L’idée fait son petit bout de chemin depuis, notamment, que Gabriel Attal, 1er Ministre, l’a évoqué au cours d’une table ronde organisée par la Fondation Travailler Autrement en juin dernier. Il faut dire que 77% des français y seraient favorables. Egalement de nombreux accords professionnels se multiplient depuis trois ans avec, à la clef, une baisse des horaires et un maintien du salaire.
Au départ l’optique était de passer de 35 ou 39h à 32h afin d’accroitre le partage du travail –plusieurs personnes pour un même poste- corrélée à une réduction du temps de travail. Alors que dorénavant il est plus question de flexibilisation du temps de travail et d’autonomisation des salariés, procédé d’ailleurs insufflé par le télétravail en temps de confinement en 2020 pour cause de Covid-19.
Ainsi, la semaine de 4 jours
serait particulièrement utilisée dans le métier où le télétravail ne serait pas –ou moins- possible. Evidemment se pose la question de la charge de travail.
L’entreprise de BTP Acorus
C’est ainsi que l’entreprise française de BTP spécialisée dans la rénovation a proposé à ses salariés la mise en place de la semaine de 4 jours, avec une réduction du temps de travail de 39 à 35 heures par semaine, sans baisse de rémunération mais avec une augmentation de la journée de travail de 45 minutes, et la possibilité pour les salariés de choisir leur jour de repos supplémentaire.
Après un sondage favorable et une phase de tests,
Maxime Gourlet, directeur des ressources humaines, a décidé d’étendre l’expérimentation jusqu’en août 2025. Le cas de l’industrie de la construction et de la rénovation est particulier : la semaine de 4 jours y est assez commune, et la difficulté à recruter nécessite pour les entreprises d’être particulièrement attractives. De plus, 70% des employés sont ouvriers : techniciens, plombiers, électriciens… ce qui implique une impossibilité du télétravail, mais également un travail nécessitant beaucoup de temps de transport, des horaires atypiques, et un risque d’accident du travail.
Pour Maxime Gourlet, le bilan est positif
Il a en effet constaté une baisse drastique du turnover, de l’accidentologie et de l’absentéisme –avec, notamment un nombre d’absence de courte durée divisé par cinq-. Consciente cependant que les salariés sont confrontés à des journées plus longues, l’entreprise a décidé d’administrer un questionnaire sur la qualité de vie au travail deux fois par an pour s’assurer de porter une attention particulière aux risques pour la santé.
La semaine de 4 jours
Pourrait bien faire sauter des verrous. Si elle réclame de nouvelles et multiples modalités d’organisation du temps de travail, elle répond aux aspirations des salariés pour l’autonomie, la flexibilité et surtout pour un nouvel équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
L’expérimentation menée au Royaume-Uni
En 2022 l’expérimentation de la semaine de 4 jours a été menée sur une période de 6 mois, par une soixantaine d’entreprises. Notamment en réaction des professions qui ne pouvaient pas télé-travailler. Résultat ? Près de 92% des entreprises ont décidé de poursuivre cette organisation du travail.
Les avantages ?
Les plus cités évoquent : «Un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, une plus importante productivité, plus de bien-être et l’attraction des talents.»
Définir un modèle
Derrière la semaine de 4 jours se cachent une multitude de déclinaisons : compression (35h en 4 jours) ou réduction du temps de travail (32h en 4 jours), avec ou sans maintien du salaire, rotation d’équipe ou fermeture de l’entreprise sur un jour défini, mise en place hebdomadaire, mensuelle, saisonnière ou annuelle…
Définir le modèle
Par exemple, si l’entreprise LDLC est passée à 32h en 2021 pour tous ses salariés avec le maintien de salaire, la métropole de Lyon laisse les collaborateurs s’organiser comme ils le souhaitent : ils peuvent travailler 4 jours, 4 jours et demi, 5 jours dans la semaine, l’important étant qu’ils effectuent leurs 35 heures. Le restaurant La Java Bleue, quant à lui, organise un roulement de deux équipes pour rester ouvert 7 jours sur 7.
Défis juridiques et de Ressources humaines
La mise en place de la semaine de 4 jours dans l’entreprise engendre des défis juridiques et de ressources humaines, demandant une révision des contrats de travail, des compensations, des RTT (Réduction du temps de travail). Elle demande aussi une nouvelle organisation du travail et engendre des défis managériaux essentiels.
Un management à la hauteur
Pour que la semaine de 4 jours soit une réussite, il incombe au manager de prévoir l’organisation qui convient le mieux à toute son équipe, sachant qu’il peut avoir un salarié qui travaille 4 jours, un autre qui fait du télétravail, quand le troisième ne fera ni l’un ni l’autre. Cela demande une flexibilité et une confiance accrues de sa part, mais aussi un effort de tous pour atteindre les objectifs collectifs et individuels.
Il est également nécessaire de s’assurer de ne pas creuser les inégalités
entre ceux qui peuvent travailler 4 jours et ceux qui ne le peuvent pas, que ce soit parce que leur poste ne leur permet pas ou parce qu’ils ont des contraintes personnelles comme c’est notamment le cas des parents solo, des aidants, des personnes à la santé fragile.
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Réguler les situations à temps partiels
A l’inverse, lorsque l’entreprise décide d’instaurer les 32 heures payées 35, il s’agit de réguler la situation pour les salariés qui travaillaient déjà 80% du temps, avec une baisse de salaire. De même, si l’entreprise décide d’instaurer la semaine de 4 jours uniquement pour les salariés dont le poste n’est pas ‘télé-travaillable’, quid de celui qui y a accès mais refuse d’y recourir parce que les conditions de travail à son domicile ne sont pas idéales ?
Une qualité de travail optimisée ?
Par ailleurs, dans le cas de la semaine de 4 jours avec baisse du temps de travail et maintien de salaire, le coût du travail augmente nécessairement de 20%. Il faut donc compenser cette dépense réelle de l’entreprise par une augmentation de la productivité, une amélioration des relations clients et fournisseurs, et une qualité du travail optimisée.
Travailler moins pour travailler mieux ?
Des études démontrent que le jour de repos supplémentaire peut contribuer à réduire l’absentéisme au travail, prévenir les cas de burn-out, et renforcer la capacité de concentration des salariés. Par ailleurs, certaines entreprises notent une hausse de la productivité de leurs salariés grâce à ce modèle qui, au-delà du bien-être au travail, favorise l’engagement à l’entreprise et à son poste, et donc à l’envie décuplée de bien faire son travail.
Pour les travailleurs exerçant des métiers physiques ou pénibles,
une compression du temps de travail pourrait engendrer une fatigue accrue au fil de la journée, augmentant les risques d’accidents ou nuisant à leur productivité dans leurs tâches, notamment en fin de journée. Si l’entreprise veut mettre en place la semaine de quatre jours, il faudra qu’elle soit vigilante aux spécificités des métiers concernés et des risques qui les accompagnent, pour éviter tout effet contre-productif de la mesure. Par ailleurs, parvenir à faire en quatre jours ce qui était auparavant réalisé en cinq est un vrai défi d’organisation.
Un concept usuel demain ?
Pour Damien Richards, chercheur en gestion des ressources humaines à l’Inseec Grande École. Il faut en tout cas s’y préparer : il est légitime d’être sceptique quant à sa mise en place, qui nécessitera de se réadapter, mais ne pas l’expérimenter comporte le risque de perdre en attractivité face à la concurrence.
Sources Fondation Travailler Autrement
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