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Soroptimist International d’Avignon, après la projection du film ‘Julie se tait’, un débat riche d’informations et de conseils

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Que faire devant la détresse d’un enfant, d’un adolescent qui vit le harcèlement, l’emprise, et peut-être pire ? C’est la question que pose l’excellent et taiseux film ‘Julie se tait’ de Van Dijl passé en avant-première au Cinéma Le Vox, place de l’Horloge à Avignon, pour une soirée organisée par les Soroptimist International Avignon. Pour débattre du sujet posé jeudi 28 novembre, deux grands témoins : Karine Malaval et Alexandre Chanéac qui ont séduit le public, une cinquantaine de personnes, par leurs propos authentiques et sincères tout en relatant, très concrètement, expérience et pistes d’intervention.

Aux manettes de cette soirée ?
Les Soroptimist international d’Avignon, association présidée par Brigitte Nicolle et emmenée dans l’aventure d’un débat éclairant par Michèle Michelotte, en charge de l’organisation et de l’animation de la soirée.

Pour expliquer ce qui se passe sur le terrain ?
Deux grands témoins : Karine Malaval enseignante en philosophie, culture générale et référente égalité filles-garçons au Lycée Philippe de Girard à Avignon et Alexandre Chanéac, Chargé de mission prévention Paca Corse pour l’association Le Colosse aux pieds d’argile, Manager des U23 du rugby club Châteaurenard. Tous deux évoquant le harcèlement en milieu scolaire et dans le sport.

Alexandre Chanéac, Michèle Michelotte et Karine Malaval Copyright MMH

«Le harcèlement
C’est une tactique, un mode de persécution répétitif conçu pour démoraliser, affaiblir psychologiquement la victime, dans un but de domination, pouvant provoquer des traumatismes très importants, pouvant conduire au suicide,» a défini Michèle Michelotte, plantant le décor d’un sujet délicat à traiter.

« Ses manifestations
peuvent recouvrer différentes formes comme l’effet de meute face à une personne désignée comme le bouc émissaire, en classe, dans un lieu de travail, dans le couple ou au sein de la famille, avec des actions visant à rabaisser cette personne et revêtant une forme de sadisme, ce qui génère des comportements ‘ultras’. A noter que le harceleur a pu être l’objet, auparavant, de harcèlement,» a détaillé Michèle Michelotte, membre des Soroptimist.

Karine Malaval Copyright MMH


Des actes difficilement repérés par l’Education nationale
«La définition de harcèlement scolaire n’est apparue en Europe que dans les années 1970 grâce à l’observation d’un professeur norvégien en psychiatrie, développait Karine Malaval. Ce sont des actions verbales, morales ou physiques. Une notion reprise par l’Education nationale en 2015 sous la pression de parents d’élèves dont les enfants s’étaient suicidés. Une journée internationale de lutte contre le harcèlement a d’ailleurs été créée le 7 novembre, matérialisée par le port d’un petit ruban vert.»

Le programme Phare
«En 2021 est apparu le programme Phare de lutte contre le harcèlement à l’école, reprend la professeure. Un questionnaire a été donné aux enfants. Sur 5,650 millions d’enfants, 17 000 questionnaires ont été exploitables ce qui est peu. Les premiers enseignements de ces études ? Environ 4 jeunes par classe seraient harcelés. Près de 40% des élèves disent avoir assisté à des scènes de harcèlement, ce qui est énorme. Les pics de ces phénomènes ? Ils se matérialiseraient en 5e et 4e. En moyenne, deux enfants se suicident, par mois, suite à des faits de  harcèlement. C’est énorme mais ces chiffres là ne sont pas connus. D’après l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), Il y a des pays où il fait mieux vivre que d’autres. C’est dans les pays scandinaves que le harcèlement est moindre. Peut-être parce qu’il est pris en compte beaucoup plus tôt. Les pire pays ? La Grèce et la Turquie où sont notamment évoqués le harcèlement lié à l’orientation sexuelle des jeunes. La France se situe un peu au milieu de tout cela. La solution ? Intervenir au plus tôt d’une situation de harcèlement, dès la plus petite insulte.»

