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Pas de plan Marshall régional sans mobilisation générale

Crédit photo / www.maregionsud.fr

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Le conseil régional s’active pour venir en aide à l’économie locale avec un « plan d’urgence, de solidarité et de relance ». Où en est l’activité de nos entreprises et comment faire pour s’en sortir ?

Bas les masques. Ce n’est pas la guerre, mais ça y ressemble bien. Amer, Renaud Muselier dénonce le détournement d’une commande française de masques de protection chinois. Comme tant d’autres, marchandée 2 à 3 fois son prix et payée en liquide au pied de l’avion transporteur, la cargaison est partie illico pour les Etats-Unis. « C’est une période qui ne ressemble à aucune autre. Deux fronts sont ouverts : l’un sanitaire, l’autre économique » constate le président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur qui a annoncé le 30 mars un plan de bataille au service des entreprises. « Ces 10 derniers jours, l’activité économique et la consommation ont chuté de plus d’un tiers en France ».

Au 1er avril, 9 % des demandes d’activité partielles concernaient les établissements situés en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Source : Dares), soit autant qu’en Occitanie mais un peu moins qu’en Auvergne Rhône Alpes (13 %). Près de 15 000 entreprises ont utilisé le ‘chômage partiel’ pour 115 000 salariés. « Ce dispositif a eu du mal à se mettre en place dans notre région à cause de problèmes informatiques, mais les délais qui pouvaient atteindre 10 jours d’attente ont été ramenés entre 48h et 72h aujourd’hui », observe Jean-Yves Astouin, président de la Fédération nationale des transporteurs routier en région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui participe aux réunions de la cellule préfectorale de veille économique.

Pour l’Urssaf, la suspension des échéances au mois de mars représente 400 M€ en région. « Cet autre dispositif a bien fonctionné, notamment dans le Vaucluse ».

Néanmoins, de graves difficultés financières paraissent d’ores et déjà inéluctables. La Banque de France aura ouvert au mois de mars autant de dossiers de médiation de crédit (80) qu’en 7 mois d’activité habituelle. « L’augmentation est particulièrement significative depuis une semaine », déplore Lucie Hallonet-Sauze, responsable des Services entreprises. « Elle concerne tous les secteurs mais, pour l’heure, aucune entreprise emblématique de la région».

227 M€ d’aides immédiates dont 70 directement adressés aux entreprises

Pour agir vite, le Conseil régional a décidé d’un plan de relance de l’économie de 1,2 milliard pour « l’après Covid » auquel s’ajoute un volet « urgence et solidarité ». Libérant 227 M€ d’aides immédiates, il prévoit 70 M€ d’aides directement adressées aux entreprises régionales. 

« Il s’agit en majorité de nouveaux crédits ou bien de dispositifs existants déployés prioritairement au service des entreprises impactées par la crise » :

  • 47 M€ en aides pour soutenir toutes les entreprises au moyen d’un guichet unique : 0 805 805 145. Ce numéro vert a reçu 600 appels pour les trois premiers jours d’avril.
  • 18 M€ de participation au Plan de solidarité national pour les indépendants et TPE bénéficiant de 1 500 € ou 2 000 € d’aides renouvelables.
  • 5 M€ pour le secteur agricole pour compenser les pertes de chiffre d’affaires et maintenir le paiement des aides européennes ‘Feader’.

En complément, une enveloppe de 30 M€ servira à maintenir les subventions votées au profit de manifestations culturelles qui ne pourront avoir lieu du fait des mesures de confinement à condition d’avoir payé les dépenses engagées pour sa préparation. « Pour les subventions votées en mars 2020, des acomptes seront très rapidement versés, à hauteur de 70 %, ce qui est pour beaucoup exceptionnel (la règle est le plus souvent de 50 %). Il en ira de même pour les subventions qui seront votées en juin 2020 », précise le Conseil régional.

