Évolutions fiscales, changements de seuils pour les marchés, nouvelles dispositions législatives… Qui dit nouvelle année dit nouvelle loi de finances. Experts-comptables, Medef, chambres consulaires organisent chacun leur séance d’explication d’un texte toujours dense, mais essentiel pour la conduite des affaires. Revue de détail.
Texte a priori éminemment technique, plein de chiffres, de seuils et de règlements en tout genre, la loi de finances est aussi un document éminemment politique puisqu’il traduit dans les faits les actions du gouvernement. C’est bien comme cela qu’il est analysé par les partenaires sociaux. Publié au Journal officiel le dimanche 29 décembre 2019, le texte touffu (plus de 300 pages…) comporte de nombreuses évolutions, notamment fiscales.
■ Baisse de l’impôt
Dans le contexte social que l’on connaît, le gouvernement fait de la baisse des impôts, pour les entreprises comme pour les particuliers, la première mesure de cette loi de finances.
Pour les entreprises, il s’agit de satisfaire une promesse de campagne d’Emmanuel Macron : atteindre en 2022 le seuil de 25% pour toutes les entreprises. En 2020, l’impôt sur les sociétés (IS) sera ramené à 28% pour celles dont le chiffre d’affaires est inférieur à 250 millions d’euros, avant de passer à 26,5% en 2021 puis 25% en 2022. Pour les grandes entreprises, dont le chiffre d’affaires est égal ou supérieur à 250 millions d’euros, l’IS passe à 28% en 2020 jusqu’à 500 000 euros de bénéfice, mais reste à 31% au-delà. Le taux baissera à 27,5% en 2021 et atteindra en 2022 les 25%. Pour le président de la République, c’est une manière pour la France de s’aligner sur les politiques de la plupart des autres pays développés. Selon Les Échos, le taux moyen d’IS y est passé de 32,2% en 2000 à 23,5% en 2019.
Selon le Medef, cela représenterait un milliard d’euros redonné aux entreprises. Cela n’empêche pas l’organisation, mais également la CPME, sa principale concurrente, de redouter que la fiscalité des entreprises « ne s’aggrave ». Et de citer une myriade d’autres mesures qui, selon eux, ne vont pas dans le même sens : baisse des frais de personnel pour le calcul du crédit d’impôt recherche (CIR), création d’une taxation sur les contrats courts, écotaxe pour le transport aérien, nouveau barème pour le malus automobile…
La CPME regrette une loi de finances qui « profite plus aux ménages qu’aux entreprises ». De fait, c’est de 5 milliards d’euros que le produit de l’impôt sur le revenu va diminuer pour les particuliers. Une baisse qui concerne en priorité les 12,2 millions de ménages imposés à 14% (ceux qui gagnent entre 9 965 et 27 519€ par part).
■ Niches fiscales
Notre confrère Les Échos explique bien comment, dans la pratique, le gouvernement récupère 600 millions du milliard accordé aux entreprises en changeant d’autres règles du jeu : augmentation du prix du gazole non routier pour le BTP (ou plus exactement première étape vers une suppression du taux réduit), exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) réduite pour le transport routier, instauration d’un « supermalus » sur les véhicules les plus polluants (jusqu’à 20 000 euros pour les véhicules émettant plus de 184 grammes de CO2 par kilomètre).
■ Marchés publics
Le plafond des marchés publics sans formalité passe de 25 000 à 40 000€ hors taxes, afin de permettre « à un plus grand nombre de TPE de participer à des marchés publics » (source : Bercy Infos). Mais dans le même temps, la facturation dématérialisée leur est imposée. Elle était déjà obligatoire depuis 2017 pour les grandes entreprises (plus de 5 000 salariés) et depuis 2018 pour les entreprises de taille intermédiaire (de 250 à 5 000 salariés).
■ Indépendants
Depuis 2018, la protection sociale des travailleurs indépendants n’est plus gérée par le régime social des indépendants (RSI), mais par le régime général de la Sécurité sociale. Une mise en œuvre progressive et qui se généralise en 2020.
■ Travailleurs handicapés
La déclaration obligatoire d’emploi d’un travailleur handicapé (DOETH) devra être intégrée dans la déclaration sociale nominative (DSN) afin d’aller vers une déclaration annuelle automatique et non plus sur papier comme jusqu’à aujourd’hui.
■ Moins pour le mécénat
L’article 134 de la loi de finances abaisse de 60% à 40% le taux de réduction d’impôt pour les versements supérieurs à 2 M€ en matière de mécénat d’entreprise. Sauf pour les versements effectués au profit d’organismes sans but lucratif fournissant des repas aux personnes en difficulté, intervenant sur leur logement ou leurs soins. Pour le gouvernement, il s’agit de revoir une disposition datant de 2003 et qui aurait depuis privé l’État de près de 9 milliards d’euros…
■ Start-up
La loi de finances clarifie l’utilisation des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE). Ces outils d’intéressement au capital sont souvent utilisés par les start- up pour leurs salariés. L’article 10 améliore les conditions financières pour les salariés, afin de les attirer et les fidéliser. Les collaborateurs de start-up étrangères installées en France pourront maintenant recevoir des BSPCE sur les titres de la société-mère.
Par ailleurs, le dispositif Jeune entre- prise innovante, dont bénéficie près d’une start-up sur deux est prolongé « au moins jusqu’en 2022 » (article 46), et son financement via Bpifrance est pérennisé.
La loi de finances modifie également les conditions d’attribution de l’aide aux créateurs et repreneurs d’entreprise (Acre).
■ Incitations aux CDI
Le gouvernement souhaite limiter le recours aux contrats très courts. Un système de bonus-malus est mis en place pour les entreprises de plus de onze salariés, uniquement dans sept secteurs dans un premier temps. Le principe est simple : plus le nombre de salariés qui s’inscrivent à Pôle emploi après avoir travaillé dans une entreprise est important par rapport à son effectif, plus elle paiera de cotisations employeur à l’assurance chômage ; plus ce nombre est faible, moins elle versera de cotisations. Cette mesure ne sera visible qu’à partir de mars 2021, avec les premières modulations des contributions, mais attention, la période de référence part bien du 1er janvier 2020. En outre, les CDD d’usage se voient appliquer une taxe forfaitaire de 10€. Une manière de les pénaliser.