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Locations Airbnb en copropriété : l’étau se resserre…

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Maître Lionel Fouquet nous rappelle que pendant de nombreuses années, il suffisait de se reporter au règlement de copropriété pour considérer la question, étant précisé que 2 situations pouvaient se présenter :
• La clause d’habitation bourgeoise stricte qui autorise uniquement un usage d’habitation des lots au sein de l’immeuble.
• La clause d’habitation bourgeoise simple qui autorise en plus de l’usage d’habitation, un usage permettant l’exercice d’une profession libérale, et ce, à l’exception des activités commerciales.

La jurisprudence considérait que les locations saisonnières n’étaient prohibées que dans le premier cas, la clause d’habitation bourgeoise stricte. De plus en plus, force est de constater que ce principe est battu en brèche, et que même en présence d’une clause simple, ou mixte, la location saisonnière se voit interdite au sein des copropriétés.

1. Plusieurs arguments sont soulevés pour y parvenir et au premier chef celui de l’esprit même de l’occupation bourgeoise de l’immeuble.
La Cour d’appel de PARIS considère dans un arrêt rendu le 15 juin 2016 n°15/18917 que si la location meublée n’était pas en elle-même, « contraire à la destination bourgeoise d’un immeuble, le caractère commercial de la location de meublés touristiques la rendait incompatible avec une telle destination ».
Plus récemment, la Cour de cassation a statué le 8 mars 2018 (RG n°14-15864), que la rotation de courtes périodes de location dans des « hôtels studios meublés » n’est pas compatible avec la destination d’un immeuble à usage d’habitation, avec possibilité d’usage mixte professionnel-habitation et à l’exclusion de toute activité commerciale, dès lors que le règlement de copropriété traduit une volonté de stabilité des occupants.
Ainsi, la jurisprudence tend de plus en plus à privilégier le caractère résidentiel de l’immeuble, même si sur ce point certaines juridictions continuent à faire de la résidence.
Par exemple, dans un arrêt rendu le 13 décembre 2017, la cour d’appel de Pau a indiqué que la location meublée de courte durée « pourrait difficilement être prohibée dans une zone touristique comme Anglet où de nombreux logements bourgeois sont loués à la semaine pendant la saison d’été »

2. L’autre argument retenu pour faire opposition aux locations saisonnières de courte durée est celui de la commercialité de l’activité.
Cette commercialité peut se déduire notamment des services annexes proposés en marge de la location :
« Une location en meublé n’est pas, en elle-même, contraire à la destination bourgeoise d’un immeuble, à moins qu’elle ne s’exerce pour des locations de courte durée avec fournitures de services annexes (ménage, fournitures de literie, transferts vers l’aéroport) qui apparentent cette exploitation à une activité commerciale et non plus civile, étant observé que si l’activité de loueur en meublé est juridiquement de nature civile, elle est fiscalement de nature commerciale, étant imposée au titre des bénéfices industriels et commerciaux, en sorte que c’est sans abus ni dénaturation que le syndicat fait valoir que l’activité exercée par la SCI Saint-Honoré Lodge est contraire, dans l’esprit et dans les faits, aux prohibitions du règlement de copropriété »
CA Paris, 15 juin 2016, n° 15/18917
Cette commercialité peut également se déduire du contexte : la forme sociale du loueur, l’ampleur de la location, etc.

Ainsi par exemple :
« Ayant constaté que la société […] se livrait à une activité commerciale de location à la journée ou à la semaine d’appartements et de studios et retenu, appréciant souverainement la destination de l’immeuble, que le règlement de copropriété de la résidence des Pins réservait les bâtiments à l’usage exclusif d’habitation et que l’utilisation des locaux à titre professionnel était autorisée sous réserve que l’activité professionnelle ait été exercée dès l’origine, dans des locaux annexes à ceux servant à l’habitation du propriétaire, ce qui excluait que les appartements soient utilisés au titre d’une activité commerciale, la cour d’appel a pu en déduire qu’il devait être fait interdiction à la société […] de louer ses lots privatifs ou de les faire occuper par sa clientèle, alors que celle-ci ne précise pas, concrètement, en quoi la mesure d’interdiction la priverait objectivement de la substance même de son droit de propriété sur ses lots. »
Cass. 3e civ., 27 févr. 2020, n° 18-14.305.

3. Enfin, les dernières jurisprudences en date viennent vider de leur substance la distinction clauses d’habitation bourgeoise mixte / stricte, considérant qu’en toute hypothèse le syndicat peut agir sur la base des troubles anormaux de voisinage, depuis qu’il y a été autorisé par la Cour de Cassation (Civ 3e, 11 mai 2017, 16-14339).
Les décisions sont de plus en plus nombreuses en ce sens.
La Cour d’appel de Paris a pu juger que « la location d’appartements meublés à titre professionnel, pour de courtes périodes, tant par son exercice à titre commercial dans des appartements qui excluaient l’activité commerciale que par la durée limitée de la location confirmée notamment par la production d’un contrat pour quatre nuits générant une rotation importante du nombre de locataires, aggravée par le fait que le copropriétaire bailleur se réservait la faculté de louer l’ensemble des 4 lots soit deux studios, un deux pièces de façon groupée jusqu’à 14 personnes, est incompatible avec la clause d’occupation bourgeoise stipulée au règlement de copropriété » (CA Paris, Pôle 4, ch 2, 11 septembre 2013, n°11/12572).

Également la Cour d’appel de Pau :
« Il y a lieu cependant de considérer que l’activité litigieuse contrevient :
— par son caractère permanent, à l’interdiction d’affecter les appartements à la location en meublé qui n’est autorisée par le règlement de copropriété qu’à titre exceptionnel et temporaire,
— par la multiplicité et la rotation élevée des occupants à l’exigence de stabilité et de quiétude propre à l’occupation bourgeoise de l’immeuble fixée par le règlement de copropriété. »
CA Pau, 1re ch., 20 mai 2020, n° 18/00052.

Dans ces conditions, force est de constater qu’une action judiciaire menée par le syndicat des copropriétaires semble aujourd’hui permettre de faire constater et prononcer par le juge l’interdiction dans la copropriété de la location meublée de courte durée et d’enjoindre, sous astreinte, les personnes s’adonnant à ces activités d’y mettre fin.

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