Isabel Ferrando a acheté cette propriété de 32 hectares (21 en Châteauneuf du Pape, le reste en Côtes-du-Rhône) en 2003. Elle a peu de temps après décroché la note maximale et enviée de 100/100 dans le fameux Guide Robert Parker des meilleurs vins de la planète.
Chaque année, grâce à ce terroir de galets, de safres et de sable et à sa dizaine de salariés, sont commercialisées environ 60 000 bouteilles, 25% à destination du marché français, 75% à l’exportation, notamment les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Europe.
Or, avec le Brexit et le Covid-19, le Domaine Saint-Préfert a été fortement impacté : -30% du chiffre d’affaires. « Avec les restaurants fermés à cause du confinement, nos ventes ont baissé évidemment, mais nos clients qui mangeaient à la maison ont fait le choix de se servir en bonnes bouteilles chez les cavistes, ce qui a limité la casse » précise Isabel Ferrando. « Malheureusement depuis ce 12 janvier est entrée en vigueur l’augmentation de 25% des droits de douane pour exporter du vin français aux Etats-Unis, ce qui n’arrange rien quand on sait que j’expédie 75% de ma production hors France, dont 15% là-bas » ajoute-t-elle.
« En Californie on m’a demandé de baisser les prix, pas à New-York. »
« Mais la situation n’est pas uniforme sur l’ensemble des Etats-Unis. En Californie, mes clients m’ont demandé de baisser les prix… je réfléchis… Tandis que sur la Côte Est, à New-York, les restaurateurs continuent à me faire confiance, ils n’ont pas fermé, ils ont installé leurs tables sur les terrasses chauffées à l’extérieur et ils ont besoin de nos cuvées haut de gamme pour satisfaire leur clientèle. »
« La filière viticole française est prise en otage pour un conflit entre Boeing et Airbus et ce sont nos concurrents espagnols et italiens qui en profitent », dénoncent à l’unisson les vignerons de l’hexagone pénalisés par cette mesure de rétorsion. Il faut savoir que les Etats-Unis sont le 1er consommateur de vin du monde avec 29 millions d’hectolitres mais aussi le 1er importateur de Côtes-du-Rhône (devant le Royaume-Uni et la Belgique) avec 17% de nos bouteilles, soit des retombées économiques de 108,8M€ pour 2019.
« Notre chance, c’est que le vin se bonifie avec le temps dans nos caveaux. »
Même si Isabel Ferrando accuse le coup, elle ne désespère pas. « Bien sûr, cette baisse des ventes, donc des marges, diminue nos capacités d’investissement, de développement des marchés à l’exportation puisque je ne peux plus prendre l’avion pour faire de la prospection avec dégustation à la clé à l’étranger. Mais notre chance, c’est que le vin se bonifie avec le temps dans nos caveaux, c’est une forme d‘ ‘art de vivre, de chic à la française’, il pèse plus d’un milliard d’euros dans la balance. Et notre richesse, en plus de la vigne, ce sont nos collaborateurs, j’en ai une dizaine à l’année, (trois sont en chômage partiel actuellement) et une trentaine de saisonniers en septembre pour les vendanges à la main. On fait le dos rond en attendant que ça reparte. »
Et pour 2021, en espérant que les vaccinations permettront un retour à la normale d’ici l’été ou l’automne, la patronne de Saint-Préfert compte se tourner vers l’Europe de l’Est pour retrouver de nouveaux débouchés, la Roumanie, la Pologne et surtout la Russie : « Je viens de recevoir chez moi une délégation de russes. Ils adorent la vodka, mais ils sont à la recherche d’autres saveurs, d’autres sensations et nos cépages de Grenache, Mourvèdre et de Cinsault constituent un accord parfait avec leurs mets ».