Entre le 1er juin et le 25 juillet 2021, 1200 noyades ont été recensées en France. C’est ce que révèle l’enquête annuelle de Santé publique France. 131 de ces noyades étaient mortelles (23%).
Le commandant Alain Jalabert, adjoint au chef de groupement ‘interventions en milieu aquatique’ et chef de la compagnie Orange du SDIS 84, a ouvert ses portes à L’Echo du mardi. Par-dessus tout, l’homme souhaite sensibiliser pour éviter qu’une énième inconséquence ne détruise une nouvelle famille.
18% des noyades dans des piscines privées
Pour le commandant, il convient de distinguer les baignades en piscines privées de celles en milieux naturels. « 15% des noyades en France concernent les moins de 6 ans, 18% ont lieu dans des piscines privées. Mon premier conseil, c’est de ne jamais se baigner tout seul, insiste-t-il. Dès lors qu’il y a des enfants et qu’ils ne sont pas en âge de savoir nager, on s’équipe de barrières métalliques, d’alarmes, de couverture de sécurité, d’abris piscine type véranda coulissante… Toutefois, on a beau avoir une piscine qui coche toutes les cases de la norme réglementaire, il faut surveiller. Deux minutes d’inattention suffisent pour qu’un enfant se noie. On part arroser son géranium à l’autre bout du jardin, on répond à un bref appel, et tout se joue. »
Amende de 45 000€
« Systématiquement, les forces de l’ordre nous accompagnent lorsqu’une noyade est déclarée. Ils sont présents car cela reste un sujet hautement sensible. Lorsque l’enquête est lancée, on s’aperçoit rapidement que les mesures de sécurité autour de la piscine étaient inexistantes, c’est là que le bât blesse, alerte le commandant. Je le répète, un enfant se noie en quelques secondes, la surveillance est permanente et elle ne se délègue pas. » Les propriétaires qui disposent d’une piscine sur leur terrain doivent l’équiper d’un dispositif de sécurité. À défaut, ils encourent une amende de 45 000 €.
Attention aux plongeons dangereux
Le commandant rappelle aussi que, bien souvent, ce qui créé le drame, ce sont les plongeons. « Les gens sautent dans 20cm d’eau, cela entraîne des traumas du rachis et donc tétraplégie », alerte-t-il. Pour le sapeur-pompier aussi, trop de personnes se baignent après avoir bu ou consommé des stupéfiants. « Alcool et drogue ne font pas bon ménage avec la baignade. Ce sont des facteurs aggravants de réactions. Je veux impressionner les copains, au-delà de mes propres capacités. Les écarts entre une température ambiante ressentie et une eau à 16 degrés suffit à ce que le corps se mette en état de choc, explique-t-il. Nos amis pompiers des gorges de l’Ardèche sont régulièrement confrontés au problème. On se réceptionne mal, on rencontre un rocher dans l’eau, on se casse les cervicales sur le pont du Diable… »
« Une personne qui se noie ne crie pas au secours »
« Ayez un comportement responsable. Surveillez-vous les uns les autres, c’est un acte citoyen. Dois-je rappeler qu’une personne qui se noie ne crie pas au secours. En cas d’urgence, composez le 112 ou le 18 », exhorte le commandant Jalabert. 4 noyades sur la voie publique ont eu lieu depuis le début de l’année, notamment au lac du Pontet. « La noyade est médiatique car on n’accepte pas cet accident », souligne-t-il.
La noyade en 4 stades
Pour simplifier la communication entre les sauveteurs et les secours, des numéros ont été attribués en fonction la gravité de chaque noyade. L’aquastress (stade 1) : la personne présente des signes de fatigue, voire d’épuisement. Mais elle est consciente, ne présente pas de troubles ventilatoires ni circulatoires. La petite hypoxie (stade 2) : c’est un début de noyade. Il s’agit en général d’une personne qui va tousser, avoir froid, être épuisée, angoissée. Mais sa conscience et son pouls seront normaux. Ses voies respiratoires seront plus ou moins encombrées.
La grande hypoxie (stade 3) : la personne est soit inconsciente, soit désorientée, son pouls est perceptible mais sa respiration est plus ou moins efficace. « Dans ces cas-là, on est face à un véritable noyé, explique le commandant. On met alors la personne en position latérale de sécurité, puis sous oxygène, en attendant qu’elle soit hospitalisée. » L’anoxie (stade 4) : la victime est inconsciente et ne respire plus. On ne perçoit quasiment plus son pouls. Elle est soit en état de mort apparente, soit en danger d’arrêt cardiaque. Dans ce cas, on lui ingère de l’oxygène par insufflation avant d’entamer la réanimation cardio-pulmonaire.
Une centaine d’hommes et de femmes sont repartis en 20 plongeurs et 80 sauveteurs aquatiques sur tout le territoire vauclusien. Un reportage de Strike workout vient d’être publié sur la toile. Objectif ? Mettre un coup de projecteur sur ces sauveteurs aquatiques du SDIS 84 et leur mobilisation intense en période estivale. Quelques minutes pour découvrir leurs techniques pour mieux vous secourir et sensibiliser le public. A noter : la baignade à Fontaine-de-Vaucluse est interdite.
