Par une série d’arrêts intervenus en ce dernier trimestre 2022, la frontière n’est plus aussi claire entre ce qui relève du temps de travail effectif. Olivier Baglio du cabinet d’avocat avignonnais Axio propose d’y voir plus clair et conseille d’auditer et modifier vos pratiques le plus rapidement possible afin d’éviter toutes mauvaises surprises.
Tenant à une évolution du Droit communautaire en matière de droit au repos garanti à tout salarié (CJUE 9 mars 2021), la Cour de cassation s’est attachée à transposer dans sa jurisprudence relative à la durée du travail de nouvelles contraintes pour les entreprises.
Auparavant le temps de travail effectif était facilement identifiable depuis sa définition légale :
« Article L3121-1 du code du travail : La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. »
Les temps accessoires de restauration, d’habillage, d’astreintes ou de déplacements étaient exclus de cette définition et pouvaient simplement donner lieu à des compensations financières particulières ou en temps de repos librement négociés.
Par une série d’arrêts intervenus en ce dernier trimestre 2022, la frontière n’est plus aussi claire entre ce qui relève du temps de travail effectif (sur la base duquel se calcule les heures supplémentaires, les limites maximales de la durée du travail, le repos compensateur éventuel, la garantie du repos journalier de 11h imposés par les textes) et le temps de travail périphérique et non effectif.
Tout d’abord un arrêt du 26 octobre 2022 (Cassation sociale n°21-14.178) a considéré que le temps d’astreinte d’un salarié à son domicile constituait un temps de travail effectif lorsque les contraintes de cette astreinte étaient telles qu’elles avaient affecté sa capacité à vaquer à des occupations personnelles à son domicile.
Puis un arrêt du 23 novembre 2022 (Cassation sociale n°23-11-2022) vient de qualifier de temps de travail effectif le temps de trajet domicile -premier et dernier client d’un salarié itinérant au motif qu’il téléphonait à ses clients durant ledit trajet.
Dans les deux cas, la frontière devient poreuse, les juges s’attachant à l’examen des conditions matérielles d’exécution du contrat plutôt qu’à une approche purement textuelle et catégorielle.
On pourra une nouvelle fois regretter une méthode qui fragilise rétroactivement et sur 3 ans (prescription) les pratiques en vigueur au sein d’entreprises qui considéraient respecter les normes en vigueur jusqu’à présent et qui se trouvent désormais exposées judiciairement à des demandes d’heures supplémentaires, de travail dissimulé adossés à une demande de résiliation judicaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.
Une loi qui elle ne dispose que pour l’avenir aurait été plus opportune pour transposer dans le droit Français des contraintes communautaires ayant des incidences financières aussi considérables pour les entreprises.
Par Olivier Baglio