« Emmanuel Macron a tué la majorité présidentielle » prédisait l’ancien 1er Ministre, Edouard Philippe au soir des Européennes. « En même temps, ni droite ni gauche, maintenant, avec le président Macron, il n’y a plus que les extrêmes, il voulait être le rempart, il est le chaos. C’est la faillite du macronisme », ironisait hier soir le député européen LR François-Xavier Bellamy.
Forte mobilisation dans le département
Dans le département, la mobilisation est à son comble avec 67,58% de participation contre 54,12% aux Européennes le 9 juin dernier, soit +13,46% pour le 1er tour de ces législatives. Le rapport de forces est clair, avec un duel RN-Nouveau Front Populaire (essentiellement des LFI) dans 4 des 5 circonscriptions qui restent à pourvoir, puisque les deux macronistes qui auraient pu se maintenir dans la 2e circonscription (Sylvie Viala) et dans la 5e (Adrien Morénas) se sont retirés dès le 1er tour.
Le député sortant RN Hervé de Lépineau a été réélu dès hier dans la 3e circonscription (Carpentras) avec 53,51% des suffrages. L’ancien suppléant de Marion Maréchal, benjamine du Palais Bourbon à 22 ans en 2012, a devancé de 17 358 voix la candidate d’Union de la Gauche Muriel Duenas et il améliore son score de 2022 de plus de 10 000 suffrages. « Les électeurs m’ont exprimé leur reconnaissance. Pour Macron c’est un vote-sanction et pour nous, la progression est exponentielle. » Dans cette 3e circonscription, il surclasse tous les autres candidats avec 66% des voix à Bédarrides, 58,28% à Courthézon, 57,43% à Monteux (ville socialiste), 55,80% à Sorgues et 52,14% à Vedène.
Dans la 1re circonscription, celle d’Avignon-Morières-Le Pontet, la députée sortante RN Catherine Jaouen est en ballotage favorable (34,62%) devant le candidat investi par LFI, au cœur d’une polémique puisque parachuté de Lyon, Raphaël Arnaud (24,76%). Troisième, le divers gauche Philippe Pascal, qui avait les faveurs de la maire d’Avignon Cécile Helle et d’une grande partie de la gauche locale, n’a recueilli que 18,27% des voix. Pas suffisant pour se qualifier pour le second tour et inciter la maire d’Avignon à lancer un appel pour barrer le RN.
Quant à la candidate lepéniste, elle dénonce chez Raphaël Arnaud, « Un personnage qui véhicule de la violence, qui n’a pas sa place à l’Assemblée Nationale. On a déjà vu ce que ça donnait, LFI au Palais-Bourbon ». Elle totalise sur son nom 50,81% des voix à Morières, 46,56% au Pontet et 30,03% à Avignon.
Dans la 2e circonscription, la députée sortante RN Bénédicte Auzanot est en ballotage très favorable (45,95%) devant le candidat d’Union de la Gauche Patrick Blanès (24,85%) et la macroniste Sylvie Viala (19,40%) qui a retiré sa candidature, elle aussi, pour faire barrage à l’extrême droite. Bénédicte Auzanot totalise 56,65% des suffrages à Cheval-Blanc, 51,97% à Caumont, 49, 36% à Maubec, 48,95% à Cavaillon et 47,66% au Thor. Patrick Blanès a salué le retrait courageux de Sylvie Viala « Face aux extrêmes qui sont aux portes du pouvoir, l’enjeu est trop grave, aucune voix républicaine ne doit aller au RN qui prospère sur la misère et la division ».
A 60 voix près
Autour d’Orange, dans la 4e circonscription, Marie-France Lhoro, députée sortante lepéniste a failli être réélue dès le 1er tour. Seulement 60 voix l’en ont empêchée. Elle a donc déposé un recours pour que les bulletins soient recomptés. En attendant, avec 49,69% des suffrages, elle survole les 19,64% de la candidate d’Union de la Gauche, Monia Calvez (19,64%). Marie-France Lorho qui caracole à Lapalud (58,50%), à Mornas (58,46%), à Piolenc (58,25%), à Jonquières (54,93%), à Sérignan-du-Comtat (53,10%) et à Cairanne (52,81%). Quant à Marie-Claude Bompard, l’ancienne maire de Bollène, qui se présentait sous les couleurs d’Eric Zemmour, elle a recueilli 2 125 voix de Reconquête (soit 3,51% des exprimés).
Retrait d’Adrien Morenas
Enfin dans la 5e circonscription, Apt-Pertuis, laissée orpheline par l’ex-député macroniste, Jean-François Lovisolo, également ancien secrétaire fédéral du PS 84, qui avait choisi de quitter le navire au soir des Européennes, les électeurs ont failli avoir à choisir entre 3 candidats. D’abord la RN Catherine Rimbert (45,03%), puis l’Union de la Gauche Céline Celce (27,16%) et enfin le représentant du parti présidentiel, Adrien Morenas (20,29%). Finalement, ils auront un duel, puisqu’Adrien Morenas a décidé de se désister. « J’ai souhaité défendre les couleurs de ‘Renaissance’, mais, face aux résultats de dimanche, je ne veux pas voir le RN réaliser un grand chelem en Vaucluse ». Quoi qu’il en soit, Catherine Rimbert obtient 56,20% à Loriol-du-Comtat, 55,11% à Sarrians, 53,12% à Gargas, 40,30% à Pertuis, 39% à La Tour d’Aigues et 38,72% à Apt.