Celui-ci a également lancé un fonds ‘Covid résistance’ dédié à des prêts d’honneur (taux zéro, sans garantie) aux entreprises et abondé par la région et la Banque des territoires (20 M€). Il vise un objectif de 40 M€, sur la base d’une contribution complémentaire de 2 € par habitant de la part des EPCI et des Départements. Celui du Vaucluse a décidé de contribuer à hauteur de 3 € par habitant, soit 1,8 M€. « La mobilisation de tous est la clé qui nous permettra de surmonter cette terrible épreuve (…), car il n’y a pas d’avenir sans un investissement à la hauteur des enjeux », estime Maurice Chabert, président du Conseil départemental de Vaucluse. Mais comment s’en sortir et que se passe-t-il sur le terrain ?

Quelle sortie du tunnel pour les transports ?

Prenons l’exemple du transport de marchandises qui doit assurer l’approvisionnement du pays en produits de première nécessité tout en subissant lui-même la mise à l’arrêt d’une partie de l’économie. Comment ce secteur stratégique peut-il repartir ?

Avec la fermeture des commerces non-essentiels et d’un nombre important d’industries, c’est un effondrement des volumes transportés que décrit Jean-Yves Astouin, président de la Fédération nationale des transporteurs routier en région Provence-Alpes-Côte d’Azur : « 83 % des entreprises de transport ont cessé totalement ou en partie leur activité : 30 % sont à l’arrêt total et 53 % sont en activité partielle. Par conséquent, les coûts explosent à cause des transports à vide ». Lorsque les transporteurs peinent à équilibrer leurs flux – à remplir leurs camions à l’aller comme au retour- ils sont contraints d’arrêter les liaisons qui leur font perdre de l’argent et de prioriser d’autres, plus susceptibles de garantir un chargement dans les deux sens. « Une montée Avignon Bordeaux est facturée entre 580 et 620 € soit, avec la descente, une recette moyenne de 1 200 €. Si je rentre à vide, je perds 200 € car le coût global du transport se situe autour de 800 € », poursuit le dirigeant de Provence Astouin, entreprise familiale située à Eyrargues (48 salariés), dont l’activité vauclusienne est importante avec la logistique du vin.

« Actuellement, le seul secteur qui fonctionne à 100 %, c’est le froid puisque le prix de l’acheminement des produits surgelés intègre le retour à vide. Pour le reste, 90 % des centrales d’achat de la grande distribution ne mettent pas encore la main à la poche pour compenser le déséquilibre des flux », en grande partie à cause du boom des achats de précaution des ménages.

« L’alimentaire représente habituellement 15 % de notre chiffre d’affaire. Il a grimpé, au début du confinement, à 35 % et retombe cette semaine à 25 %. Le retour à la normale ne devrait pas tarder. » Il faudra alors remettre sur le tapis la question du coût réel du transport et envisager une hausse des prix estimée entre 15 et 20 %, « ce qui représenterait quelques centimes sur chaque produit », rassure Jean-Yves Astouin.

Les relocalisations sont déjà en marche

Il faudra aussi rationaliser ce secteur stratégique devenu très fragile sur les échanges internationaux. « Le port de Marseille a annoncé une baisse de 25 % de ses flux conteneurisés pour mars et prévoit moins 50 % pour avril. L’Europe ne consomme plus, demain l’Amérique. Ceci bloque les flux de conteneurs vides dont la Chine aura besoin pour exporter. Il faudra au moins 2 à 3 mois pour reformer le triangle. » Les industriels veulent revoir ce schéma, si vulnérable. « Jushi, fabricant chinois de fibre optique pour lequel nous travaillons étudie l’implantation d’une usine en Pologne pour limiter les aléas et distances de transport depuis ses unités de production en Chine, Egypte ou Caroline du sud. »

La relocalisation industrielle est donc bien en route. Elle est aidée par un fonds régional spécifique ‘post Covid’ de 17 M€.

Elle se concrétise aussi chez les distributeurs. « La priorité à la production française pour sauver notre agriculture est une réalité dans un certain nombre de centrales d’achat». Sans la mobilisation de tous, on ne gagnera donc pas cette guerre.

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