004% de la population). Dans le même temps, selon le ministre de l’Intérieur près de 10 000 personnes seraient suivies pour leur appartenance à cette mouvance en France.

Quitter la version mobile