21 novembre 2024 | Quand mentir n’est pas tromper…

Ecrit par Echo du Mardi le 7 juin 2022

Quand mentir n’est pas tromper…

Olivier Baglio du cabinet d’avocat avignonnais Axio rappelle que selon l’article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L’application de ce principe par la cour de cassation semble cependant souffrir de quelques exceptions toutes préjudiciables à l’employeur.

Un conseiller commercial, fort d’une ancienneté de 17 ans, devait annoncer à son employeur sa volonté de créer une société de tourisme nautique (pêche au gros) dans ce merveilleux département ultra-marin de l’Ile de La Réunion.
En bon négociateur, il devait réussir à convaincre son employeur de la nécessité impérative de son départ dans le cadre d’une rupture conventionnelle assortie d’une indemnité légale de rupture conventionnelle de l’ordre de 74 000€.
L’employeur devait cependant découvrir, une fois l’homologation de la rupture intervenue, que non seulement la société nautique n’avait jamais vu le jour mais que surtout le salarié avait été immédiatement embauché par une société directement concurrente en qualité de directeur commercial.

Demande de l’annulation de la rupture conventionnelle pour dol
Estimant que le salarié était passé un peu rapidement de la pêche au gros au tir au pigeon, l’employeur devait saisir le Conseil de Prud’hommes pour demander l’annulation de la rupture conventionnelle pour dol (ndlr : vice du consentement), la requalification de la rupture en démission, la restitution corrélative de la somme de 74 000€ outre le paiement d’une indemnité de préavis de démission de 20 000€.
La Cour d’Appel lui donnera satisfaction considérant que le fait d’avoir invoqué un motif fallacieux et jamais vérifié par la suite, aux fins d’obtenir l’accord de son employeur sur la mise en œuvre d’une  rupture conventionnelle était une manœuvre constitutive d’un dol ayant vicié le consentement dudit employeur.
Par un arrêt du 11 mai 2022 (n°20-15.909) la Cour de cassation devait néanmoins casser cet arrêt. Selon elle, la preuve du dol reposant sur l’employeur, celui-ci ne rapportait pas la preuve que les mensonges du salarié avaient été déterminants dans l’acceptation de la rupture conventionnelle qui avait très bien pu intervenir pour d’autres raisons…

« Le pigeon est en train de devenir dindon. »

Un peu facile. On a connu la Cour de cassation moins sévère pour admettre le consentement vicié du salarié qui sollicitait l’annulation de sa rupture conventionnelle (Cass. soc. 8 juillet 2020 n° 19-15.441 F-D. pour un employeur qui avait notifié deux avertissements jugés ultérieurement injustifiés afin de pousser le salarié à signer une rupture conventionnelle).

Mentir délibérément à son employeur est donc manifestement autorisé. On le savait déjà pour les mentions portées sur un CV lors de l’embauche, c’est désormais possible pour tenter d’obtenir une rupture conventionnelle. Le pigeon est en train de devenir dindon.

Par Olivier Baglio

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