Plus de 126 000 suffrages pour le RN en Vaucluse
Dans le Vaucluse, le RN recueille 126 020 suffrages (46,22%), l’Union de la Gauche 63 687 – quasiment la moitié – (23,36%), le parti présidentiel 49 374 (18,41%) et les LR 14 948 (5,48%). Il est en miettes, en survie après qu’Eric Ciotti a migré vers le RN et dont le vice-président vauclusien Julien Aubert vient de déclarer sur la LCP (La Chaîne parlementaire) : « Dans un duel entre le Nouveau Front Populaire et le RN, je voterai évidemment RN. »
L’heure n’est donc pas au tri-partisme, mais à deux blocs qui se font face, le RN et LFI. Emmanuel Macron a voulu dissoudre dans un souci de clarification. C’est plutôt un crash pour sa majorité présidentielle. Après la déroute des Européennes, il se retrouve en lambeaux, au bord du précipice avec la projection d’une centaine de sièges au Palais-Bourgon à l’issue du second tour quand le RN en escompte au moins 250 voire davantage.« La démocratie a parlé, le RN a pratiquement effacé le bloc présidentiel. »
Marine Le Pen
Hier soir, à tour de rôle, les chefs de partis ont pris la parole. François Bayrou (Modem) a évoqué « Un vote sanction du peuple mécontent. Mais il faut conjurer cette menace en s’alliant aux démocrates et aux républicains » a-t-il conseillé. Pour Marine Le Pen « La démocratie a parlé, le RN a pratiquement effacé le bloc présidentiel. La participation montre une volonté de tourner la page à 7 ans de pouvoir méprisant et corrosif. C’est la première étape d’un choix d’alternance, mais rien n’est gagné. Ce 30 juin renaît l’espérance, le 7 juillet, mobilisez-vous pour que le peuple gagne. »
« Quelle trace Emmanuel Macron veut-il imprimer dans l’histoire ? »
François Ruffin
De son côté, Jean-Luc Mélenchon , ni président, ni candidat de l’Union de la Gauche, a déclaré haut et fort : « Le vote massif des citoyens a infligé une lourde défaite à la prétendue majorité présidentielle. Monsieur Attal ne le sait pas encore, mais il n’est plus 1er ministre. Nous devons nous rassembler pour ne former qu’un seul peuple, basé sur l’entraide et le bien commun avec une seule alternative : proposer un autre futur ».
Du même côté de l’échiquier, François Ruffin, s’interroge : « Quelle trace Emmanuel Macron veut-il imprimer dans l’histoire ? Celle de l’espérance ou celle du pire, celui qui a laissé entrer le RN à Matignon ? Le pays est au bord du chaos, il faut à tout prix l’empêcher de tomber dans le ravin ». François Hollande candidat en Corrèze : « Le peuple a tellement de blessures, de souffrance, de colère qu’il le montre avec ce vote de protestation. Mais il est impérieux que le RN n’arrive pas au pouvoir ».
« Aucune voix ne doit se porter vers les extrêmes, ni au RN ni à LFI. »
Edouard Philippe
Jordan Bardella l’affirme « Je serai un 1er Ministre de cohabitation de tous les Français, du quotidien, de la défense du pouvoir d’achat, du rétablissement de l’ordre, de la sécurité, d’une reprise en main de la politique migratoire. Je serai garant de la devise Liberté-Egalité-Fraternité. L’alternance est à portée de main, soyons mobilisés pour le changement ». Marion Maréchal, ancienne élue vauclusienne a salué « Un bloc national en tête » et dénoncé la coalition de l’extrême gauche.
Quant à Edouard Philippe il l’a martelé « Aucune voix ne doit se porter vers les extrêmes, ni au RN ni à LFI. Il n’y a plus de majorité présidentielle. Je propose aux candidats d’Horizons qui sont arrivés troisième de se retirer aux profit exclusif de candidats républicains, qui ont en commun des valeurs d’attachement à la liberté, aux comptes publics, à la lutte contre le racisme, à la protection de la planète. Nous sommes au bord de l’abîme ».
En ce moment, les négociations vont bon train dans les états-majors. Alliance ? Coalition ? Maintien ? Retrait ? Le front républicain existe-t-il encore quand les citoyens font fi de la parole politique, de la tambouille politicienne et qu’ils s’émancipent de toute consigne de vote venue d’en haut ? C’est demain, à 18h, que l’on connaîtra la liste officielle des candidats vauclusiens à la législature 2024. Et dimanche 7 juillet que se tiendra un second tour inédit et historique.