L’entretien d’évaluation permet de faire le point avec le salarié sur l’année écoulée. Mais attention si, lors de cet échange, l’employeur reproche au salarié des agissements fautifs en lui demandant de changer immédiatement de comportement, on se rapproche plus de la mesure disciplinaire que du bilan de l’année écoulée.
Les limites de l’entretien d’évaluation
L’entretien d’évaluation permet d’apprécier les compétences du salarié, d’identifier ses points forts et ses difficultés afin de trouver des solutions pour les lever. Cela peut également être le moment où l’employeur fixe les objectifs pour l’année à venir.
Afin d’assurer le suivi de ces entretiens d’une année sur l’autre, la rédaction d’un compte-rendu est fortement conseillée. Mais attention à son contenu. En effet, dans certaines situations, cela peut vite changer sa dénomination.
Lorsque l’employeur dresse le bilan de l’année, il doit être vigilant s’il formule des griefs précis et profite de cet entretien pour inviter son collaborateur à changer immédiatement de comportement. Dans une telle situation, le compte rendu de l’entretien d’évaluation peut constituer une sanction disciplinaire. Et en agissant ainsi, le dirigeant épuise son pouvoir disciplinaire. Il ne pourra plus sanctionner le salarié. Pour rappel, en principe, une même faute ne peut pas faire l’objet de deux sanctions successives.
L’employeur ne peut pas sanctionner deux fois la même faute, sauf si :
- de nouveaux faits se sont produits depuis la première sanction,
- le salarié persiste et continue à avoir son comportement fautif.
Les limites du pouvoir disciplinaire
Si un fait fautif est sanctionné deux fois, le salarié peut demander l’annulation de la sanction.
C’est ce qui vient d’arriver à un employeur qui avait licencié un salarié pour faute grave. Le salarié a contesté : les faits reprochés pour justifier son licenciement avaient, selon lui, déjà été sanctionnés par un avertissement.
En effet, lors de son entretien d’évaluation, on lui avait présenté différents motifs de mécontentement :
- plainte de collaborateurs en souffrance liée à son attitude dure et fermée aux changements ;
- anomalies et problèmes récurrents dans son travail constituant des dysfonctionnements graves liés à la sécurité électrique ;
- non-respect des normes réglementaires et leur application par un pilotage rigoureux des équipes, etc.
Dans le compte rendu de l’entretien d’évaluation, il est reproché au salarié des griefs précis. On l’invite de manière impérative à un changement complet et total de son savoir-être et savoir-faire, et ce, sans délai.
Mais dans la lettre de licenciement, il est également reproché au salarié :
- ses écarts de comportement avec des collègues ou subordonnés ;
- son taux élevé de défauts électriques ;
- son défaut de respect des process en vigueur.
Pour les juges, le compte rendu d’entretien d’évaluation comportait des griefs précis. Il sanctionnait le comportement considéré comme fautif du salarié et constituait un avertissement. Et si un avertissement a été infligé au salarié, les mêmes faits ne pouvaient pas justifier son licenciement. Il est donc sans cause réelle et sérieuse.
Cour de cassation, chambre sociale, 2 février 2022, n° 20-13.833 (le compte rendu d’un entretien d’évaluation peut constituer une mesure disciplinaire lorsqu’il formule des griefs précis et invite le salarié à un changement de comportement immédiat)
Par Isabelle Vénuat, juriste en droit social et rédactrice au sein des Éditions Tissot pour Réso hebdo éco – www.reso-hebdo-eco.com