Dans une Salle du Château d’Eau à Monteux, pleine comme un œuf, tout le monde est là ce jeudi 16 novembre, dès 8h30, pour l’assemblée générale des maires de Vaucluse. Les maires, conseillers municipaux, adjoints, élus régionaux et départementaux, députés, sénateurs, la Présidente du département et la Préfète.
Mais aussi une quarantaine d’exposants, La Poste, la Chambre des Métiers et de l’Artisanat, la Chambre de Commerce et d’Industrie, Veolia, la Région Sud, la Fédération du BTP, la Compagnie Nationale du Rhône, les Transports Arnaud (qui fêtent leurs 100 ans), Vaucluse Numérique, Enedis, des banques, Agilis qui s’occupe de signalisation horizontale sur les routes et l’ADMR qui gère des soins à domicile.
« Ce Congrès des Maires est devenu incontournable, il offre une opportunité précieuse aux élus et à l’ensemble des acteurs des collectivités territoriales de se réunir et d’échanger », dit en prélude à la manifestation Pierre Gonzalvez, le Président de l’Association des Maires.
À 19h30, Christian Gros, maire de Monteux et secrétaire général de l’AMV, fait son rapport sur l’année écoulée en citant les élus disparus depuis l’années dernière, notamment Guy Ravier, l’ancien maire d’Avignon. « Nous avons été très occupés, la vie s’accélère, les problèmes à gérer sont de plus en plus diversifiés, a-t-il dit. Le métier de maire a beaucoup changé. C’est quoi, être maire aujourd’hui? Difficile d’établir un profil-type. Rien à voir entre le maire d’un village de 300 habitants et celui d’une ville de 10 000 voire 100 000 habitants. Mais ils ont des points communs : sens du devoir, amour de leur commune, goût de l’action publique, attachement à la République et le fait qu’ils se dévouent sans compter au service de leurs concitoyens. »
Christian Gros poursuit : « Nous n’attendons pas de remerciement particulier, mais, à défaut de reconnaissance, au moins qu’on nous respecte. Dans une société en perte de repères, soumise à des défis colossaux qui vont du désordre climatique aux conflits armés, en passant par la migration d’hommes et de femmes qui n’ont plus rien à perdre, oui, l’inquiétude touche nos concitoyens. Et dans un tel contexte, notre fonction de maire, le rôle crucial de chef de village nous met en situation d’être la cible de tous les excités, l’exutoire de tous les mécontants, frustrés, délinquants ».
L’intervention continue : « Nous sommes de plus en plus agressés, pour tout et n’importe quoi. Menaces verbales et physiques, insultes, intimidations, harcèlements, dénigrement, nous sommes responsables de tout même des déserts médicaux alors que les médecins ne veulent plus travailler comme leurs aînés qui étaient taillables et corvéables à merci. »
Autre problème rencontré par les maires, la complexification incessante des politiques publiques. « Le fossé se creuse entre nous et les citoyens, précise Christian Gros. Quand un administré nous demande que son terrain devienne constructible, on lui parle de PLU, de SCOT, de STRADDET, de ZAN, tous ces acronymes administratifs qu’il ne comprend pas. Ce fossé d’incompréhension entre politiques publiques et administrés, c’est la porte ouverte par laquelle s’engouffrent les populistes de toutes obédiences à grand renfort de fake news, de théories du complot et les populistes, donneurs de leçons et climato-sceptiques jouent sur du velours. »
Il conclut : « Dans mes fonctions de maire depuis 34 ans, sans flagronerie aucune, j’ai envie de dire très simplement ‘Merci, Madame la Préfète, pour votre proximité bienveillante, c’est précieux de vous avoir à nos côtés, non pas dans un rôle de censeur, mais de facilitateur, ça nous donne le courage de poursuivre. On doit se serrer les coudes, faire face ensemble, comme dirait Victor Hugo : ‘Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent’. »