Michèle Michelotte Copyright MMH


L’attitude d’un enfant harcelé ?
«Il se renferme, physiquement et moralement, observe la professeure. Il se tait et peut même souffrir de phobie scolaire. Un matin, il se lève et ne peut pas affronter l’école. Pas parce qu’il a de mauvais résultats, c’est même souvent l’inverse, parce qu’il réussit trop bien et cela ne plaît pas au groupe. Physiquement, cela peut se traduire par des enfants qui vont arrêter de grandir, comme s’ils voulaient se mettre en retrait, s’effacer, être le plus discrets possible, un peu disparaître.»

Harcèlement scolaire et cyber harcèlement
«Le harcèlement scolaire et le cyber harcèlement sont de plus en plus liés. Avant, le harcèlement était un peu mis à l’écart lorsque l’élève rentrait chez lui. Aujourd’hui, le harcèlement scolaire ne s’arrête jamais. L’enfant harcelé n’a plus aucun répit. Il rentre chez lui, avec lui. Les enquêtes de police mettent en évidence des provocations anonymes en ligne du type : ‘va te pendre’, ‘jette toi par la fenêtre’… »

Salope !
«Les enfants, les jeunes, ont-ils conscience de ce qu’ils font ? Interroge Michèle Michelotte. C’est justement le problème, c’est ce qu’on appelle la banalisation de l’insulte, répond Karine Malaval. Le terme qui revient le plus dans le cyber harcèlement ? ‘Salope’. Les femmes sont les plus harcelées. Pourquoi ? On considère que les garçons sont plus sur du harcèlement physique comme des bagarres, alors que chez les filles, nous sommes plus dans ‘le moral’. Cela renvoie à leur corps et à leur sécurité. Le cyber harcèlement concernerait plus particulièrement les 15-24 ans.»

Le Cesce
(Ndlr) Le Comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement (Cesce) est une instance de réflexion, notamment pour améliorer le climat scolaire, accompagner les parents dans les actions de prévention. Il y est fait mention de ‘violence des jeunes’ de ‘cyberviolences’ et de la prévention des ‘phénomènes de harcèlement’ entre élèves, de ‘cybersexisme’ chez les adolescents (12-15 ans).   

Le problème ?
«Le Cesce repose sur le volontariat et le bénévolat –ou presque 60€ mensuels sur 8 mois sont consentis au référent Cesce- et peut-être être pris en charge par un professeur, un conseiller principal d’éducation-, une infirmière scolaire –qui sont hélas complètement débordées-, détaille Karine Malaval. Clairement ? Il devrait y avoir un référent phare dans chaque établissement, or, ils n’y sont pas. Pourquoi ? Parce qu’ils se retrouvent éventuellement responsables pénalement. Si vous n’avez pas détecté le harcèlement et que l’enfant se suicide, vous imaginez ce que cela veut dire ? Donc on le fait de façon informelle et l’on essaie de mettre en place des actions dans chaque établissement.»

Les ambassadeurs
«Depuis un an, des élèves peuvent se porter volontaires pour devenir référents  ‘Ambassadeurs harcèlement’. Une façon pour les jeunes d’aller plus facilement vers leurs pairs qu’un adulte. Des écoles, dans Avignon, ont également mis en place des ‘boîtes aux lettres papillons’, où les enfants peuvent glisser des petits mots qui peuvent débloquer des situations. Nous sensibilisons aussi les témoins au fait que de ne rien dire fait d’eux des participants au harcèlement. Enfin, de plus en plus d’établissements ont créé des casiers afin que les téléphones ne soient plus présents durant le temps scolaire. C’est une bonne idée parce que cela créé un espace sans téléphone et permet donc de lier d’autres contacts.»

