Les constructeurs, promoteurs et aménageurs sont furieux. En cause ? La suspension des délais d’instruction pour les demandes de permis, du délai de demande de pièces complémentaires par les services administratifs, des délais de recueil des avis préalables nécessaires à la délivrance de certains permis et la suspension des délais de recours des tiers contre les permis délivrés et affichés. Mon tout ? Paralysera la construction pour les 6 mois voire l’année à venir !
«Concrètement, ces dispositions aboutissent à ce qu’aucun permis de construire ou d’aménager ne soit délivré sur l’ensemble du territoire avant le 25 juin prochain, souligne Christian Pons, président de la Fédération du bâtiment et des travaux publics du Vaucluse. Les permis délivrés, y compris avant l’état d’urgence, ne seront quant à eux purgés de recours qu’au 25 octobre 2020. Ces mesures auront pour conséquence un coup d’arrêt brutal de la filière bâtiment pour les six prochains mois.»
Coup de pression
«Pour ces raisons j’ai saisi le préfet, le président de l’association des maires et les parlementaires du Vaucluse pour alerter sur les conséquences et proposer des alternatives et limiter l’impact. La Fédération du BTP de Vaucluse se joint, ainsi, au Syndicat des architectes, aux organisations professionnelles de la filière de la construction pour demander la modification de l’ordonnance, de construction et de dématérialisation, le renforcement des services instructeurs en sortie de crise, l’homologation inconditionnelle des demandes de chômage partiel, dégrèvement d’impôt et de report de charges et la révision du mode d’attribution du fonds de solidarité pour les indépendants et artisans.»
Dans le détail
«Le Gouvernement par l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 prise dans le cadre de la loi d’urgence sanitaire du 23 mars 2020 a permis de neutraliser les délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme déposées avant le 12 mars 2020 et ce jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, explique Grégory Monod, président de la LCA- FFB (Les constructeurs et aménageurs de la Fédération française du bâtiment). Cette ordonnance supprime de fait les autorisations tacites de l’administration. Dans le même temps, nous constatons que nombre de services d’instruction, dans les collectivités locales, sont inactifs depuis le début du confinement.»
Ô temps… ne suspend surtout pas ton vol !
Par cette ordonnance, l’instruction de tout nouveau permis de construire, tout permis d’aménager toute déclaration préalable de lotissement, par exemple, est reportée d’un mois après la sortie de crise, soit pour conséquence, si l’état d’urgence sanitaire dure deux mois, un décalage de l’instruction de 3 mois. À ce délai de 3 mois, il faut ajouter un délai de recours supplémentaire de 2 mois pour tous les permis non purgés au 12 mars, qui résulte également de l’ordonnance.
Compte tenu de l’engorgement des administrations provoqué par l’afflux des demandes bloquées pendant ces 3 mois, des demandes courantes de pièces complémentaires et de consultation de services extérieurs (ABF, ERP…), il est à prévoir que la quasi-totalité des autorisations, dont les demandes sont en cours ou à venir, ne seront purgées de tout recours qu’au début 2021.
Puis, au final, un an de retard ?
Toute la maîtrise d’œuvre sera inactive pendant cette période de décalage d’instruction des autorisations d’urbanisme et les études d’exécution seront reportées d’autant. De même, les entreprises de gros œuvre ne pourront démarrer leurs travaux qu’en 2021 au lieu du deuxième semestre 2020 et les entreprises de second œuvre, elles, ne poursuivront ces travaux qu’à partir de l’été 2021, soit dans plus d’un an.
Catastrophiques conséquences et paradoxes gouvernementaux
«Ces conséquences catastrophiques peuvent être évitées pour toute la filière de la construction et de l’aménagement, ajoute-t-on à la LCA-FFB. Si nous pouvons comprendre la volonté de sécurisation des autorisations d’urbanisme eu égard à cette crise ayant conduit le gouvernement à adopter cette ordonnance, nous nous devons de pointer du doigt l’incohérence du message envoyé alors qu’en même temps il est demandé à la filière de rouvrir les chantiers de BTP.
L’instruction de demande d’autorisations d’urbanisme est en effet une activité qui peut très bien s’organiser en télétravail, d’autant plus quand un tel secteur économique – le BTP – en dépend. Comme l’a rappelé à plusieurs reprises le gouvernement, nous devons dès à présent organiser l’après-crise sanitaire et nous assurer que l’activité économique pourra reprendre rapidement.»
Fatale anecdote
Un chef d’entreprise vauclusien spécialisé dans la construction témoigne : «J’avais un permis de construire prêt à sortir. Il devait être incessamment accordé sauf que…l’employée de mairie, en télétravail à son domicile, que j’arrive à joindre in-extremis, m’avoue qu’il manque un dernier coup de tampon pour que le permis soit validé. Je lui demande si elle peut l’apposer afin de clôturer le dossier et de mon côté organiser les préparatifs que requièrent cette nouvelle construction. Elle me répond que le dossier est désormais et jusqu’à nouvel ordre en ‘stand-by’ parce que le tampon est resté dans le service. Je lui demande si les tampons peuvent être numérisés. Elle me répond que ça n’est pas possible.»
Joint par téléphone, un responsable de la Fédération du bâtiment et des travaux publics de Vaucluse s’indigne : «Quand je pense que les notaires ont mis en place, depuis plusieurs années, la signature électronique des actes authentiques et que lorsque ce professionnel du bâtiment joint la mairie qui reste dans l’incapacité de clôturer un dossier pour cause d’absence de tampon je me demande dans quel monde on vit ! La mairie n’est pas en capacité de concevoir un tampon dématérialisé ?»
Attention, le secteur du bâtiment gronde
Les nombreux signataires de cette protestation sont la Cinov (Fédération patronale représentative de 10 syndicats et 15 régions des métiers de la prestation intellectuelle du conseil, de l’ingénierie et du numérique,), FPI France (Fédération des promoteurs immobiliers), les LCA-FFB (Les constructeurs aménageurs et la Fédération française du bâtiment), le Synamome (Syndicat professionnel de l’architecture et de la maîtrise d’œuvre), l’Unam (Union nationale des aménageurs ), l’UNGE (Union nationale des géomètres-experts), l’UNSFA (Union nationale des syndicats français d’architectes), l’Untec (Union nationale des économistes de la construction), l’ USH (Union sociale pour l’habitat) et la Fédération du bâtiment et des travaux publics du Vaucluse.