22 novembre 2024 | Code de la santé publique : Qu’est-ce qui change pour la culture du cannabis dépourvu de propriétés stupéfiantes ?

Ecrit par Echo du Mardi le 22 juin 2022

Code de la santé publique : Qu’est-ce qui change pour la culture du cannabis dépourvu de propriétés stupéfiantes ?

Le cannabis… une plante millénaire qui fait toujours autant parler d’elle. En France, le cannabis est classé parmi la liste des substances stupéfiantes. Charlotte Delarue, avocate avignonnaise intervenant exclusivement dans le droit rural, le droit vitivinicole et le droit équin, revient sur les conséquences de l’arrêté du 30 décembre 2021 portant application de l’article R. 5132-86.

Conformément aux dispositions de l’article R5132-86, I, 1° du Code de la santé publique « I. Sont interdits la production, la fabrication, le transport, l’importation, l’exportation, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi :1° Du cannabis, de sa plante et de sa résine, des produits qui en contiennent ou de ceux qui sont obtenus à partir du cannabis, de sa plante ou de sa résine ; (…) ».

Cependant une dérogation à cette interdiction été prévue par le législateur en ce qui concerne l’exploitation industrielle et commerciale de plantes de cannabis dépourvues de propriétés stupéfiantes.

Jusqu’au 30 décembre 2021, et conformément à l’article 1er de l’arrêté du 22 février 1990 portant application de l’article R5132-86 du Code de la santé publique, la culture, l’importation ou l’exportation ainsi que l’utilisation industrielle et commerciale (fibre et graine) de la plante de chanvre dépourvue de propriétés stupéfiantes était autorisée à conditions qu’elle réponde aux conditions suivantes :

➔ Qu’elle appartienne à la catégorie Cannabis Sativa L seule variété autorisée en France ;

➔ Qu’elle contienne moins de 0, 20 % de delta-9-tétrahydrocannabinol (THC).

L’arrêté du 22 août 1990 précisait également que seules les graines et les fibres de cannabis pouvaient être utilisées dans le cadre de la fabrication de produits à base de cannabis. Il indiquait également les variétés de Cannabis Sativa L autorisées pour les opérations industrielles et commerciales.
Enfin, cet arrêté excluait fermement toute exploitation industrielle et commerciale des fleurs et feuilles de chanvre. En suite d’un arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la Cour de Justice de l’Union Européenne, dit ‘Affaire Kanavape’ (1), l’arrêté du 22 février 1990 a été abrogé et remplacé par l’arrêté du
30 décembre 2021.

© Terres Inovia/Inter Chanvre/DR

II -Zoom sur le nouvel arrêté du 30 décembre 2021 portant application de l’article R. 5132-86 du code de la santé publique

➔ Alors quoi de neuf ?

L’arrêté du 30 décembre 2021 réhausse, par anticipation des évolutions prévues pour 2023 au sein de l’Union Européenne (2), le niveau de THC en dessous duquel le cannabis est considéré comme dépourvu de propriétés stupéfiantes, l’arrêté prévoyant ainsi dans son article 1, paragraphes I qu’ « I. – En application de l’article R. 5132-86 du code de la santé publique, sont autorisées la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale des seules variétés de Cannabis sativa L., dont la teneur en n’est pas supérieure à 0,30 % et qui sont inscrites au catalogue commun des variétés des espèces de plantes
agricoles ou au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France. »
L’arrêté précise également que seuls les « agriculteurs actifs » au sens de la réglementation européenne et nationale en vigueur peuvent cultiver des fleurs et des feuilles de chanvre à condition qu’elles proviennent des variétés de Cannabis Sativa L autorisées et dont la teneur en THC ne dépasse pas 0,30%.

Les « agriculteurs actifs » ne devront utiliser que des semences certifiées afin de garantir l’identité variétale de la plante cultivée.

