Du monde de la culture à celui de la nature, il n’y a qu’un pas. Président de l’association culturelle Surikat and co, Damien Baillet s’est lancé dans une aventure pour le moins atypique : accueillir le public dans une ferme pédagogique en plein cœur de l’île de la Barthelasse, entourée de jardins familiaux et de planches maraîchères en agroforesterie. Le mouvement ‘agriculturel’ est lancé ! Rencontre.
Comment est naît ce projet de ferme pédagogique ?
L’association Surikat existait déjà, on a décidé de recommencer l’art de rue en art des champs. Je me suis découvert une vraie passion pour l’agriculture en visitant la ferme de mon cousin avec ses habitats insolites. Il avait des yourtes, des tipis, des tentes de scout. Il faisait notamment du maraîchage et du petit élevage et accueillait des groupes de jeunes. Je suis revenu avec une conviction profonde: je voulais devenir paysan. J’ai alors suivi une formation afin d’acquérir le savoir et la technique, un stage pour mettre en pratique mes acquis, et je suis finalement devenu propriétaire de ce terrain à la Barthelasse. C’est un métier qui travaille le corps, le cœur et l’esprit.
De quel accompagnement avez-vous bénéficié ?
Le grand problème concernait le financement. Je n’avais aucun patrimoine, aucun foncier. J’ai été accompagné par Initiative terre de Vaucluse, qui a trouvé un financement croisé avec la Région Sud. J’ai ainsi pu bénéficier d’un prêt d’honneur. Bpi France et le Crédit agricole m’ont également soutenu dans cette démarche. Le terrain fait 2 hectares donc le coût avoisinait les 40 000€, frais de notaire inclus. J’ai du également du réinvestir dans d’autres matériels plus à ma taille. J’ai refait l’irrigation également, je dois être à 10 000€ en investissements. Je suis quelques fois aidé par des stagiaires ou des jeunes en service civique, mais sinon je mène la barque seul.
Quelle place tient le bio dans la conception de votre ferme ?
J’ai dès le départ fait appel à un contrôleur bio pour être labellisé. Je travaille avec Alpes contrôles, certificateur bio. Notre méthode agricole consiste à ne diffuser aucun traitement. Si des cultures sont trop fragiles, on ne les sème pas, tout simplement. C’est le cas du concombre par exemple, qui est sujet à trop de maladies et qui n’aime pas le vent. C’était compliqué au regard de ma parcelle très venteuse. Je travaille avec des semences paysannes naturelles, ce sont des semences reproductibles et généralement issues de variétés anciennes. Cela signifie qu’elles n’ont pas subit de « traficotage » ni de stérilisation.
La terre est reine sur vos parcelles…
Exactement. On ne retourne jamais la terre, c’est très courant en maraîchage sur sol vivant. On fait le choix de mettre soit du déchet vert, du foin, de la paille, du compost, de la fiente de mouton, tout ce qui est matière organique. On laisse faire la nature, les bactéries et champignons se nourrissent de ça, ils font des allers et retours dans les profondeurs de la terre et par conséquent l’aère. On aboutit ainsi à un cercle vertueux, le système immunitaire devient suffisant. « Nature never sleep », cela signifie que si l’on traite bien la nature, elle nous rend la pareille. On utilise encore un peu d’essence mais plus pour longtemps, après ce sera à l’énergie solaire. On récolte les légumes le matin et on les mange à midi, c’est vraiment gratifiant. Evidemment, je suis en relation à 100% avec des producteurs locaux, j’ai un fournisseur à Rousset, mon fournisseur de pommes de terre est à Manosque, celui de plantes est à Mallemort dans le 13. L’objectif est de solliciter des entreprises locales et d’avoir des produits de qualité.
Quelles activités proposez-vous ?
