Orano vient de lancer le chantier de construction de son futur laboratoire isotopes stables implanté sur son site de Tricastin. Avec cette nouvelle activité hors du domaine du nucléaire le groupe entend capitaliser sur son savoir-faire en développant une offre destinée aux domaines de la santé, de la recherche et de l’industrie.
Les travaux du nouveau laboratoire isotopes stables ont débuté sur le site Orano de Tricastin. Le futur bâtiment de 3 200m2 comprendra une partie consacrée à la production (2 000m2), une dédiée à la recherche et au développement ainsi qu’une autre partie composée de bureaux et de salles de réunion. Cet investissement de 15M€ doit être opérationnel dans le courant du second semestre 2023 afin de mener à bien les premières productions commerciales. Près de 150 personnes (dont 90% provenant d’entreprises régionales) interviendront durant le chantier de construction et une vingtaine d’ingénieurs et de techniciens composera ensuite l’équipe de ce laboratoire unique en France.
Traitement contre le cancer et microprocesseur quantique
S’appuyant sur les mêmes technologies développées pour transformer l’uranium dans son usine de conversion Philippe-Coste (pour la fluoration) ainsi que dans celle de Georges-Besse II (pour la centrifugation), toutes deux à Tricastin, Orano veut donc lancer la production d’isotopes stables.
« Ce futur laboratoire est un concentré du savoir-faire des équipes du site Orano Tricastin, c’est le développement de procédés issus de nos usines nucléaires pour de nouvelles applications en France hors du domaine nucléaire », résume Jean-Luc Vincent, directeur des nouvelles activités Orano chimie-enrichissement.
Ce procédé permet ainsi d’élaborer des formes non radioactives des atomes. Ces isotopes stables sont utilisés, en raison de leurs propriétés particulières, dans un grand nombre d’applications, notamment dans les domaines de la santé (radio-médicaments dans le cadre de traitement contre le cancer), de la recherche fondamentale (conception de puce informatique quantique en silicium composé à 99,9% d’isotope 28 contre 92% avant traitement) et de l’industrie (amélioration de la performance des lasers, de la résolution des imageries à résonance magnétique…).
Ces éléments stables enrichis sont également utilisés dans un grand nombre d’autres secteurs de pointe comme la biologie des organismes, la physiologie, la microbiologie, la chimie, la climatologie, la géochimie, la géophysique et la physique par exemple.
Un objectif de 10M€ de chiffre d’affaires par an
L’objectif de la nouvelle installation, qui bénéficiera d’un haut niveau de sécurité afin d’en préserver les procédés de fabrication, est d’atteindre un chiffre d’affaires annuel de l’ordre 10M€ à l’horizon 2025/2030. On est bien loin du milliard d’euros générés chaque année par la plateforme Orano-Tricastin (en intégrant le site de Malvési à Narbonne qui lui est rattaché). Pour autant, l’implantation de ce futur laboratoire est loin d’être anecdotique pour le groupe qui voit là l’occasion de ‘dénucléariser’ son image.
Il ne s’agit pourtant pas de tourner le dos à ce qui fait la spécificité de ce site industriel regroupant 2 500 emplois directs et 2 000 emplois indirects.
« Orano Tricastin est une plateforme industrielle de référence, forte de près de 60 ans de savoir-faire, rappelle ainsi Jean-Jacques Dreher, directeur d’Orano Tricastin. Elle regroupe l’ensemble des activités de chimie (conversion, défluoration et dénitration) et d’enrichissement de l’uranium. L’activité conversion d’Orano représente 25% de la capacité mondiale. L’usine Georges Besse II est la plus grande usine d’enrichissement en Europe. La production d’uranium enrichi, à usage civil, permet de livrer 70 réacteurs dans le monde. Cela permet d’alimenter 90 millions de foyers par an en énergie bas-carbone, soit l’équivalent de la population de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni. »
1/3 du marché en ligne de mire
On l’a bien compris, le nucléaire restera le pilier de l’activité du groupe qui a investi plus de 5 milliards d’euros ces 15 dernières années pour renouveler son outil industriel sur ce territoire où 50% des employés résident dans la Drôme, 20% dans le Vaucluse, 20% dans le Gard et 10% en Ardèche.
Pour autant, le futur laboratoire isotopes stables entend capitaliser sur la crédibilité d’Orano comme acteur sur ce marché tout en proposant une alternative française aux clients, étrangers pour la plupart. S’il s’agit d’un marché de niche, on parle d’une production de quelques dizaines de kilos pour des matières solides et de quelques centaines de kilos pour des gaz, le but est de capter environ un tiers de ce marché où seul des concurrents Russes et Néerlandais existent à ce jour.