Dès le 1er avril 2025, lʼAssurance maladie va réduire de 20% l’indemnisation des arrêts maladie pour les salariés du privé. Les employeurs n’auront pas d’autre choix que d’augmenter leurs versements à ces salariés, qui doivent continuer à percevoir 90% de leur salaire durant leur arrêt. Dans ce contexte, comment les entreprises se battent pour limiter l’addition. Focus avec Spartes*, le cabinet parisien de conseil expert dans le pilotage de la performance RH et financière des entreprises.
D’abord, en refusant les augmentations de tarifs globales que vont vouloir leur imposer les organismes de prévoyance, pour négocier en fonction de leur situation spécifique. Ensuite, en améliorant le taux de recouvrement des indemnités versées par lʼAssurance maladie, mais aussi en agissant sur les causes profondes de l’absentéisme, et en faisant jouer leurs droits en tant qu’employeur.
Il fallait trouver des économies, en voilà : désormais, les indemnités versées par lʼAssurance maladie aux salariés en arrêt de travail s’élèveront au maximum à 1,4 Smic (2 522€ brut par mois), et non plus à 1,8 Smic, (3 243,24€). Cette réforme, applicable dès le 1er avril 2025, devrait faire économiser 600M€ environ à lʼAssurance maladie, selon le ministère du Travail.
Côté entreprises, l’addition s’annonce salée : aux termes de la plupart des conventions collectives, les employeurs doivent compléter les indemnités de lʼAssurance maladie, pour garantir au moins 90% du salaire à leurs salariés en arrêt de travail. Ils vont donc devoir leur verser plus indemnités complémentaires, pour un surcoût estimé à 800M€, entre la hausse des montants à verser à leurs salariés et celle des cotisations que vont leur réclamer les organismes de prévoyance. « Les entreprises ne sont pas d’accord pour supporter cette nouvelle hausse de charges, explique Sacha Kleynjans Sacha Kleynjans, dirigeant du Pôle Tech du cabinet de conseil Spartes. Nous voyons quelles se mobilisent, en utilisant plusieurs leviers ».
Refuser les hausses de tarif des organismes de prévoyance, et lancer les négociations
Le paiement des indemnités complémentaires peut être pris en charge par les organismes de prévoyance auprès desquels l’entreprise a souscrit un contrat.
« Ces organismes ont déjà prévu d’augmenter leurs tarifs, pour répercuter cette décision de lʼAssurance maladie, prévient Sacha Kleynjans. Mais ils vont chercher à imposer des hausses de prix uniformes, sans tenir compte du degré auquel les entreprises sont impactées. Or, ce degré s’avère très variable, en fonction des salaires réels versés par l’entreprise. Nous voyons donc de plus en plus d’entreprises refuser l’augmentation de tarif que son organisme de prévoyance lui annonce. Ensuite, elles analysent finement l’ensemble des rémunérations de ses salariés, pour estimer l’augmentation réelle de ses indemnités complémentaires. Elles possèdent alors les arguments pour engager les négociations avec l’organisme de prévoyance et obtenir un tarif acceptable, correspondant à leur réalité. »
Récupérer 100% des montants dus par lʼAssurance maladie
60% des entreprises ont mis en place la subrogation : elles versent au collaborateur son salaire durant son arrêt maladie, puis se font partiellement rembourser par la Sécurité Sociale, qui leur verse les Indemnités Journalières (IJSS) dues au salarié.
Problème : 25% de ces IJSS ne sont jamais versées aux entreprises, du fait d’erreurs et de retards dans le traitement des dossiers par la CPAM… mais aussi à cause d’arrêts déclarés trop tardivement, ou de manière incomplète, par les salariés. Pour améliorer ce taux de recouvrement, les entreprises suivent de plus en plus rigoureusement l’état des paiements effectués par lʼAssurance maladie, pour ne laisser aucun dossier en souffrance et s’assurer que les IJSS qui lui sont dues lui sont effectivement versées. Pour être efficace, ce suivi s’accompagne d’une information régulière des salariés, pour leur rappeler leurs droits et devoirs en cas d’arrêt de travail.
