Si l’olivier est un des éléments central de la culture et de l’identité provençale, le moulin en a été un des piliers de sa vie sociale. Celui de Mérindol, dans le Luberon, en est une belle illustration. Bâti à la fin du XVIème siècle, il a largement participé au renouveau de cette commune après le massacre des Vaudois en 1545. Le moulin était à la fois un centre économique et un lieu d’échange social. Repris par la famille Boudoire au début du XXème siècle, il joue encore aujourd’hui un rôle important dans la vie locale.
Avec l’église et/ou le temple, le moulin à huile est un acteur central de la vie des villages provençaux. Celui de Mérindol construit en plein cœur du village n’échappe à la règle. Fait d’une voute de 20 mètres de long et 5 de large, il a aussi longtemps servi de lieu de réunion pour les villageois. Yves Boudoire, l’actuel patron des lieux aime à dire que faire de l’huile d’olives est un moyen pour les nouveaux arrivants dans la commune de s’intégrer à la vie du village et aux uses locales.
Le Moulin de Mérindol est le plus vieux bâtiment de la commune. A l’origine, ce moulin était la propriété du seigneur local dont le château était situé sur les hauteurs du village. Château dont il ne subsiste aujourd’hui que quelques ruines. C’est d’ailleurs en mémoire à cette origine que le moulin a pris la dénomination de « Moulin à huile du vieux château ».
Malgré sa mécanisation et son « indispensable mise aux normes », il reste un lieu de curiosité
Si le moulin de Mérindol a la particularité d’avoir conservé son édifice originel, il est encore un des rares à utiliser des meules de pierre pour broyer les olives. Parmi les 11 moulins à huile qui demeurent encore dans le Vaucluse, il est pour ces deux raisons tout à fait unique. Malgré sa mécanisation et son « indispensable mise aux normes », il reste un lieu de curiosité qui attire les touristes et bien sûr les amateurs du précieux élixir. Ouvert tous les matins, toute l’année, le moulin est aussi un lieu de vente. Récompensé à de multiples reprises, dans de prestigieux concours, l’huile du moulin de Mérindol faite à partir de la variété aglandou est une huile qui tient sa réputation à son « fruité mur ».
« Plus vous attendez pour récolter plus votre rendement en huile sera meilleur »
Le moulin compte un millier de fournisseurs composés à 60% de particuliers et 40 % d’agriculteurs. Ces derniers apportant la grande majorité des olives qui sont triturées au moulin. Suivant les années à Mérindol, on triture par saison entre 150 et 350 tonnes d’olives (record établi en 2023). La saison commence à la mi-octobre pour se terminer à la mi-décembre. « Plus vous attendez pour récolter plus votre rendement en huile sera meilleur » précise Yves Boudoire. « En octobre il vous faut en moyenne 5 kg d’olives pour faire un litre d’huile si vous attendez un mois il vous faudra 4 Kg » précise-t-il. Mais il n’y a pas que le rendement qui prime, plus la saison avance plus le fruité de l’huile sera prononcé et moins l’acidité sera importante.
« Nos clients sont très fidèles à notre huile »
Le moulin dispose de sa propre oliveraie avec un milliers d’arbres, soit en moyenne une quinzaine de tonnes d’olives produits chaque année. Mais la part la plus importante des olives triturées au moulin provient des agriculteurs qui y vendent leurs productions. Le prix d’achat des olives est fixé par le moulinier en fonction du rendement en huile obtenu. Le moulin les transforme ensuite en huile et les commercialise sous sa propre marque selon plusieurs catégories : tradition, AOP Provence, Olives Maturées et BIO. C’est le moulin qui décide de la date de récolte des olives des agriculteurs. Il le fait en fonction de la maturité des olives et de la classification de l’huile. L’essentiel de la production est consommée localement. « Nos clients sont très fidèles à notre huile » reconnaît non sans une certaine fierté Yves Boudoire.
Pour les oléiculteurs professionnels ou amateurs qui souhaitent obtenir de l’huile avec leurs olives le prix du triturage est fixé au kilo. On ne tient pas compte du rendement. Pour les oléiculteurs qui ont une production supérieure à 150 kg leurs olives sont triturées spécifiquement. En dessous de 150 kg les olives apportées au moulin sont mises dans un pot commun et on repart avec une quantité d’huile correspondant au poids des olives apportés et au rendement constaté.
Cultiver ses propres olives, et pouvoir consommer sa propre huile est une pratique, et une survivance, qui remonte à l’antiquité. Elle intrigue ceux qui ne la connaissent pas mais toujours elle donne envie. Quoi de plus naturel ?