Pierre Gonvalvez, président de l’AMV prend alors la parole : « Dans un contexte national et international des plus chaotiques, trouver du sens dans l’action publique est un vrai défi. Nous mesurons la tendance préoccupante de l’agressivité toujours plus violente à notre encontre, les violences verbales et physiques prospérent. On court le risque de connaître des élections municipales dépourvues de candidats. En plus, les injonctions contradictoires, les lois ubuesques de l’État, le splendide isolement face à des problèmes multiples et des responsabilités pénales sont autant de raisons de découragement. Malgré notre meilleure volonté, difficile d’atteindre les objectifs en termes de construction de logements sociaux. La Loi ZAN génère de grosses tensions sur le foncier disponible et réduit à néant la marge de manoeuvre des communes. »
Le maire de L’Isle-sur-la-Sorgue, par ailleurs président de l’AMV, évoque les problèmes financiers. « Une inflation élevée qui pèse sur nos achats, notamment les denrées alimentaires pour les cantines, la revalorisation des salaires de nos agents, + 5% du point d’indice en 2 ans auxquels il faudra rajouter +5 points d’indice supplémentaires au 1er janvier 2024. »
C’est ensuite à la présidente du Département de Vaucluse d’intervenir. « D’abord, la proximité. Ensuite, la proximité. Enfin, la proximité. C’est ce qu’attendent de nous les Français. Le Département est là pour vous accompagner. Avec le dispositif ‘Vaucluse Ingénierie’ lancé en début d’année, nous avons déjà aidé 41 communes pour 77 projets comme la rénovation d’une école, la création d’un Café-Vélo, l’installation d’un artisan, l’aménagement d’un cœur de village, la réhabilitation d’un camping. »
Dominique Santoni, fière de ce constat, annonce : « Nous allons donc développer cette plateforme et la transformer en Agence Technique Départementale pour vous offrir plus de services avec des techniciens spécialisés. En contrepartie, une adhésion symbolique de 50€ pour les communes de moins de 2 000 habitants sera demandée. » Autre annonce pour la voirie. « Le dispositif d’assistance aux collectivités locales sera élargi à toutes les communes avec une contribution de 50 centimes par habitant ».
« Enfin, le ‘Contrat Vaucluse Ambition’ prévoit une enveloppe de 28,5M€ sur 3 ans. Malgré la baisse de 25% des DMTO, soit -34M€, la hausse des frais d’énergie, la revalorisation des salaires et certaines dépenses décidées par l’Etat sans concertation, ni compensation, ajoute-t-elle. Nous allons, magré tout investir 120M€ par an jusqu’en 2028. »
La Présidente Dominique Santoni tient aussi à revenir devant les maires sur l’éventuelle création d’un ‘Pôle métropolitain’ par une intervention particulièrement applaudie. « Quelle proximité restera-t-il dans un pôle regroupant 520 000 habitants sur 3 régions dans une structure de 8 intercommunalités et 148 communes ? Interroge-t-elle. Est-ce là le sens de l’histoire, éloigner toujours plus les décisions des citoyens et des maires ? Je ne le pense pas. »
A propos d’équilibre territoriel, justement, elle insiste : « L’an dernier, je vous ai promis que nous recruterions huit médecins généralistes salariés pour le Vaucluse. C’est fait à Avignon et Cadenet où ils sont six avec deux secrétaires médicales. 5 000 Vauclusiens ont déjà retrouvé un médecin-traitant, nous allons continuer avec un bus itinérant et la télé-médecine. » La présidente a terminé par les Jeux Olympiques et Paralypiques 2024, ‘Le Vaucluse se prend aux Jeux’ avec la flamme qui traversera le département le 19 juin 2024, à partir du site des Ocres de Rustrel jusqu’au Pont Pont d’Avignon, via Apt, le Ventoux, le Théâtre Antique d’Orange et la passerelle himalayenne de Sorgues.
