« Famille Isabel Ferrando Saint-Préfert », le nouveau nom du Domaine s’affiche, couleur azur & argent sur la façade de la propriété. Et certains vignerons du coin, machos voire jaloux, s’étranglent quand ils voient Isabel Ferrando, à la une de la Revue des Vins de France de septembre 2023, surnommée « La papesse de Châteauneuf »…
Son histoire d’amour avec la vigne remonte aux années 2 000.
A l’époque, Isabel Ferrando quitte le monde de la banque pour poser ses valises en 2002 Chemin Saint-Préfert, au sud du village de Châteauneuf. Avec son mari (Germain Giraud, meunier et patron du moulin éponyme au Thor) et sa fille, Guillemette, 5 ans. Elle découvre alors ce monde nouveau, ce terroir, ces cépages, ces galets roulés et ces saffres.
Dès 2 003, Robert Parker, le redouté critique et dégustateur américain
qui a bouleversé la vie de nombre de vignerons, titre « A star is born » dans son dictionnaire des vins, en parlant d’Isabel Ferrando. Ce qui lui vaut instantanément une renommée mondiale. En 2007, elle obtient la note mythique de 100 / 100, et ça continue en 2020 avec Jeb Dunnuck, un autre critique américain qui la classe carrément dans son Top 10, devant le Champagne Louis Roederer (14ème)… Quant au meilleur sommelier du monde, Olivier Poussier, dans son « Guide des Meilleurs Vins de France 2024 » (à paraître le 24 août prochain), il classe parmi ses coups de cœur le Châteauneuf-du-Pape Blanc 2022 du Domaine de la Famille Ferrando, qui associe, dit-il « la maturité à la fraîcheur, qui est très aérien, avec des élevages poudrés, des arômes coincés entre la Roussanne bien mûre et juteuses et fruits jaunes et une dimension minérale qu’apporte la Clairette ».
Aujourd’hui Isabel Ferrando,
est à la tête de 24 hectares de vignes, 2/3 en appellation Châteauneuf, 1/3 en AOC Côtes-du-Rhône. Elle produit 60 000 bouteilles par an, dont 75% sont exportés surtout vers les Etats-Unis et la Communauté Européenne. Malgré la baisse de consommation de vin rouge, elle ne s’inquiète pas. « Nous nous adaptons à la demande, avec moins de rusticité, moins d’alcool, plus de fraîcheur et de fruité pour nos rouges. Quant aux blancs qui connaissent un véritable engouement, notamment auprès des jeunes, nous avons sorti un petit vin de France qui s’arrache, (10 000 bouteilles commercialisées), avec la cuvée 2022 à 13° « Stella ducit », qui était la devise du Thor (« L’étoile nous guide »), en hommage à Germain, le papa de Guillemette qui nous a quittées les 22 mai 2019. »
Au bout du Chemin Saint-Préfert,
les vendanges viennent de débuter tambour battant pour les blancs « Avec une équipe de 19 saisonniers colombiens et équatoriens extraordinaires » souligne Isabel Ferrando. « Il travaillent avec notre douzaine de salariés, dont pour moitié des femmes. 2024 sera un millésime magnifique, on a eu du soleil et de la chaleur quand il fallait, de la pluie fin juillet et le week-end dernier, pas de mildiou, c’est parfait ». Elle qui a investi 3M€ en 2009 dans une nouvelle cave de vinification, qui a rénové tout le matériel de pressage et de fermentation des grappes, élève 1/3 de ses vins en cuves béton, 1/3 en foudres de chêne et 1/3 en amphores de terre cuite.
Cette année 2023 marque une date particulière pour Isabel Ferrando,
avec l’arrivée au domaine de sa fille, Guillemette, que rien au départ ne destinait au métier de la vigne. Elle l’explique elle-même : « Certes, j’ai grandi au milieu des raisins, des barriques et des tonneaux mais à 18 ans je suis partie à Paris où j’ai fait hypokhâgne et khâgne. A l’époque, je me suis dit « Jamais je ne ferai de vin. Avec la crise sanitaire et le confinement, j’ai suivi les cours de l’Université Dauphine par internet et passé ma licence d’économie appliquée en ligne, ici, à Châteauneuf. J’ai cherché un job d’été, mais comme les caveaux, les bars et les restaurants étaient fermés et qu’on avait du mal à trouver des saisonniers, j’ai donné un coup de main au domaine. Et j’ai adoré. Mais je n’ai rien dit à maman. J’ai alors poursuivi mes études à Londres, puis dans une école de commerce de Berlin, pour un master de management. Mais devenir consultante, derrière un bureau, ne me disait rien. »
« Je voulais du concret, sur le terrain.
J’ai eu l’idée de travailler sur un BTS viti-oenologie à Beaune, au coeur de la Bourgogne, avec comme maître de stage, Jean-Marc Roulot. Là, ça a fait tilt ! La révélation, que du bonheur. Ma décision était prise de rejoindre maman, mais auparavant, pour parfaire mes connaissances, je suis allée en Californie, dans un vignoble de la Napa Valley, la Mecque du vin USA, puis en Afrique du Sud et je m’apprête à passer 2 mois en Espagne. Après je m’installerai ici, où maman me transmettra son expérience et m’aidera pour la gestion du Domaine et moi, je m’occuperai plutôt de la production ».
En février dernier, le journaliste Roberto Petronio
classait les vins du domaine « Famille Isabel Ferrando Saint-Préfert » parmi l’élite des grenaches du monde. 70 cuvées avaient été sélectionnées et il avait donné une note de 98-99 / 100 à la Cuvée Châteauneuf-du-Pape Colombis. « En 20 ans, Saint-Préfert, entre les mains d’Isabel Ferrando, est devenu un domaine majeur. Elle est passée de vins plantureux à des vins fins et précis. Cette cuvée s’inscrit au sommet de notre classement par son raffinement et son toucher de bouche grâcieux, sans rien perdre de son âme méridionale ». Déjà seule, Isabel Ferrando atteignait des sommets. Ensemble, avec sa fille Guillemette, elles vont sans doute tutoyer les étoiles. Une nouvelle aventure commence. Un nouveau chapitre va s’écrire mais à quatre mains !