Confrontées à une baisse de leur activité et à une diminution de la taxe pour frais de chambre depuis plusieurs années, les organismes consulaires voient d’un bon œil la prochaine modification du statut des indépendants qui peut donner un nouvel élan à leur modèle économique. Yannick Mazette souhaite même construire – avec les nouveaux élus de la Chambre de métiers et de l’artisanat de région (CMAR) – un exemple d’excellence au plan national.
Le régime simple de ceux qui veulent exercer une activité, inauguré il y a plus de 20 ans sous le vocable ‘d’auto entrepreneur’, est devenu ‘la porte ouverte à toutes les fenêtres’.
Aussi, la mise en œuvre, prévue pour le début de l’année prochaine, du ‘plan indépendants’ du gouvernement suscite bien des espoirs : amélioration de la protection sociale, aide à la transmission, simplification de l’environnement juridique et un meilleur accès à la formation de ces ‘micro-entrepreneurs’.
Au delà de ces belles promesses, ce qui réjouit le plus les chambres de métiers et de l’artisanat, c’est la priorité ‘numéro un’ accordée par ce texte à « la création d’un statut unique et protecteur» pour l’entrepreneur individuel « facilitant le passage en société».
1 entreprise artisanale sur 2 en micro-entrepreneur en Paca
C’est ce dernier point qui apparaît comme essentiel à leurs yeux pour solidifier et promouvoir l’activité économique locale tout en confortant leur rôle.
Dans notre région, plus de la moitié des entreprises artisanales ont le statut de micro-entrepreneur.
Celles-ci ne contribuent qu’à hauteur de 2M€ aux recettes de la CMAR. En revanche, l’autre moitié, celle constituée en société, acquitte 17M€ au titre de la taxe pour frais de chambre : elle devrait fondre comme neige au soleil, à l’heure où 75% des nouvelles créations se font sous statut d’indépendant.
Trouver une clé pour équilibrer les finances et le rôle de cette institution consulaire qui vend des formations et représente un tiers de production de richesse dans notre région (15 Milliards) revient donc à l’ordre du jour à la faveur de l’élection de Yannick Mazette, le nouveau président de la Chambre de métiers et de l’artisanat de région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui a dévoilé ses intentions fin novembre, à Marseille.
La qualité de vie d’un territoire se reflète aussi dans la vitrine des artisans
Ce maître artisan boulanger vauclusien, féru de formation, préside un bureau profondément remanié (24 élus dont 6 de l’ancienne mandature), dirige une maison consulaire composée d’un petit millier de collaborateurs, dotée d’un budget de 80M€.
Le projet est bien de devenir « une chambre de référence » en France. Yannick Mazette veut d’abord le mettre en marche au moyen d’une communication qui va « marquer notre poids économique et s’inscrire dans une démarche de marketing territorial ».
C’est pour bientôt. Le temps de procéder à un état des lieux, à former les commissions et fixer les attributions, le point de départ est fixé au 28 mars : « nous sommes organisés – ce n’est pas un poisson d’Avril – et vos élus travaillent ». La CMAR veut agir au sein des 22 bassins de vie et d’emploi cartographiant l’activité économique régionale. C’est au sein de chacun de ces territoires que s’affiche désormais l’idée de « partir au plus près du terrain pour grandir tous ensemble ».
Il s’agira de valoriser l’artisanat, partout où il peut créer de l’emploi, et de favoriser ainsi le développement de l’économie locale. « Les Chambres de commerce et d’industrie ont fait connaître leur intention, avant nous, de devenir une sorte d’agence pour l’attractivité économique des territoires à l’échelle des établissements publics de coopération intercommunale », reconnaît Yannick Mazette.
Il faudra donc faire « chambre à part », sans remettre en cause l’utilité d’un travail consulaire en commun, mais en essayant quand même de revoir les subventions accordées au monde de l’artisanat. Il serait de bonne augure de mettre la main à la poche pour le soutenir, pour qui a un projet d’avenir : maires, établissements publics de coopération intercommunale, région.