C’est vers 11h que la Préfète s’est installée devant le pupitre. « Être maire, c’est un métier, a-t-elle affirmé. Voire une galaxie tant il y a un pannel d’actions, de responsabilités. Mais ne croyez pas que vous êtes seuls, je suis là pour rendre l’inconciliable conciliable. Comme vous, j’ai des lois, des normes, des injonctions contradictoires qui s’accumulent sur mon bureau tous les jours, une complexité à gérer pour prendre les décisions les moins mauvaises. On a déjà parlé ici du tandem maire-préfet, nous devons nous arrimer ensemble, les uns aux autres pour avancer. Coopérer pour trouver des solutions, faire le plein de bonnes idées. Je suis entrée dans la préfectorale il y a 16 ans, le Vaucluse est mon 6ème département. Nous nous sommes retrouvés plusieurs fois pour parler d’urbanisme, d’énergies renouvelables, de feux de forêt, d’inondations. L’évidence, c’est que je suis à vos côtés, pas face à face. Nous avons les mêmes devoirs, agir et obtenir des résultats concrets. »
Violaine Démaret parle ensuite de sécurité. « Policiers municipaux, garde-champêtre, 1 400 gendarmes et policiers nationaux risquent leur vie tous les jours pour sauver la nôtre, comme cela a été le cas le 21 juin dernier à Carpentras avec le gendarme Julien Nguyen sur lequel un délinquant a tiré à deux reprises, à bout touchant, dans la bouche et le ventre. Le défi est immense, mais nous ne lâcherons rien. Huit morts lors de règlement de comptes entre narco-trafiquants dans le Vaucluse. Pas question de baisser la garde avec les consommateurs festifs. 1 900 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées cette année contre 1 310 en 2022, plus de trois tonnes de drogues ont été saisies au lieu de 700 kg l’an dernier. Nous frappons là où ça fait mal, le portefeuille des cartels. La force doit rester à la loi. »
La Préfète évoque ensuite la création de trois brigades de gendarmerie, une fixe à Courthézon, deux mobiles à Caromb et à La Tour d’Aigues qui pourront se déployer et intervenir plus vite sur le terrain. « Notre détermination est totale avec les 2 Procureures de la République d’Avignon et Carpentras qui nous suivent. Tout le monde a droit à la sécurité et à la tranquillité. » Elle annonce également davantage de moyens pour installer et développer la vidéo-protection, démasquer les commerces qui blanchissent l’argent sale et dissimulent toutes sortes de trafics. « Quand on ferme ce type d’endroit, ça se remarque, ça se voit, c’est un signe de la puissance publique. On peut aussi l’accompagner d’une amende de 9 000€, c’est dissuasif. »
La Préfète continue en listant les thématiques qu’elle n’a pas pu aborder, faute de temps, mais qu’elle gère : dépôts sauvages d’ordures, tapage, harcèlement scolaire, violences contre les élus. « Il y a eu 16 faits recensés en 2022, des dénonciations calomnieuses sur les réseaux dits sociaux. Votre sécurité est prioritaire, n’hésitez pas à déposer plainte. Merci de ne pas jouer à l’hystérisation, de ne pas souffler sur les braises, jouez la carte de l’apaisement. »
Elle évoque aussi la ‘Plannification écologique’. Selon un rapport du GIEC, il a été fait état, dans un 1er temps, d’une montée des eaux de 69 cm. Dans un second temps, il est question de deux mètres qui engloutiraient le bord des côtes et emporteraient les cabanons et les maisons des Saintes-Maries-de-la-Mer. « Le Vaucluse doit d’adapter. Il nous faut changer de braquet, de paradigme avec un Plan départemental Eau. Le niveau du Rhône baisse. Il n’y a pas que les agriculteurs qui ont besoin d’eau pour que poussent les fruits et légumes, il y aussi les entreprises, les industriels qui font des prélèvements. » Elle n’a parlé ni des piscines, ni des golfs, mais la question est en suspens. Et elle a listé quatre priorités : la réutilisation des eaux usées, le contrôle des fuites de canalisations, le tarif de l’eau et la lisibilité des arrêtés sécheresse.
Enfin, elle a parlé des énergies renouvelables. « D’ici Noël, j’attends en cadeaux vos propositions. Il y a des endroits où on ne peut pas en installer, certains sites patrimoniaux, certains lieux inondables, d’autres où existent des risques d’incendies, d’autres enfin qui menaceraient la biodiversité. Mais il y a des zones où on peut accélérer leur installation. Il n’y a pas que les éoliennes — d’ailleurs pas forcément bienvenues près de la Base aérienne 115 d’Ornage-Caritat ou de l’aéroprt d’Avignon-Caumont. Mais il y aussi la méthanisation, le photovoltaïque et la géothermie comme à Sablet par exemple. Je vous rappelle que nous devons, d’ici 2023, avoir pour objectif 40% d’électricité issue du renouvelable, il est à portée de main. »
En 2022, après être arrivée en Vaucluse le 23 août, Violaine Démaret avait conclu lors de sa 1ère Assemblée Générale des Maires : « L’État est en mode solution. » En 2023, elle précise : « Notre boussole, c’est l’intérêt général, chaque instant au service des Vauclusiens. Je suis ici pour changer la vie, mais en mieux. » Applaudissements des maires, parlementaires, personnalités civiles et militaires réunis dans la Salle du Château d’Eau, avant de faire le tour des 40 stands d’exposants.