On devait ouvrir en mars mais on a été contraint de décaler au samedi 12 juin. Le public peut venir entre amis, avec la famille, pique-niquer, se prélasser, visiter la ferme, participer à des ateliers, des débats, des conférences autour de l’autonomie énergétique et alimentaire. Le soir, si tout va bien, c’est concert au programme, dans le respect des gestes barrières évidemment. Les ateliers maraîchage et récolte des légumes remportent un franc succès. Le samedi 12 juin aura lieu le final de la semaine de l’Environnement sur l’île. Au programme de cette journée : 11h – vélorution (du centre à la Barthelasse) ; 12h – pique-nique zéro déchet ; 13h30 – ateliers pour petits et grands et visite de la ferme ; 16h30 – discussion-débat avec la Machine emotive ; 17h30 – initiation et concert batucada. Vous retrouverez notamment les P’tits débrouillards, la Maison en carton, Eco’Lab Environnement, Roulons à vélo, et bien d’autres.
Les poules, grandes stars de la ferme ?
Pas que ! Notre chienne Poppy est d’une aide considérable. A trois ans, elle protège la ferme, les cultures des rongeurs et sangliers, et même des voleurs. Nous avons en tous 20 poules. D’ailleurs nous proposons l’opération ‘Adopte une poule’, pour 150€, bénéficiez de 6 œufs/semaine et d’une poule (sur pieds ou au pot prête à cuisiner en fin de saison. Contrat d’engagement solidaire.
Comment fonctionnent les jardins familiaux ?
Ce sont des planches permanentes qui ne bougent pas, d’environ 30m. Le public peut cultiver tout ce qu’il veut. La terre sableuse est hyper fertile, ajoutés à ça le soleil et l’irrigation, c’est le top pour l’agriculture. On arrose tous les mercredis avec un système de goutte à goutte. Chaque planche dispose de deux tuyaux de goutte à goutte, je les laisse tourner deux heures par jardin. Je mets à disposition du broyat, déchets verts broyés qui nourrit le sol en matière organique, protège du vent, de la pluie, du soleil et maintient l’humidité.
Quelles sont les fruits et légumes que l’on peut cultiver ?
Des blette, salade rouge et verte, fraises, betterave, ail, oignons, échalote, brocolis, pommes de terre, patate douce, poireau, choux de Bruxelles, etc. Sur une parcelle, nous avons trois rotations par an. La gestion de l’assolement est complexe et très technique, c’est la première année que j’essaie. Avec l’achat du terrain, j’ai tout de même une pression financière, je n’ai pas le droit à l’erreur. Je cherche des plants d’asperge, même si l’installation est compliquée et que cela prends deux ans pour porter ses fruits. Je dispose de 13 lignes de culture, je pourrais en effet en réserver une à l’asperge.
Le parcours de l’entrepreneur est souvent semé d’embûches, quelles ont été les vôtres ?
C’est compliqué quand le sanglier ou le renard passe et vous tue six poules. Ce sont aussi 300 ou 400 mètres de culture dégradées par la bête. J’ai également fait l’objet d’un vol de 1500€ de matériels de pompage et d’irrigation. Autant, perdre du matériel ce n’est pas excessivement grave, c’est plus délicat lorsque les cultures et les animaux sont touchés. On ne peut pas en vouloir au sanglier et au renard, ils cherchent à se nourrir. Mes lignes de carottes en ont fait les frais. Je n’ai pas envie d’installer des clôtures électriques, on a l’autorisation de construire un hangar agricole de la part des services de l’urbanisme pour y disposer notre matériel.
Proposez-vous vos produits à la vente ?
Tout à fait, je vais transformer la ferme en petite ginguette en proposant un marché les samedis matins. Je veux que ce soit un lieu chouette et convivial. Il faudra précommander sur le site internet afin de simplifier la récolte et d’éviter tout gaspillage. Je vends également dans les magasins bios autour d’Avignon. Je m’inscris dans le projet de ‘Paysans d’Avignon’ qui monte un magasin de producteurs à Avignon. C’est un groupement de paysans, des gros et des petits, je suis le petit poucet de l’histoire. On y trouve des maraîchers, un chevrier, des apiculteurs, j’adore le format de coopérative, c’est cool de réussir à mutualiser les moyens et promouvoir les circuits courts. En attendant, je vous donne rendez-vous ce samedi 12 juin, la ferme est ouverte aux horaires du soleil !
Propos recueillis par Linda Mansouri