Confinement, annulations du Festival d’Avignon, des Chorégies d’Orange et d’une vingtaine d’autres festivals, mesures contraignantes pour la restauration et tous les sites accueillant du public, restrictions des déplacements à travers le monde… Avec le Covid-19 et ses conséquences, tout pouvait concourir à ce que l’ensemble du secteur touristique puisse croire à un effondrement de l’activité.
Une impression confirmée avec une reprise très lente après le déconfinement puis un très mauvais mois de juillet (-15% en Vaucluse). Une lueur d’espoir cependant est venue de la bonne tenue du mois d’août (+5 %). De quoi permettre d’afficher ‘seulement’ -10 % de nuitées pendant l’été. La partie était pourtant mal engagée : depuis le début de l’année, le Vaucluse affichait un retrait global de -27 % de nuitées soit 4,4 millions en moins par rapport à 2019.
«Dès le confinement, VPA (ndlr : Vaucluse Provence attractivité, l’agence de développement touristique du Département) a pris le mesure de la situation, dans un contexte qui survenait à l’aube de la saison estivale, explique Maurice Chabert, président du Conseil départemental et de VPA. L’agence a donc adapté ses actions et s’est recentrée sur le marché français.»
Et cela semble avoir payé puisque le nombre nuitées françaises affiche +10 % sur juillet et août. Pas de quoi compenser cependant les -30 % de nuitées d’étrangers sur la même période. Il faut dire qu’avec la disparition de la clientèle américaine (1er client étranger des hôtels du département) ainsi que des touristes asiatiques le coup a été rude. «Malgré tout, VPA n’a pas pour autant délaissée ses clientèles étrangères», poursuit le président du Département. Les équipes de l’agence dirigée par Cathy Fermanian ont aussi axé leurs actions sur les pays du Nord de l’Europe. Résultat : l’arrivée en force des Belges (+26 % en juillet et +32 % en août) et des Suisses (+24 %), le quasi maintien des Néerlandais (-2 %) mais la forte baisse des Britanniques (-39 %) en raison des incertitudes liée au Brexit.
« Cette crise a accéléré et renforcé certaines tendances. »
Cette présence n’a toutefois pas été homogène dans le département. En recherche d’espace et de nature, loin des villes et des contraintes liées, notamment, à la Covid-19. Si le nombre d’étrangers est en baisse partout, la présence de touristes hexagonaux est tout autant à la hausse sauf dans le Grand Avignon (-22 % de clientèle française et -55 % d’étrangers). Dans le même temps, le Luberon totalisait + 19 % de fréquentation française, la Vallée du Rhône +10 % et le Ventoux +5 %.
« Le mois de juillet a été catastrophique, confirme Cécile Wiertlewski, directrice de l’Office de tourisme pour Avignon-tourisme. Durant cette période nous avons enregistré une baisse de fréquentation du Palais des papes de -47 % et le tourisme d’affaires est également en forte baisse. Nous avons lancé, en urgence, des programmes d’animation qui nous ont toutefois limité les dégâts (ndlr : le spectacle de lumière Hélios a attiré 300 000 spectateurs cet été contre 120 000 en 2019. »
«Pour le Palais des papes, cette baisse de fréquentation entraîne un manque à gagner de plusieurs millions d’euros », confirme Joël Peyre, délégué aux Finances de la ville d’Avignon qui est caution de la structure.
«Cette crise a aussi accéléré et renforcé certaines tendances, constate Cathy Fermanian. Les gens recherchent de l’espace, de l’authenticité. Ils veulent donner du sens à leurs vacances en privilégiant un tourisme durable avec des activités nature et des circuits courts.»
Grand gagnant de ces bouleversements ? L’Isle-sur-la-Sorgue, Saumane et Gordes qui ont délogé Avignon de la première place des lieux les plus fréquentés en Vaucluse durant l’été 2020.
« Une chute brutale de la fréquentation avec le classement du département en zone rouge début septembre.»
