Le big boss de Business Europe, association patronale européenne dont il est le président depuis mai 2018, mise sur un patronat uni « pour résister aux agressions populistes et nationalistes ». Mais rien ne se fera sans un redémarrage franc et assumé de l’activité. L’ancien président du Medef évoque également concrètement les conséquences de cette crise sanitaire sur l’activité de son domaine de Sannes comprenant notamment 30 ha de vignes et 400 oliviers.
Pour vous, de l’excellence économique découle le progrès social. Et environnemental…
« On doit toujours avoir les trois ‘P’ en tête, Prospérité économique, ‘People’ (Ndlr : au sens des personnes) et Planète. Garantir la sécurité des salariés reste fondamental, non négociable, rien n’est possible sans cette priorité absolue, mais il faudra sans doute inventer et apprendre d’autres façons de travailler. Pas question non plus de se remettre à polluer sans réfléchir à d’autres modèles, il faut aller vers l’imagination, la créativité, en cela la période que nous vivons est intéressante. Une des leçons de cette grande crise, c’est que nous avons beaucoup délocalisé, à marche forcée, par un environnement fiscal et social compliqué en France, on ne relocalisera que si cet environnement se normalise par rapport aux autres pays, et il faut pousser dans ce sens-là. Il y a aujourd’hui toute une réflexion en cours sur les filières stratégiques à conserver en France ou en Europe, la production médicamenteuse notamment, c’est plutôt sain. Côté planète, c’est un combat lui-aussi fondamental, la crise sanitaire s’est déjà transformée en crise économique, il ne faudrait pas la transformer en crise environnementale… »
Selon vous, serons-nous assez responsables ?
« Je crois dans un confinement aux effets vertueux, avec un retour aux vraies valeurs, au vrai sens de la vie, de la mort, aux choses essentielles, à un bonheur que l’on sait relatif. Il pourrait en ressortir une forme de sagesse collective, chefs d’entreprises compris, et d’ailleurs le monde économique a bien réagi, on a senti de la mobilisation, de la solidarité, dans les initiatives qui se sont mises en place. »
“L’Europe devient encore plus importante, c’est en mutualisant nos moyens qu’on y arrivera.“
Et l’Europe, est-elle toujours aussi solidaire ?
« L’Europe a plutôt bien réagi face à la crise, dès le début la commission a été à la hauteur dans le vote de ses budgets pour ajouter de la liquidité dans les rouages économiques. La réactivité est là, il faut continuer, il faut aujourd’hui trois principes de base, ce que nous demandons via Business Europe : que les entreprises aient du cash, que ce soit rapide et que ce soit simple. Il faut vraiment simplifier les procédures, aujourd’hui, des entreprises meurent du manque de cash. Il faut que les Etats-membres aident leurs entreprises, mais l’Europe aussi, elle qui n’y a pas accès directement, qui donne des directives, du financement via la BCE (Banque centrale européenne) ou le fonds d’investissement européen. Solidarité-responsabilité-action, c’est ce que nous poussons depuis deux mois. Solidarité entre petites et grandes entreprises, entre les Etats-membres, entre l’Europe et les Etats-membres, c’est l’union qui fait la force face à ce désastre, chaque pays, seul, ne peut rien. L’Europe devient encore plus importante, c’est en mutualisant nos moyens qu’on y arrivera. Avec une dose de responsabilité bien sûr par rapport à la santé des citoyens, des soignants, des salariés. Quant à l’action, il me semble que nous y sommes. »
Le rebond ?
« Il faut le préparer, dès aujourd’hui, toutes les entreprises ont bien compris l’importance de la gestion de crise pour compenser les pertes, par un confinement intelligent, pourquoi pas par des investissements quand c’est possible, les Chinois le font très bien en accélérant sur la 5G, via un plan massif de relance, il faut faire la même chose sur des filières stratégiques. Il faut profiter de cette crise mondiale pour améliorer l’Europe, mesurer nos faiblesses et nos atouts, et trouver les moyens d’accélérer les forces. Entre le nationalisme exacerbé d’un Trump et l’agressivité chinoise et son rêve d’hégémonie sans respecter les règles de la concurrence, il y a une vraie place pour l’Europe, pour reprendre son destin en main avec des stratégies industrielles et digitales fortes. Une sorte de renaissance… »
Propos recueillis par Isabelle Auzias, Tribune Côte d’Azur pour Réso Hebdo Eco
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