Frédéric Saintagne est le patron de Groupements d’artisans, entreprise située à Piolenc et Montélimar. Il est également le dirigeant de Néo Chape et président régional Paca Pole Habitat de la Fédération Française du Bâtiment. Rencontré lors des Coulisses du bâtiment en octobre dernier, il pousse un grand coup de gueule.
« Aujourd’hui, le secteur de la construction en général, et plus particulièrement de la maison individuelle vit une crise sans précédent. Globalement, depuis le 1er janvier 2024, nous observons un effondrement de notre activité de construction de maisons individuelles de 50%. »
Pourquoi ?
« Parce que le prix du foncier est toujours aussi élevé (la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur est la plus chère de France sur la partie foncière). Le coût de construction reste plus important en comparaison des années 2021/2022 –accusant une hausse de + ou – 30 %-, une conséquence de la hausse du coût des matériaux et des frais engagés pour répondre aux nouvelles réglementations –comme la règlementation environnementale RE 2020-. Cependant, nous observons une stabilisation des coûts de construction sur le premier semestre 2024 ce qui est plutôt une bonne nouvelle. »
Trop de facteurs cumulés
« Hélas, la hausse des taux bancaires, pour contrer l’inflation, a directement impacté le coût des crédits immobiliers. Par ailleurs, les banques devenues plus prudentes, ont renforcé les conditions d’octroi du crédit immobilier pour limiter les risques de défaut de paiement des crédits. Enfin, la suppression des aides à l’accession, notamment du Prêt à taux zéro (PTZ) ont concouru à gripper le marché de l’immobilier. Tous ces facteurs cumulés ont évincé le primo-accédant de l’accession à la propriété et limité le nombre de ménages enthousiastes à entamer une démarche d’accession. »
Un exemple ?
«La plupart du temps les gens disposent d’une enveloppe comprise entre 250 000 et 300 000€ dont 170 000€ sont dévolus à la construction tandis que l’achat du terrain ne peut excéder les 130 000€. Ce budget était aussi adossé à des aides telles que le Prêt à taux zéro qui pouvait être engagé à hauteur de 10 à 50 000€. Une belle enveloppe pour un couple travaillant avec deux salaires convenables. C’est cette combinaison qui faisait la dynamique du marché.»
Aujourd’hui ?
«Alors que nous étions une trentaine, au sein de mon entreprise, nous sommes désormais 25, sans compter les sous-traitants qui travaillaient pour nous et qui aujourd’hui sont en grande difficulté, ainsi que et les intérimaires à qui nous ne faisons plus appel, parce que le volume commercial et de production ont été divisés par deux.»
Ce qui pourrait changer la donne ?
«Ce serait déjà que l’État prenne enfin en compte la problématique du logement en France. Parce que tout ce que nous vivons aujourd’hui n’est que le fruit d’une politique de l’autruche. Cela fait deux ans qui nous disons : ‘Attention le mur se rapproche, nous devons réagir au plus vite. Et là, nous sommes au pied du mur !»
«Le fond du sujet, ce n’est pas que le bâtiment est en train de s’effondrer,
c’est que le Français ne peut plus accéder à la propriété. Avant de travailler sur ce qu’on peut mettre en place pour redresser le bâtiment, travaillons sur les besoins primordiaux des Français qui sont se loger, pouvoir se déplacer dans le cadre de mutations professionnelles et accéder à leurs propres choix et projets dans la dynamique personnelle de leur vie.»
Car les français ne rêvent pas de rester locataires leur vie entière.
Ils ont envie d’évoluer, de se marier, d’avoir des enfants, de devenir propriétaires et de créer un foyer pour leur famille. C’est ce que nous ont inculqué nos parents : construire un patrimoine avec, en premier lieu, un toit au-dessus de soi. Aujourd’hui, l’absence de politique de logement du gouvernement prive les Français de leurs projets et de leurs rêves. »