Menacé de fermeture définitive en juin 2021, le laboratoire Boiron du Pontet en grève à 100%.
« Virés », « Ecœurés », peut-on lire sur les banderoles déployées mercredi dernier sur les grilles de l’avenue de la Farandole, en pleine verdure, au Pontet. Boiron, leader mondial de l’homéopathie, c’est avant tout une histoire de famille née à Lyon en 1932 avec les frères Jean et Henri, auxquels a succédé Christian Boiron en 1984 comme directeur général. En 1977, leur 1re succursale avait d’ailleurs ouverte à Avignon (boulevard Alphonse- Daudet), puis le laboratoire a été installé dans des locaux de plain-pied, agréables et fonctionnels de Cassagne, il y a 36 ans.
Le doute jeté sur l’efficacité du principe homéopathique des petites granules avec une tribune cosignée dans Le Figaro par 124 médecins, qui dénonçaient son manque de fondement scientifique en mars 2018, et la menace de déremboursement brandie par l’ancienne ministre de la Santé (Agnès Buzyn), qui deviendra réalité en janvier 2021, ont scellé le sort de 646 postes sur les 3 700 que compte le groupe. Ainsi, 13 des 31 sites fermeront leurs portes, dont celui du Pontet en juin prochain alors que celui-ci approvisionne, deux fois par jour, 732 pharmacies de la région réparties dans les départements de Vaucluse, du Gard, de la Drôme et des Bouches-du-Rhône.
« On est dépossédé de notre outil de travail. »
D’où la grève organisée dans le Vaucluse, mais aussi dans les autres succursales de l’Hexagone, par solidarité, « Il y a même des cadres et des retraités, qui ont passé toute leur vie chez Boiron qui sont venus manifester, par empathie », souligne Lionel Cistio, directeur du site pontétien. En poste depuis 20 ans, il ne cache pas sa colère : « Il y a eu une véritable campagne de dénigrement contre l’homéopathie or, si le taux de remboursement avait été maintenu à 15%, tous les emplois auraient pu être sauvés. On est dépossédé de notre outil de travail. L’homéopathie Boiron, c’est un fleuron français. On avait réussi, dans une pétition nationale, à recueillir jusqu’à 1,243 million de signatures de soutien, on a cru à notre maintien et, là, on nous dit circulez, y’a rien à voir, rentrez chez vous. »
« L’entreprise est saine, elle a versé 17 M€ de dividendes aux actionnaires. »
Même son de cloche chez Françoise Blua, qui a fait toute sa carrière au Pontet et qui fait partie de la dizaine de salariés proches de la retraite. Pour autant, elle n’abandonne pas le combat : « La décision est tombée comme un couperet le 11 mars, le 16 on était confiné en pleine crise sanitaire, on n’a pas pu manifester contre la brutalité de la directrice générale en poste depuis 2020 après avoir succédé à Christian Boiron. Pourtant, l’entreprise est saine, elle a versé 17 M€ de dividendes aux actionnaires, pourquoi elle n’a pas réinvesti cet argent pour sauver l’emploi? En plus, elle mégote sur les mesures d’accompagnement des agents licenciés. Sans parler des menaces sur la dizaine de livreurs qui transportent nos colis de préparations aux pharmaciens et du personnel de nettoyage qui suit des normes strictes de désinfection dans le laboratoire » s’insurge-t-elle. Et elle craint pour certains de ses camarades dépressifs qui ont besoin de soutien psychologique depuis l’annonce de la fermeture programmée.
« Avant, au temps des Boiron, c’était une entreprise familiale. »
En gilet rouge, Jean-Luc Bonnal, secrétaire général de FO (Force ouvrière) Vaucluse, est venu prêter main forte aux salariés. « On nous parle sans cesse de ‘Plan de relance’ et on assiste à quoi dans le Vaucluse et au Pontet en particulier ? A des menaces sur Auchan, sur Alinéa, sur Boiron ? On est en plein dans le monde d’avant avec son avalanche de licenciements. Les travailleurs ont le choix entre le Pôle emploi, le chômage, la pré-retraite ou le déménagement sur un autre site, à Lyon ou Marseille, mais ici, il y a un seul célibataire, les autres sont chargés de famille avec souvent un emprunt pour leur logement à rembourser pendant des décennies… Avant, au temps des Boiron, c’était une entreprise familiale, sociale, proche des salariés, à l’écoute, maintenant on a une directrice générale technocrate uniquement intéressée par la rentabilité, le fric, la conquête de marchés étrangers, elle pense à l’argent pas aux gens. »
Entre 2017 et 2019, le chiffre d’affaires du groupe Boiron (604 M€ dont 60% réalisés en France), a globalement reculé de 10% mais de 20% dans l’Hexagone. Pourtant, dénonce Lionel Cistio : « Le coût de l’homéopathie pour l’assurance-maladie est de 125,8 M€ sur un total de 10 milliards pour l’ensemble des médicaments remboursés, ça ne coûte rien ou presque… ».