25 novembre 2024 | Avignon : le Tribunal de Commerce cherche des juges passionnément

Ecrit par Andrée Brunetti le 15 juin 2022

Avignon : le Tribunal de Commerce cherche des juges passionnément

Deux chiffres expliquent cette nécessité absolue : seulement 35 juges sont en fonction pour 10 000 dossiers vauclusiens à gérer chaque année. Des décisions qui concernent les litiges entre commerçants, eux et leurs clients : les cessations de paiement, les dissolutions, les redressements et liquidations judiciaires… Mais aussi la mise à jour des registres du commerce : créations de sociétés, radiations, faillites, modifications de statuts et dépôts de comptes annuels.

Une fonction extrêmement enrichissante
Pour Gérard Arnault, le président du Tribunal de Commerce d’Avignon, qui a succédé en décembre 2017 à Jacky Cyrille, « La fonction de juge est extrêmement gratifiante intellectuellement et humainement, mais totalement bénévole et elle nécessite une grande disponibilité de temps. » En plus d’une formation initiale puis continue, puisque les lois changent en permanence, il faut étudier les dossiers, assister aux audiences et rédiger les jugements en disant le droit, tout cela demande un véritable investissement.
Pour être candidat au poste de juge, il faut remplir nombre de conditions : avoir au moins 30 ans, un casier judiciaire vierge, être depuis au moins 5 ans commerçant et inscrit sur les listes électorales des chambres de commerce et d’industrie et chambres des métiers et de l’artisanat, chef d’entreprise ou cadre en activité comme à la retraite. A contrario, pour éviter les conflits d’intérêts, le mandat de juge est incompatible avec celui de conseiller des prudhommes, les professions d’avocat, notaire, huissier de justice, greffier, administrateur judiciaire ou enfin élu (député, maire, conseiller municipal, départemental et régional). Le 1er mandat est de 2 ans, les suivants sont de 4, les juges peuvent être élus pour 5 mandats successifs dans un même tribunal et la limite d’âge est de 75 ans.

Gérard Arnault, président du Tribunal de Commerce d’Avignon, depuis décembre 2017.

Déontologie et indépendance
Evidemment, la déontologie est un devoir absolu puisque les juges prêtent serment et exercent leur fonction en toute indépendance, dignité, impartialité, intégrité et probité. Ils sont astreints au devoir de réserve et au secret professionnel. Non seulement, ils sont 100% bénévoles mais en plus, ils doivent financer le costume qu’ils portent lors des audiences : la robe noire à grandes manches et revers de velours qui coûte 800€, plus la toque et la cravate blanche. « A ce niveau-là, ce n’est plus du bénévolat, c’est carrément du mécénat ! » commente le président dans un large sourire.

« Ne pas attendre l’insurmontable. »

Mais ce qui anime viscéralement les juges, c’est la passion d’être utiles. « On a des scènes à la Zola, parfois, lors des audiences, avec des situations dramatiques de chefs d’entreprises au fond du trou, ruinés. C’est ce qu’on appelle les ‘3D’ : dépôt de bilan, dépression, divorce. Un trio infernal. Pour humaniser la situation, nous avons l’Apesa (Aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aigüe) qui offre 5 consultations de soutien gratuites aux patrons sujets à la dépression », explique Gérard Arnault.
Et il insiste : « il faut que les entrepreneurs qui ont des soucis financiers n’attendent pas l’insurmontable, qu’ils viennent nous voir rapidement, qu’ils anticipent pour qu’ensemble on trouve des solutions. Leur entreprise, c’est leur vie, celle de leur famille, tout en dépend. Tout en appliquant le Droit, nous devons aussi les écouter avec notre cœur, avec empathie, pour qu’ils ne se sentent pas seuls dans la tempête, qu’ils tiennent le coup et sortent la tête de l’eau. »

Pas de raz de marée de faillites en Vaucluse
Evidemment, les deux ans que nous venons de passer, crise sanitaire, confinement, paralysie de l’économie auraient pu avoir des conséquences sur le Tribunal de Commerce d’Avignon. Et bien non : « on n’a pas assisté à un tsunami de dépôts de bilans et une vague des faillites n’a pas déferlé sur le Vaucluse » constate Gérard Arnault. « Fin avril 2022 on a retrouvé le rythme d’avant-Covid, les procédures ont été particulièrement efficaces, les PME ont été mises sous perfusion et les PGE (Prêts garantis par l’Etat) ont été multipliés, on a prêté assistance aux patrons, on les a soutenus au maximum. » Le quoi qu’il en coûte a très bien fonctionné.

De nombreuses entreprises aidées durant la crise du Covid
D’ailleurs le ‘Bilan de l’activité du comité départemental de sortie de crise’ publié le 3 juin dernier le prouve. Entre septembre 2021 et mai 2022, il a accompagné 503 entreprises dans le secteur de la construction, du commerce, de l’hôtellerie et restauration principalement. Le dispositif PGE, pour améliorer la trésorerie des entreprises a été prolongé jusqu’au 30 juin. En France, il s’élève à 143 milliards d’euros pour 699 401 entreprises, dans la région à 11,8 milliards d’euros pour 76 000 PME et dans le Vaucluse à 1,08 milliard d’euros pour 8 147 entreprises. En détails pour notre département, cela donne, selon la Direction générale des finances publiques (DGFIP) : 304M€ pour le commerce, 183M€ pour l’industrie manufacturière, 96M€ pour la construction et le BTP, 87M€ pour l’hébergement et la restauration.
Autre chiffre, celui de la démographie des entreprises : le nombre de naissances de nouvelles sociétés, celles immatriculées en 2022 s’élève à 2 189 (1 724 fin 2019) donc en hausse (il s’agit souvent d’entreprises individuelles, d’autoentrepreneurs), les radiations à 1 401 (1 350 fin 2019, soit -13,61%). Les procédures collectives sont inchangées (157), et le chiffre d’affaires global est passé de 5,975 milliards d’euros début 2019 à 6,68 milliards d’euros début 2022, soit une progression de +6,25%. Sur la même période, les investissements ont grimpé de 371M€ à 397M€.

Rendre justice : un honneur et une responsabilité
Le président du Tribunal de commerce s’inquiète néanmoins pour plusieurs secteurs : celui du BTP avec l’augmentation du prix des matières premières (acier, bois, ciment, verre, papier). Concernés également l’hébergement et le tourisme. « On a noté une demande de +51% de réservations dans le Vaucluse, mais elles concernent uniquement les gîtes ruraux. Dans les hôtels et restaurants, les patrons s’arrachent les cheveux pour trouver du personnel ».
Si ce regard sur le mandat de juge vous a donné envie de postuler, si vous remplissez les conditions, si vous êtes prêt à jeter plus qu’un coup d’œil sur les 3 693 pages du Code du Commerce, les 3 095 pages du Code Civil et les 3 257 pages du Code de Procédure civile (tous édités chez Dalloz) et surtout si vous avez l’envie, l’énergie, le temps de vous y consacrer pour aider les autres, envoyez votre candidature et votre CV à p.tco-avignon@justice.fr.
La fonction bénévole de juge est un engagement citoyen où le bon sens doit accompagner le droit. Et comme le précise le guide d’accès à la fonction de juge : « Rendre la justice est un honneur mais aussi une responsabilité grave dont les dimensions humaine, économique et sociale ne doivent jamais être perdues de vue ».

Contacts : prevention@greffe-tc-avignon.fr
www.greffe-tc-avignon.fr
2, boulevard Limbert. Avignon. 04 90 14 31 82

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