«Nous n’avons jamais eu autant de monde alors que nous avions annulé la quasi-totalité de nos événements, assure Pierre Gonzalvez, maire de l’Isle et vice-président de VPA en tant que vice-président du Conseil départemental. Cela a d’ailleurs entraîné des problèmes de sur-fréquentation de certains sites et pose la question de nouvelles stratégies afin d’analyser la capacité de nos territoires afin de ne pas concentrer trop de monde à certains endroits. Comment gérer ses flux avec les problèmes de stationnement, de forces de sécurité, d’environnement, de nuisances ou bien encore de déchets, car cela risque d’excéder les habitants comme nous avons pu le constater cet été au partage des eaux.»
«Nous avons sauvé les meubles malgré l’annulation des Chorégies qui a eu un impact jusque dans le sud de l’Ardèche, la Drôme provençale et le Gard Rhodanien», précise Hubert Maillot directeur de l’Office de tourisme d’Orange-Châteauneuf-du-Pape qui a enregistré -54 % sur le Théâtre antique en juillet août et -91% pour les groupes.
«En revanche, cette année est celle du vélo avec + 70% par rapport à 2017 sur le point de passage de Caderousse via la Via Rhôna, même si nous constatons une chute brutale avec le classement du département en zone rouge début septembre.»
«Nous observons également une baisse de la clientèle locale due à l’annulation des événements de l’été, complète Guilhem Millet, directeur de l’office de tourisme de Pernes-Les-Fontaines. Les visites guidées diminuent fortement alors que les activités familiales comme ‘Intrigue dans la ville’ connaissent une forte demande.»
Même conclusion pour Franck Delahaye, directeur de l’office de tourisme Luberon cœur de Provence : «-96 % sur les tours opérateurs, mais un très grand engouement pour le Luberon».
« Quel avenir pour les petits campings qui ont consommé le Prêt garanti par l’État ? »
A l’approche des vacances de la Toussaint, les structures de promotion touristique de Paca vont relancer une campagne de publicité ‘On tous besoin du Sud’ à destination des habitants d’Auvergne-Rhône-Alpes, de la région parisienne et d’Occitanie. Pour cela 300 000€ seront consacrés à des spots radio ainsi qu’à une communication digitale.
Trop tard pour les campings ? «Avec le coup de frein de septembre, pour nous la saison est terminée», constate Jeanine Guindos, présidente du syndicat de l’hôtellerie de plein air de Vaucluse. Au final, les campings de Vaucluse affichent une baisse de fréquentation de l’ordre de 30 %. «Le locatif a mieux marché que les emplacements. Les gens ont certainement eu un peur des communs avec le virus», poursuit la représentante des campings du département. «Il y a des remboursements à faire suite à des annulations et la plupart des petits campings ont consommé le PGE (Prêt garanti par l’État). Que vont-ils devenir en 2021 ?».
«On ne mesure pas ce qui s’est passé, complète Patrice Mounier président de l’Umih 84 (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie). Si on a été tout juste correct pendant 40 jours, il faut se rendre aussi à l’évidence : on a fait une saison de m… ! Ceux qui ont pu s’en sortir sont ceux qui ont un nom. Mais les plus petits, qui ont réduit leur capacité d’accueil de 50 %, ne sont plus en capacité de faire face. Il y a beaucoup de professionnels en pleine détresse et de nombreux restaurateurs et hôteliers risquent bientôt de fermer définitivement.»
«Avignon a pourtant le vent en poupe, assure Cécile Wiertlewski d’Avignon-tourisme. Dès que l’on pourra reprendre, tout le monde sera dans les Starting-Block que ce soit les Tours opérateurs ou les acteurs du tourisme d’affaires.»
Un ressenti que confirme Cathy Fermanian : «Nous continuons à travailler sur tous nos marchés y compris les plus lointains pour être prêts dès que l’on pourra voyager plus librement.»
L’enjeu est de taille pour le territoire car, dans une année normale, le Vaucluse accueille 4 millions de touristes dont près de 50 % d’étrangers (20 % viennent des USA et d’Asie). Un secteur qui pèse 1,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel pour 16 500 emplois directs et 21,8 millions de nuitées.