Renouvelée pour la période 2021-2023, la convention – unique en France à être signée par une région – apporte une touche de proximité à une justice qui en a bien besoin. Et qui va dans le sens de la réforme actuelle de ce houleux ministère.
« Je ne sais pas quoi dire, sinon que je suis très heureux d’être dans ce dispositif qui est un partenariat initié pour la première fois entre une région et le ministère de la justice, représenté par les Cours d’appel d’Aix, Nîmes et Grenoble ainsi que les services de protection de la jeunesse et des services pénitentiaires ». Fier de faire la promotion des ‘valeurs de la République’, Renaud Muselier a choisi de les illustrer dans le domaine de ‘l’autonomie des jeunes et de la prévention de la violence et de la délinquance sous toutes ses formes’. Mais comment réconcilier l’action et le pouvoir ?
Ce pragmatique s’interroge : « comment se fait-il qu’à chaque fois, les jeunes délinquants recommencent à mal agir et n’arrivent jamais à un métier ? » Pourquoi en matière de violence conjugale ou de mise en application d’un travail d’intérêt général, la justice donne l’impression de travailler comme un alpiniste en tong, privée des moyens de faire appliquer les peines et d’assurer le suivi des individus dangereux ?
« Les plus faibles ont besoin de Police et de Justice et doivent pouvoir faire leur faire confiance », clame le président du Conseil régional.
L’accès au droit reste toujours mystérieux…
Avec la loi de 2014, la justice s’est pourtant ébrouée. Depuis lors, les régions sont compétentes en matière de formation professionnelle des personnes placées sous-main de justice.
Et chaque tribunal de grande instance – devenu tribunal judiciaire – a obligation d’avoir un bureau d’aide aux victimes. Il est géré par une association chargée d’accueillir gratuitement les victimes d’infractions pénales. Leur rôle est de renseigner, orienter et accompagner ces personnes dans leurs démarches. Jusqu’à ce tournant, « la justice traitait, en priorité, l’auteur des faits en s’attachant à punir. Le procès qui en résultait ne réparait pas tout ; la victime se trouvant souvent peu considérée », retrace Magali Blasco, dirigeante de l’Association de médiation et d’aide aux victimes (Amav) qui aide et informe plus de 3000 victimes de crimes et délits par an dans notre seul département de Vaucluse.
« Notre rôle est d’aller vers la victime car dès le dépôt de plainte, l’institution se montre très éloignée du public. Les gens ont du mal à comprendre la complexité du cours de la justice et son organisation », juge celle qui a plus de 20 ans de recul dans le domaine de l’aide aux victimes dont l’accès au droit reste toujours mystérieux…
Un exemple : la plateforme téléphonique nationale (116 006) recevant les appels de victimes de violences conjugales n’est à l’origine que de 8 dossiers sur les 3000 traités par l’Amav qui en a pourtant doublé le nombre entre 2015 et 2019. « Ce qui est vraiment important, c’est la proximité avec la victime qui se joue à travers une bonne présence sur le territoire (28 communes vauclusiennes), une relation étroite avec les services de chaque juridiction et une offre de service de qualité », en conclut logiquement Magali Blasco.
Ainsi, l’association apporte son aide sur quantité de sujet : aide juridictionnelle, modèle de constitution de partie civile, suivi des dossiers, indemnisation, accompagnement en vue d’audience, médiation pénale, ou soutient psychologique. « Nous avons des échanges douloureux avec des personnes très en colère à qui l’on va, par exemple, notifier un classement sans suite de leur affaire par le parquet alors que celle-ci a engendré beaucoup de souffrance. » Tout ce travail est soutenu par le conseil régional depuis 2018.
« Notre budget d’aide aux victimes de 2019 (435 000 euros) a été pris en charge à hauteur de 18% par le Conseil régional (80 000 euros) », se réjouit la directrice de l’Amav.
Où en est la fameuse « justice de proximité » ?
Cette initiative régionale va se poursuivre et sans doute s’étendre, Renaud Muselier l’ayant présentée à ses collègues présidents de conseil régionaux au travers du réseau France Région qu’il dirige au moment même où la « justice de proximité » est sur les rails avec un budget de 41M€ et un millier d’emplois supplémentaires.
De quoi s’agit-il ? Ne plus passer devant un juge – c’est déjà le cas – dans un très grand nombre de dossier. Là, il s’agit d’élargir les alternatives aux poursuites en donnant aux procureurs la possibilité de mettre en place un dispositif de réparation de l’infraction obligeant, par exemple, le délinquant à remettre en état les lieux ou objets qu’il aurait dégradés ou détruit.
L’auteur des faits pourra être invité à participer au financement d’une association d’aide aux victimes – comme l’Amav – jusqu’à 3 000 €, contribution qualifiée de ‘citoyenne’ par les auteurs de la proposition de loi.
Le texte prévoit une simplification de la mise en application d’un travail d’intérêt général dont les délais d’exécution sont actuellement proches du franchissement de l’Everest (14 mois). Quels moyens de contrôle aura le parquet sur le respect de ces mesures de réparation, d’éloignement, ou de travail non rémunéré ? Nul ne le sait encore, car aucune sanction n’est pour l’instant prévue en dehors de la poursuite de l’infraction initialement constatée. Cependant, l’intention de fonder l’accès au droit et à la réparation sur des fondements pragmatiques et une justice qui incarne son action réparatrice au plan local paraît de bon augure pour en humaniser les décisions et leur donner une portée.
La ‘convention justice’ en chiffres
La région va continuer à aider la justice au travers d’un dispositif d’aide aux victimes et d’insertion des jeunes sous main de justice (4,6 M€) pour la période 2021 à 2023.
Rappelons que le Vaucluse regroupe un tiers de la population du ressort de la Cour d’appel de Nîmes et dispose de cinq juges des enfants ayant pris 6500 mesures éducatives et 900 sanctions en 2019. « Nous avons dans toute la région 70 actions de formation qui sont dispensées dans les établissements pénitentiaires, représentant environ 2 000 places achetées, pour des formations qualifiantes, pré-qualifiantes, et ‘professionnalisantes’ pour les jeunes. Avec un taux de sorties positives – pas de récidive – dans 62% des cas », relève Renaud Muselier. « C’est un dispositif sur lequel on a du recul, également sur le volet d’aide aux victimes. La première convention ayant permis d’accompagner au total 20 000 personnes dont 4 700 femmes victimes de violences conjugales, par exemple. On a aussi 7 300 permanences d’accueil dans les tribunaux, commissariats, gendarmeries, maisons de justice ou associations » abonde Sonia Zidate, vice-présidente du conseil régional, déléguée aux solidarités.