Avignon. Le parvis du Palais des papes grouillait de monde hier soir. Exactement ? 650 personnes ont répondu à l’appel du courage. En tête d’affiche ? Jean-Louis Etienne médecin explorateur ; Cynthia Fleury philosophe et psychanalyste et Jean Moreau Président-Fondateur de Phénix, entreprise anti-gaspi alimentaire. Le premier événement de l’après masque a enthousiasmé le monde économique ! 360 entrepreneurs avaient, auparavant, assisté aux ateliers de réflexion et de partage d’expérience dans l’après-midi à l’espace Jeanne Laurent. Le 1er mars ‘la vie d’après’ a repris ses droits.
Ils étaient trois à évoquer le courage auprès des 25 réseaux de chefs d’entreprise. Aux manettes ? Le Réseau Entreprendre Rhône-Durance autour de sa présidente Marie-Laure Baron, flanquée de sa garde rapprochée Brigitte Borel la directrice, Carole Leleu chargée de mission et les 12 membres du Copil (Comité de pilotage). La conférence ? Elle était animée par Marie-Laure Baron (Institut des langues) et Jérémy Mutchler (Signarama), membre du réseau. La soirée fut rondement menée à tel point que personne n’aura vu défiler l’heure.
Un mal pour un bien
«On a travaillé pendant 8 mois avant que le Covid-19 nous arrête en plein vol puisque cet événement devait avoir lieu le 10 mars 2020, se remémore Marie-Laure Baron. Nous avons dû tout recommencer et travailler autant de mois pour relancer la manifestation. Ce qui est extraordinaire ? Les trois orateurs, durant ces deux ans, ont développé leur aura, intervenant partout et sur de nombreux sujets. L’intérêt de les rencontrer et de les entendre a donc cru au regard de ces années troubles. La thématique du courage était encore plus d’actualité.»
Trois personnalités, trois générations, trois visions
«Les conférenciers ont une vision de l’entreprise et de l’implication de l’homme dans la Cité complètement différente et complémentaire. Il nous fallait des hommes et femme qui nous éloignent de notre quotidien, qui posent le débat et qui nous permettent pour notre culture, notre enrichissement personnel, de prendre de la hauteur.» Côté budget ? L’événement se monte à 100 000€ avec un déficit prévu entre 10 000 et 12 000€.
C’est quoi le courage ?
Jean-Louis Etienne
Ses phrases sont courtes et percutantes. Il est le moins disert et ses mots sont presque comptés. Du haut de ses 74 ans il est humilité. Sa voix est chaude, son regard bienveillant, il a conservé son corps d’athlète et révèlera le destin d’un petit fils et fils de modestes tailleurs.
Pour l’entrepreneur d’expéditions lointaines, comme il se définit lui-même
Le courage «C’est surtout l’énergie d’avancer, d’engager son imagination, un désir profond, de l’audace pour aller au-delà de la certitude, c’est aussi résister à la tentation de l’abandon, trouver la force d’affronter, de casser les moments difficiles qui jalonnent le chemin. C’est aussi un passage à l’acte de tous les jours. C’est accepter de changer d’avis, d’abandonner l’acquis et trouver un attrait à la construction de soi.»
Et puis il faut sortir ses antennes
«Être prêt à recevoir ce qui peut enrichir son projet via des rencontres au hasard ‘très organisé’ de la vie, saisir les opportunités tout en n’en n’attendant pas de validations fermes et préserver la voie perçue en rêve.»
Un projet exceptionnel
L’explorateur ne sait pas pourquoi il a tant affronté le froid mais il sait ce qu’il veut : Après 40 ans d’expéditions, s’immerger dans les 50 rugissants –l’endroit de la terre qui concentre le plus de CO2-, dans un navire fuselé et vertical de 100m de hauteur, ancré dans les eaux profondes à plus de 80m, pesant 1 000 tonnes et doté d’un moteur silencieux (via une éolienne). Il dérivera comme un bouchon sous la mer pour mesurer les échanges de CO2, enregistrer et inventorier la faune au moyen de l’acoustique. La mise au point de cette expérience aura pris 12 ans de sa vie. Il sourit et lache : ‘Je suis le boss’.