Alexandre Chanéac Copyright MMH

Alexandre Chanéac
Alexandre Chanéac est intervenant régional Paca Corse  pour l’association Le Colosse aux pieds d’argile et entraineur senior BCI XV, Fédérale 3 à l’Isle-sur-la-Sorgue et manager U23 au Club de Châteaurenard. Reconnue d’utilité publique, l’association Colosse aux pieds d’argile lutte contre les violences sexuelles, le harcèlement et le bizutage en milieu sportif mais aussi dans les champs de la jeunesse et du scolaire.
«Il est important de sensibiliser les encadrants, les professeurs, les éducateurs sportifs, les parents reprend Alexandre Chanéac. D’aborder le corps. De dire aux enfants que leur corps leur appartient, qu’il est à eux. Que personne ne peut le toucher s’ils ne sont pas d’accord. Et lorsqu’ils avancent en âge, de parler du consentement.»

Quelle conscience ?
«Normalement, les enfants ne peuvent pas créer un compte sur les réseaux sociaux avant 13 ans, avance Alexandre Chanéac. Or, la plupart à 11 ans, c’est-à-dire en 6e, détiennent plusieurs comptes sur les réseaux. En CM1, CM2 vous seriez surpris de savoir combien d’enfants possèdent des comptes Snapchat, Instagram ou Tik Tok. Le danger ? Aucun d’entre-eux ne pense que Snapchat enregistre toutes ses conversations, photos et vidéos parce qu’elles disparaissent, or, c’est bien le cas, tout est enregistré et conservé, et ces conversations et images peuvent être utilisées par n’importe qui, n’importe comment, et resurgir, là aussi, n’importe quand. Les enfants n’en n’ont aucune conscience. Surtout ils ne connaissent pas le poids des mots, ni leur importance. Un exemple ? Une jeune-fille, dans les Bouches-du-Rhône s’est défenestrée parce que des élèves de sa classe lui ont dit ‘de toute façon tu es nulle, saute !’ Et c’est ce qu’elle a fait. Mais est-ce que ceux -qui font partie de son ancien établissement scolaire- connaissent vraiment la portée de leurs écrits ? Va-t-on les rencontrer pour le leur dire ?»

Tous harceleurs en puissance
«Je nous renvoie à nos années de collège, de lycée… On a tous été méchants, à un moment donné. Pas cool avec une personne, ou suivi d’autres qui ne l’étaient pas avec une ou d’autres personnes. « La guerre des boutons retranscrit d’ailleurs le harcèlement scolaire», intervient Karine Malaval. « On a tous, peut-être, été harcelés et peut-être avons-nous harcelé ? interroge Alexandre Chanéac, parce que pour une fois nous n’étions pas le bouc émissaire. Si vous êtes petit, un peu timide et que vous n’êtes pas, pour une fois, visé, c’est vous qui vous intègrerez au groupe pour ne pas être visé. Cela a toujours existé et à toutes les époques.»

Le problème ?
«Aujourd’hui le harcèlement ne s’arrête plus à l’école. Désormais il faut sensibiliser les enfants, particulièrement lorsqu’on les dote d’un téléphone portable en les prévenant des dangers des réseaux sociaux. Egalement les enfants ont des téléphones de plus en plus tôt -8 à 10 ans- parce que la grande sœur ou le grand frère l’ont déjà. Enfin les enfants ne seraient pas harceleurs si les parents ne l’étaient pas eux-mêmes. la valeur de l’exemple est donc essentielle et la prise de conscience des effets de nos actes sur les autres, primordiale.»

Des pistes
Les numéros utiles ici. Le numéro de téléphone gratuit 3020 est destiné aux victimes de harcèlement en milieu scolaire. Le 3018 aux victimes de cyber harcèlement. Le 119 pour signaler un enfant disparu ou maltraité. Le mouvement du nid, concerne, entre-autres, les personnes mineures prostituées et travaille sur le consentement. L’association Dunes fait de la médiation sociale et prévient les incivilités aux abords des établissements scolaires.

Brigitte Nicolle, Présidente des Soroptimist International Avignon Copyright MMH
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