Outre la pénurie de masques, les établissements de soins, hôpitaux comme Ehpad (Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) ont eu beaucoup de difficulté à s’approvisionner en gels et solutions hydro-alcooliques. Fort heureusement, le Vaucluse compte une filière importante d’entreprises de productions d’huiles essentielles, à partir des PPAM (Plantes à Parfum aromatiques et médicinales). Certaines sont des entreprises familiales et artisanales ; d’autres sont de véritable PME comptant entre 50 et 100 salariés. Mais autant l’une que l’autre ont fait l’effort nécessaire pour chambouler leur activité normale, afin de répondre aux besoins des professionnels de santé.
« Toute l’équipe d’Aroma’plantes s’est mise au travail »
Aroma’plantes, à Sault, est bien connue du grand public. Situé en contrebas du village de Sault, cette petite entreprise artisanale a été créée en 1978 par Régine et René Liardet, lavandiculteur. Aujourd’hui, Guillaume et Magali Liardet ont pris le relais. La distillerie est ouverte au public, avec une boutique accueillante, et des animations, dans la cour, durant l’été. L’activité est divisée en deux saisons : de mai à octobre, ce sont les PPAM, lavande, armoise, bleuet, sarriette, thym… Puis viennent le tour des huiles essentielles de résineux, pin sylvestre, cèdre, genévrier, cyprès…
Mais au mois de mars, Guillaume et Magali Liardet reçoivent un message de l’association des laboratoires de PPAM. En effet, depuis 2012, ils se sont équipés d’un laboratoire de développement en bonne et due forme, avec une salle blanche. « Nous étions donc en capacité de produire de la solution hydro-alcoolique, ou SHA. Nous avons accepté, et toute l’équipe de 9 personnes s’est mise au travail ». En 15 jours, une tonne de SHA est produite, et vendue aux collectivités locales, aux Ehpad du Plateau de Sault. « Mais aussi aux particuliers, qui viennent chercher leur produit à notre boutique ou le commande sur notre boutique en ligne ».
La réactivité d’Algovital
A Mormoiron, la société Algovital, dirigée par Christophe Gilles, s’est orienté vers la production de SHA et GHA (Gel hydro-alcoolique) d’une autre façon, illustrant bien la culture de service de cette jolie PME crée en 2009. « Nos tous premiers clients étaient un couple de pharmacien cannois, raconte Christophe Gilles. Des clients qui nous sont restés fidèles, et qui je dois l’avouer sont au fur et à mesure devenu des amis. Il se trouve que le vendredi 13 mars, j’étais allé manger chez eux. Ils s’étaient plaints de ne plus parvenir à trouver du GHA, et ils m’ont demandé si je pouvais leur en fabriquer. Dès le lundi soir suivant, on leur en envoyait 1 000 litres ! »
Un autre client, qui travaille avec les Ehpad, entend parler de cette opération, et contacte Christophe Gilles. « Il m’expliqué la situation très difficile des Ehpad, qui accueillent des publics à risque, et ont des besoins de désinfection très importants. Mais là, on ne parlait plus de petites commandes au jour le jour. Il fallait envisager une réorientation de la production ».
Et pour cela, il faut traiter rapidement 2 questions. La première, c’est celle du personnel de l’entreprise. « J’ai rassemblé toute l’équipe, je leur ai expliqué qu’on avait deux choix possibles : soit se mettre en confinement et en chômage partiel, soit répondre à cette demande urgente en adaptant nos méthodes de productions à la distanciation sociale et aux gestes barrières. Et comme j’étais bien conscient que je leur demandais un investissement important, j’ai décidé de doubler leur salaire horaire. »
« J’ai décidé de doubler leur salaire horaire. »
La seconde, c’est celle de la mise en conformité avec les règles d’hygiène, de sécurité et de protection de l’environnement. Deux rencontres avec les services de la Drire (Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement), de la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) et du Sdis (Service départemental d’incendie et de secours), et quelques aménagements, vont permettre d’adapter l’activité de l’usine de Mormoiron. Le 23 mars, la production peut commencer. « On produisait 18 000 litres par jour au début, tellement la demande était forte, se souvient Christophe Gilles. J’ai dû embaucher 8 personnes pour constituer une équipe de nuit. » Aujourd’hui, ce sont en moyenne 10 000 litres de GHA qui sortent de l’usine de Mormoiron. Une production essentiellement destinés aux acteurs institutionnels. « Didier François, le sous-préfet de l’arrondissement de Carpentras, nous a demandé si il pouvait donner nos coordonnées aux acteurs publics à la recherche de SHA et GHA, car pendant 3 semaines nous avons été les seuls à répondre présents ». De ce fait, Algovital a créé une cellule de commande par téléphone et par mail, avec paiement par virement bancaire ou carte bleue. L’enlèvement a lieu sur rendez-vous, le matin, à côté du magasin de Mormoiron. Cette vente n’est pas ouverte aux particuliers, mais par contre pas mal de pharmacie achètent ce gel pour le vendre au grand public.
Pierre Nicolas