« Cela permet de fortement réduire le nombre de dossiers bloqués, et d’accélérer le versement des IJSS, affirme Sacha Kleynjans. Cette information peut se décliner sous forme d’affichage dans les locaux ou de réunions explicatives avec les représentants du personnel. Elle permet de rappeler aux salariés l’avantage social que leur apporte la subrogation, mais aussi de les informer sur les évolutions de leurs droits : par exemple, depuis janvier 2024, un arrêt maladie prescrit en téléconsultation ne peut pas excéder trois jours, faute de quoi il n’est pas indemnisé ».
Digitaliser la gestion des arrêts de travail, grâce à lʼIA
Réduire les erreurs dans la saisie des arrêts, repérer les blocages, relancer la CPAM, et mener dans les délais les actions qui s’imposent pour recouvrer les IJSS… autant de tâches fastidieuses, chronophages et peu valorisantes pour les équipes RH.
« Pour simplifier ce travail, et permettre à ces équipes de dégager du temps pour d’autres missions à plus forte valeur ajoutée, les entreprises adoptent de plus en plus d’outils dédiés, basés sur lʼIA, reprend Sacha Kleynjans. Ils permettent de digitaliser la gestion des arrêts de travail, et de réduire de 15% à 20% le temps passé à gérer ces dossiers. Nous proposons un outil de ce type, baptisé Klem. Grâce à un rapprochement constant entre les flux des services paie et comptabilité, il permet à l’entreprise de savoir, à tout moment, où en sont ses recouvrements, et de ne plus laisser de dossiers en souffrance. »
En améliorant le taux de recouvrement des IJSS, ces outils contribuent également à protéger la trésorerie de l’entreprise.
Faire le point sur ses droits et devoirs en tant qu’employeur
Pour ne pas supporter seules la hausse du coût des arrêts maladie, les employeurs cherchent de plus en plus à faire valoir leurs droits. Ainsi, depuis octobre 2024, le salarié doit informer son employeur du lieu auquel une contre-visite médicale pourra être effectuée. Si l’employeur décide de demander cette visite à lʼAssurance-Maladie, il n’a pas à en prévenir le salarié. Si ce dernier ne se soumet pas à cette visite, ou si le médecin conclut à un arrêt injustifié, l’employeur peut suspendre le versement des indemnités complémentaires, et le salarié doit reprendre le travail.
« D’autre part, en tout état de cause, les indemnités complémentaires ne sont dues quʼaux salariés justifiant dʼau moins un an d’ancienneté, reprend Sacha Kleynjans, et à condition qu’ils aient déclaré leur arrêt maladie dans les 48 H à lʼAssurance maladie. Enfin, la période durant laquelle l’employeur doit verser ces indemnités, et leur montant, dépend de l’ancienneté du salarié. Les employeurs se montrent de plus en plus conscients de ces limites, alors qu’auparavant certains payaient trop, ou trop longtemps. »
Mener des actions ciblées, pour limiter le nombre et la durée des arrêts de travail
Sous l’effet conjugué du vieillissement de la population active et de l’allongement de la durée des arrêts de travail, la hausse de leur coût ne semble pas près de s’infléchir. Pour ne pas subir cette situation, les employeurs cherchent à dépasser la gestion uniquement financière et administrative du phénomène : ils mettent en place des plans d’action de fond permettant de limiter le nombre d’arrêts de travail pris par leurs salariés. Meilleure organisation du travail, aménagements horaires, formations à la prévention du stress, implication des managers…
« Aucune recette magique n’existe, mais chaque entreprise doit, au cas par cas, identifier les causes profondes de l’absentéisme de ses salariés, et déterminer une série d’actions adaptées », complète Sacha Kleynjans.
S’abstenir de cette réflexion ne pourra qu’aggraver le problème…dʼautant que les troubles psychologiques restent aujourd’hui la principale cause des arrêts de travail de longue durée.
*Créé en 2012, le cabinet Spartes, dont le siège social est à Paris, accompagne plus de 1 500 clients dans toute la France. L’entreprise emploie 150 salariés et réalise un chiffre d’affaires de 33M€ en 2024.