L’arrêté du 30 décembre 2021 prévoit également que l’achat de fleurs et de feuilles de chanvre produites sur le territoire français doit faire l’objet d’un contrat écrit entre le producteur et l’acheteur. Le contrat comporte des informations sur le volume et le prix des produits et il peut contenir des informations sur la qualité attendue des produits. Le contrat est conclu avant le début de la campagne de production.

Encore, l’arrêté précise que les fleurs et feuilles des variétés de Cannabis Sativa L autorisées ne peuvent être récoltées, importées ou utilisées que pour la production industrielle d’extrait de chanvre.

Enfin et comme le rappelle l’arrêté, seules les variétés de Cannabis Sativa L inscrites au catalogue commun des variétés et des espèces de plantes agricoles ou au catalogue officiel des espèces en variété de plantes cultivées en France, sont autorisées.

© Terres Inovia/Inter Chanvre/DR

➔ Qu’est-ce qui ne change pas ?

Les pratiques du bouturage et la vente de plants restent interdites. L’arrêté maintient également l’interdiction de la vente aux consommateurs de fleurs ou
de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation, même si la teneur en THC de ces fleurs et feuilles est inférieure au seuil de 0,30%.
Mais c’était sans compter sur différents acteurs économiques et organisations professionnelles de la filière du chanvre qui ont saisi le Conseil d’Etat concernant cette interdiction de vente de fleurs et de feuilles brutes aux consommateurs.

III-Du nouveau « provisoire » avec la décision N°460555 du Conseil d’Etat en date du 24 janvier 2022.
Par décision N°460555 datée du 24 janvier 2022, le Juge des référés du Conseil d’Etat a suspendu, à titre provisoire jusqu’à ce que le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, ait statué sur leur légalité, les dispositions de l’alinéa 1er du II de l’article Ier de l’arrêté du 30 décembre 2021, soit l’interdiction de commercialiser à l’état brut des fleurs et feuilles de certaines variétés de cannabis, alors même que leur teneur en THC est inférieure à 0,30 % (3).
Cependant, puisqu’il s’agit d’une suspension provisoire, rien ne permet d’affirmer que la décision à intervenir au fond confirmera ces éléments.
Affaire à suivre donc …

Maître Charlotte Delarue

Charlotte Delarue est diplômée d’un Master II droit des affaires ‘spécialité’ droit vitivinicole et produits de qualité obtenu auprès de la Faculté de Droit d’Aix-en-Provence en partenariat avec l’Université du Vin de Suze-La-Rousse en 2014. Elle a ensuite exercé la profession de courtier en vins et spiritueux avant de passer l’examen du barreau puis d’intégrer l’école des avocats de Montpellier (EFACS). Elle a débuté sa carrière juridique en tant qu’avocat collaborateur sur Avignon avant de s’installer seule en début d’année, toujours dans la cité des pas, dans son nouveau cabinet exclusivement dédié au droit rural, au droit vitivinicole et au droit équin.

1 Arrêt dans l’affaire C-663/18 B S et C A/Ministère public et Conseil national de l’ordre des pharmaciens
2 Le taux de THC inférieur à 0,30% concerne la campagne qui prendra naissance à compter de janvier 2023. Pour planter à l’heure actuelle, et si l’agriculteur actif souhaite bénéficier de l’aide couplée PAC et qu’il est encore dans les délais pour la demander, le taux de THC sur variétés non stupéfiantes autorisées doit être inférieur à 0,20%. S’il ne souhaite pas solliciter d’aides PAC le taux de THC sur variétés non stupéfiantes autorisées peut être de 0.30 %. A compter de janvier 2023, le taux de THC sur variétés non stupéfiantes autorisées doit être inférieur à 0,30% aides couplées PAC ou non.

3 Communiqué de presse Conseil d’Etat en date du 24 janvier 2022.

https://www.echodumardi.com/juridique/code-de-la-sante-publique-quest-ce-qui-change-pour-la-culture-du-cannabis-depourvu-de-proprietes-stupefiantes/   1/1