Le sujet des subventions et de la formation restent donc ouvert à la négociation pour le nouveau président, soulignant qu’à la manière des infrastructures, de la main d’œuvre et des paysages d’une région, la qualité de vie d’un territoire se reflète aussi dans la vitrine des artisans.
« Au travers du dispositif de financement des entreprises du Conseil régional (FIER) distribuant 50M€ par an, environ 5M€ nous reviennent. Nous méritons mieux, car nous représentons 170 000 emplois directs et un tiers du PIB régional ».
Là encore, il faut tenir compte du nombre très important de micro-entrepreneurs parmi les artisans. Ils sont souvent écartés des dispositifs d’aide économique, soit parce qu’ils en sont les parents pauvres ou qu’ils n’en maîtrisent pas bien le mode d’emploi.
La formation, clé de l’offre artisanale
Organisateur de 7 campus – dont 4 dans le Var – la CMAR souffre d’un maillage territorial faible : pas d’offre de formation dans les départements regroupant 60% de la population régionale, soient les Bouches-du-Rhône et les Alpes maritimes. Elle forme tout de même 20% des apprentis du territoire régional.
Il n’y a pas d’internat partout. « Il en faudrait, cependant on a l’impression qu’ils sont en prison quand on parle de ça » objecte, en riant, une élue. Le propos n’est pas aigre, il traduit simplement le mur qui existe entre les jeunes générations et ces métiers qu’ils ne voient qu’au travers de piètres clichés.
Certes, les établissements consulaires en question sont remplis – 700 apprentis de plus ont fait leur rentrée en septembre 2021 – mais le manque de vocation et d’implication perdure, même lorsque les jeunes ont un métier en mains.
Alors que 80% sont en emploi au bout de six mois, il faudrait pouvoir en rattraper certains par la manche parce que le manque de main d’œuvre qualifiée est cruel ; tous les métiers – il y en a 250 – sont en tension. « C’est à la sortie du CAP qu’il faudrait les accompagner parce qu’ils sont encore fragiles, dans le doute, et prêts à faire autre chose » – pour ne pas dire n’importe quoi – suggère Gilles Dutto, président départemental.
Depuis 2018, la loi ‘avenir professionnel’ donne plus de liberté aux entreprises pour ouvrir leur propre CFA et les aider à enrayer la pénurie de main d’œuvre. L’automatisation des embauches y est plus facile. La prospective aussi.
Pour les artisans, c’est plus difficile. « On ne sait pas, par exemple, ce que peut devenir la réparation automobile avec l’importance du parc de véhicules électriques », explique Yannick Mazette. Pas plus qu’on ne peut prévoir si les sections pâtisserie et chocolaterie vont continuer à se remplir à la vitesse de l’éclair. « Il faut savoir où nous en sommes. Il y a beaucoup d’enjeux pour constituer un pôle de formation fort. Les jeunes – je préfère parler d’apprenants – doivent pouvoir aller au-delà du CAP qui ne suffit plus dans la plupart de nos professions qui évoluent vite. Nous devons aussi nous intéresser aux publics qui cherchent une reconversion professionnelle, en proposant des parcours adaptés et rapides ».
Le chantier ne fait que débuter. La hausse du nombre d’apprentis profite pour l’instant à tous, avec la libéralisation de l’ouverture des centres. Mais il faudra démonter, alors que « le coût de la formation est très élevé pour la société », la pertinence de l’offre et l’efficacité du modèle.
C’est en particulier sur ce sujet qui taraude Yannick Mazette, fort des 7 000 contrats signés, bon an mal an, avec les apprentis de Provence-Alpes-Côte d’Azur. A chaque fois qu’un centre en signe un, il perçoit depuis l’année dernière un financement – dit ‘coût contrat’ – couvrant ses frais, selon un barème national établi par l’Etat au travers de France compétence. « Confiance, intégrité, client, ambition, excellence » sont les mots du nouveau président pour convaincre les artisans et les tutelles qu’un projet exemplaire reste possible.