En bref ?
Il laissera fuser cette phrase tout bas : « Le courage est comme la marée, c’est résister à la tentation de tout abandonner et découvrir les ressources que l’on a en soi mais que l’on ignore.»
Le courage
Pour Jean Moreau
Jean Moreau est le chef d’entreprise né dans l’univers du digital, celui qui, promis à un avenir radieux dans la fusion-acquisition d’une belle banque américaine, a tout plaqué à 20 ans, abandonnant un confort de vie pour partir de zéro, à une période charnière, l’année de son mariage et créer une entreprise -Phenix- pas comme les autres pour lutter contre le gaspillage alimentaire.
Se connecter les uns aux autres
Comment ? « En connectant ceux qui ont trop : magasins, industriels à ceux qui n’ont pas assez comme les associations et les banques alimentaires. Le courage ? Il a consisté à s’extraire de cette prison dorée même si l’on a contracté des emprunts immobiliers pour créer une boîte où l’on n’a aucune connaissance, ni dans la distribution ni dans l’alimentaire et aucun réseau. C’est là qu’un regard neuf peut fonctionner.»
Construire sa propre prophétie
Il est le chef d’entreprise qui, avec sa pensée rapide et un discours aussi direct que rompu, est lui aussi entré en proximité avec l’assemblée constituée en grande partie de jeunes quadras. Son franc parler, son goût pour une audace raisonnée, sa confrontation quotidienne à l’ascenseur émotionnel ont conquis les réseaux de dirigeants présents.
Prendre des risques
«Le courage c’est faire preuve de résilience, prendre des risques, c’est la volonté d’un parcours, parfois d’une trajectoire atypique, écouter son instinct qui indique un autre chemin, c’est laisser la place à l’étincelle, comme construire sa propre prophétie, nourrir sa confiance en soi, c’est aussi la méthode Couée et s’apercevoir que le courage est contagieux.»
Et aussi ?
«Encaisser, chaque jour, l’ascenseur émotionnel avec les bonnes nouvelles même si les mauvaises sont tues et gardées pour soi. Son guide, sa boussole interne ? L’intérêt général et aussi la persévérance qui n’est pas de l’entêtement, même si la frontière entre les deux est ténue, difficile à cerner et propice au questionnement : Faut-il donner un coup de collier et où faut-il s’arrêter ? C’est aussi le courage d’être pionnier, offrir un nouveau modèle à celui, obsolète, qui s’essouffle, ouvrir les portes pour essuyer les plâtres.»
Son actu ?
«Phenix compte 200 salariés. Il est temps, désormais, de porter le combat de la précarité alimentaire au niveau Européen, sortir de la logique des déchets pour que la seconde vie, la seconde main, devienne la norme, notamment avec Le mouvement impact France. » -Impact : Ensemble changeons l’économie, un réseau d’entrepreneurs et dirigeants qui mettent l’impact écologique et social au de leur entreprise-.
En bref
Jean Moreau, tout comme Jean-Louis Etienne, a su trouver sa place dans la conférence, avec le talent de livrer simplement et sincèrement son cheminement, évoquer ses écueils et le chemin parcouru. L’intérêt général qui le porte s’achemine hors des frontières de l’hexagone pour diffuser ce nouveau paradigme vers l’Europe. Mission ? Militer, certes mais surtout proposer une économie et une société plus partageuse et donc plus juste déjà modélisée en France.
Le courage
Pour Cynthia Fleury
Cynthia Fleury a été la modératrice qui ouvre le chemin, indique la progression du courage dans le temps et l’espace. Elle a évoqué le phénomène de balancier pour atteindre l’équilibre ; poser les pôles nécessaires de l’homme et de la femme ; mettre les mots justes sur les ressentis et la progression de la conscience ; le sujet singulier s’effaçant face nombre, travaillant à la marge ; transformant la société pour la faire progresser, en conscience.
