Rémy Canuti, consultant pour la société vauclusienne Care conseil & management spécialisée en conseil aux collectivités locales et accompagnement de dirigeants basée à Uchaux, réagit à l’étude des offres des marchés publics par les commissions d’appels d’offres et les conséquences que cela peut engendrer pour les usagers et les citoyens.
Un maire m’affirmait il y a quelques années que durant ces années de mandat, il avait systématiquement privilégié le moins cher (le moins-disant) au détriment du mieux-disant. Selon ses termes, les critères techniques émis par son administration pour départager les concurrents relevaient de la plus pure rigolade.
« Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché. »
article L. 2152-5 du code de la commande publique
Rions un peu, si vous le voulez bien.
En effet, le mieux est un critère de sélection d’un prestataire d’un marché qui se base sur les caractéristiques techniques, écologiques ou de délai. Le – moins-disant est un critère de prix : l’emporte celui qui a le prix le moins élevé. Une aubaine sur laquelle certaines collectivités se jettent, arguant de la gestion en bon père de famille. C’est non seulement une erreur, mais encore une imposture intellectuelle. C’est une erreur, car la posture n’est tenable que sur des marchés simples, dans lesquels le service ou l’objet acheté possède des caractéristiques techniques ou d’emploi de grande simplicité. Acheter des parpaings peut effectivement s’effectuer sur la simple base du prix. C’est une imposture intellectuelle, car croire que l’on peut acheter simplement des services complexes relèvent de la posture idéologique plutôt que de la connaissance fine des besoins de la collectivité.
Prenons un sujet brulant qu’est le ramassage des Ordures Ménagères du Grand Avignon.
Le marché global avait été estimé par l’Agglo à 28M€*. Et bien, l’entreprise qui a remporté le marché était 7M€* moins chère que la deuxième et 10M€* moins chère que la troisième. Quelle aubaine ! 7M€ de moins… une affaire ! C’était allé un peu vite en besogne car sur les 17 camions de prévu*, seuls 9 existaient* le jour du début du marché. Moins de la moitié étaient équipés de tablette GPS* permettant le suivi de la collecte et d’un point de vue organisationnel, les premières semaines relevèrent de l’horreur pour les usagers.
« Une offre 20 à 25 % plus basse que la moyenne des autres, voire que la deuxième peut légitimement apparaître comme suspecte.»
Alors, je ne vais pas faire la leçon de l’offre anormalement basse.
Néanmoins, l’Offre Anormalement Basse fut consacrée par une ordonnance de 2015 (voir ici) et un décret de 2016 (voir ici) et relève aujourd’hui avec la Loi sapin II du code de la commande publique (voir ici l’article 2152-5 du code éponyme). « Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché. ». L’Association des maires de France a depuis longtemps commis une fiche fort pédagogique sur le sujet (voir ici) tout comme le Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (voir ici).
Je me contenterai de dire qu’une offre 20 à 25 % plus basse que la moyenne des autres, voire que la deuxième peut légitimement apparaître comme suspecte. Sur un marché d’environ 30M€, une offre anormalement basse est donc celle plus basse de 6 à 7M€ de la moyenne des autres, ou de la deuxième… On n’est pas très loin de la réalité que connaissent les usagers du service de collecte du Grand Avignon…
* Tous ces chiffres ont été énoncés par le Président de la Communauté d’Agglomération du Grand Avignon lors de l’émission de France Bleu Vaucluse “Et si on en parlait?“ du lundi 29 janvier 2024 (écouter ici)