« La Durance est un endroit clé d’intervention »
« Depuis les années 2006, le SDIS a souhaité rendre plus réactive sa capacité de réponse face à un risque aquatique quel qu’il soit, de la noyade jusqu’à la voiture qui tombe dans un canal, en passant par l’inondation. Nos équipes balaient un spectre large d’interventions », explique-t-il. Un territoire au cœur de la vigilance ? La Durance.
« C’est un milieu très attractif, l’eau vient des Alpes, on l’identifie comme propre mais la baignade demeure interdite en raison de l’activité hydroélectrique EDF. Les eaux peuvent monter brusquement et le courant s’accélérer à tout moment en raison des lâchers d’eau dus aux installations hydroélectriques installées en amont. L’eau peut isoler une personne et l’empêcher de revenir à la berge. Repérez un rocher qui émerge de l’eau. S’il disparaît, c’est que le niveau monte. Dans ce cas-là, il faut s’éloigner », conseille le commandant. La balade fait certes partie des libertés fondamentales, elle n’en demeure pas moins règlementée, par la mairie jusqu’à la préfecture.
« Tous les cours d’eau canalisés sont interdits, rappelle le commandant. Exemple, le canal de Carpentras, c’est un courant fort, une pente bétonnée et vaseuse. Idem pour les baignades dans les carrières. En cas de noyade, c’est la responsabilité de tout le groupe qui est engagé. Les accompagnants se doivent de porter assistance. Pour les communes, il convient de déployer les meilleurs dispositifs d’information à destination du public, pas uniquement un seul panneau. D’ailleurs, toute collectivité devrait posséder en bibliothèque le bouquin du magistrat Christian Belhache. »
En cas de noyade ou d’accident, la responsabilité des acteurs locaux est de plus en plus souvent mise en cause. La législation et la réglementation applicables en matière de baignades, changeantes, parfois inadaptées à leur finalité et souvent mal connues, se révèlent d’une rare complexité…
Phénomène d’inondation
« Le risque d’incendie et d’inondation pèse sur le Vaucluse comme il pèse sur tout l’arc méditerranéen. La pluie fait déborder un cours d’eau, une rivière sort de son lit, le ruissellement urbain prend vie, le torrent en ville gagne de l’intensité avec des effets de pente… La ville de Nîmes par exemple a engagé de grands aménagements depuis quelques années avec les cadereaux, un réseau souterrain de captation d’eau de pluie pour éviter le ruissellement », cite le commandant.
Plusieurs fois par an, les pompiers du Vaucluse sont affectés à d’autres départements voisins, le Gard, l’Hérault, l’Aude, le Var… « Une intervention qui m’a le plus marqué ? Dans la nuit du 15 octobre 2018, l’Aude subissait de terribles précipitations sur l’ouest du département, engendrant des crues responsables de 15 morts et de centaines de millions d’euros de dégâts. L’eau qui s’écoulait était chargée de galets qui pesaient une dizaine de kg. Tous les pompiers ont des événements marquants, comme on dit, à mesure que l’on s’éloigne du précédent, on se rapproche du prochain », poursuit-il.
« Ne bravez pas les interdictions en voiture »
La mortalité s’explique en grande partie par l’inconséquence des conducteurs à bord de leur véhicule. « Lorsque vous roulez et que vous apercevez un panneau d’interdiction, ne bravez pas le danger, rappelle-t-il. Si la route est barrée, c’est bien volontaire. Ecoutez la radio, les infos, soyez en veille. A de nombreuses reprises, nous récupérons les gens qui nous attendent, apeurés sur le pavillon de leur voiture. Ils sont sauvés in extremis des eaux. »
Les pompiers sont interopérables
En cas d’inondation, le Coz (centre opérationnel de zone) affecte les pompiers et les moyens en fonction de l’urgence de la situation. Les pompiers sont interopérables et le Coz utilise des groupes spécialisés de sauvetage aquatique (voir vidéo ci-dessus). Chaque SDIS de l’arc méditerranéen entretient une capacité rapide de déploiement avec équipements particuliers. Les techniques sont les même que dans les autres départements. La réponse technique a été bâtie dans les années 2006 et 2007. C’est le fruit de l’exposition aux risques, nous avons mis en place des outils de sécurisation. L’inondation est l’affaire de tous les pompiers et implique une réponse exceptionnelle. Les primo intervenant bénéficient d’une formation solide, c’est un axe fort du SDIS.
Et pour la suite ?
Le Vaucluse va renforcer sa participation dans la prévention des phénomènes d’inondation. L’ensemble des casernes va être équipée de capteurs météo, contenant des mailles deux fois plus fines que Météo France. Avec ces capteurs météo, nous serons capables d’avoir une meilleure anticipation de la pluie et de son parcours sur une durée de deux heures. « Nous saurons également la quantité précise de pluie qui tombe sur chaque point du département », conclue le commandant.
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