Le courage dans le temps et l’espace
«Le courage connaît, aux temps antiques, une approche viriliste, une force physique et morale tendant vers l’héroïsme, pour, ensuite se féminiser, tendre vers la tempérance, un équilibre, une voie vers l’intelligence du contexte. C’est aussi préférer la résilience –capacité à surmonter les chocs traumatiques- au pouvoir. Le courage c’est transformer les choses, un outil de régulation, d’organisation qui amène à une éthique collective, à un écosystème.»
Il n’est pas inné
«C’est une valeur, une transmission, un milieu, ce que l’on a reçu des autres comme la confiance en soi et dans le monde. Il y a également un contexte pour activer le courage, un désir de persévérer, un parcours social. Aller de la peur au courage c’est aller de la conscience à la tempérance – modération-. C’est la confiance en soi et dans le monde. Il y a un contexte pour activer le courage, un désir de persévérer, un parcours social. Il y a une tradition, une expérience de la solitude face au nombre, un seuil inaugural de la décision, un courage international de la vie, une conscientisation, une autonomie.»
La conscience des ambivalences
«Plus l’on est aux confins du découragement plus on sera près du courage, prévient la philosophe et analyste. On ne sait pas quand on est courageux mais l’on sait quand on est lâche. Le courage c’est mener des batailles, se protéger soi, ne pas renoncer à ses cohérences, ne pas y laisser sa santé physique et mentale, ne pas s’écarteler, ne pas céder sur ses valeurs, à l’inconfort, à l’incertitude. C’est un moment de reconfiguration des rôles ; un moment d’accélération, le bon moment, un effet de synchronicité après l’incertitude et la sidération. C’est faire face à des ressources affectives, matérielles en présence dans les moments difficiles.»
2022 ?
«2022 est l’année de la conscientisation collective sociale et écologique alors que l’événement pandémique avait été révélé en 1972. Il était référencé, annoncé depuis 50 ans ! Ce qui était théorique est devenu action et a impacté nos vies.»
En bref
Cynthia Fleury est l’auteur de ‘Le soin est humanisme’. « Quand la civilisation n’est pas soin, elle n’est rien. » Paru chez Gallimard, collection tracts, 2019. Elle conduit à une réflexion sur l’hôpital comme institution, sur les pratiques du monde soignant et sur les espaces de formation et d’échanges qui y sont liés, où les humanités doivent prendre racine et promouvoir une vie sociale et politique fondée sur l’attention créatrice de chacun à chacun.
Autres articles sur ce sujet :
“Réseau Entreprendre, Cultive ta boîte, C’est quoi le courage ?“,
“‘Cultive ta boîte’, 700 personnes attendues au Palais des Papes sur le Courage“,
“AG Réseau Entreprendre Rhône-Durance : Tout ce que les 140 chefs d’entreprise ont élaboré en 2020 !“
et “Réseau Entreprendre Rhône-Durance : plus d’entrepreneurs pour plus d’emplois“.
Grâce à eux
Les membres du Copil -Comité de pilotage- qui ont organisé ‘Cultive ta boîte’, le débat sur le Courage.
Marie-Laure | BARON | RH PERFORMANCES | Cheffe d’entreprise |
Laurence | CASTELAIN | CHOCOLATERIE CASTELAIN | Directrice développement commercial et marketing |
Véronique | CONSTANTIN | CIT FORMATION | Cheffe d’entreprise |
Laurent | DANSET | ALIZE BATIMENT | Chef d’entreprise |
Elisa | GRANCHER | HORAO | Cheffe d’entreprise ; co-fondatrice |
Yves | LESCONNEC | CIC | Directeur Vaucluse entreprises CIC |
François | LLADO | TALAYA | Chef d’entreprise |
Marc-André | MERCIER | ARROW MANAGEMENT | Chef d’entreprise ; co-fondateur |
Jean-Marc | MIELLE | LYCEE AUBANEL | Responsable de l’enseignement supérieur classique et en alternance |
Emmanuel | SERTAIN | SHOOT THE MOON | Chef d’entreprise |
Brigitte | BOREL | RESEAU ENTREPRENDRE Rhône-Durance | Directrice |
Jérémy | CHABERT | RESEAU ENTREPRENDRE Rhône-Durance | Chargé de mission en alternance |
Carole | LELEU | RESEAU ENTREPRENDRE Rhône-Durance | Chargée de mission |