Philippe Taboulet, ancien expert-comptable, œuvre pour Cédants et repreneurs d’affaires (CRA). L’association encadre, conseille, mettant en relation les cédants de PME et ceux qui sont intéressés et susceptibles de reprendre leur entreprise, chaque partie étant accompagnée dans sa démarche. La grande surprise ? Le CRA ne perçoit ni honoraires ni commissions sur les transmissions réalisées directement ou indirectement par son intermédiaire. Bienvenue dans l’expérience du repreneuriat.
Un réseau national
Il s’agit d’un réseau national de 240 professionnels qui accompagne les chefs d’entreprise dans plus de 800 cessions annuelles. Les membres du CRA sont des experts en transmission d’entreprise, tels qu’avocats, notaires, experts-comptables, banquiers, chefs d’entreprise et consultants.
Un accompagnement protéiforme et personnalisé
Les chefs d’entreprise bénéficient d’un accompagnement personnalisé, depuis la phase de diagnostic jusqu’à la cession ou la reprise. Tout au long du projet, les membres du CRA apportent leur expertise dans différents domaines : valorisation de l’entreprise, négociation des termes de la transaction, rédaction des contrats ou encore le financement de l’opération.
Des événements pour se rencontrer
Le CRA organise également des événements de mise en relation entre les cédants et les repreneurs potentiels, tels que des forums de la transmission d’entreprise. Ces événements permettent aux chefs d’entreprise de rencontrer des professionnels de la transmission d’entreprise, d’échanger sur leur projet et de découvrir des opportunités de cession ou de reprise d’entreprise.
A y regarder de plus près
Pour adhérer au CRA et pouvoir bénéficier de l’ensemble des services que l’on soit cédant ou repreneur, il est nécessaire de se prêter à un entretien préalable d’environ une heure avec un délégué, afin de s’assurer de la maturité et de l’adéquation de son projet avec les possibilités d’intervention du CRA.
Le CRA
Plus de 240 délégués sont ainsi répartis sur plus de 70 délégations couvrant l’essentiel des bassins d’emplois de la France métropolitaine. Ce sont des bénévoles, anciens patrons d’affaires ou dirigeants salariés, anciens professionnels de la transmission, banquiers ou experts comptables.
L’interview
«L’association s’est constituée il y a un peu plus de 35 ans et est très souvent accueillie par les Chambres de commerce, comme ici à Avignon, et, bien sûr, à Arles, entame Philippe Taboulet, ancien expert-comptable et délégué CRA. Notre délégation est ancrée sur le Vaucluse, le nord Bouches-du-Rhône et une partie du Gard. Étant structure associative, nous n’avons pas de vocation lucrative. Nous sommes d’anciens experts comptables, avocats, notaires, banquier, pour certains anciens chefs d’entreprise qui, parfois, ont acheté avec le CRA une Pme (petite et moyenne entreprise) qu’ils vendent 10 ans après, par notre intermédiaire.»
Ce que nous ne faisons pas ?
«Nous ne faisons pas de fonds de commerce, ni d’immobilier. Nous ne travaillons que sur la Pme, comprenant de 5 à 40 salariés, ce qui est un petit échelon au niveau des territoires, pour lesquels les vendeurs sont souvent vieillissant, ils ont entre 55-65 ans. Ils ne savent pas très bien comment faire, nourrissent peut-être des illusions sur la valeur de leur entreprise, n’osent pas trop en parler à leur conjoint, à leurs banques, à leur expert-comptable.»
En face ?
«Nous avons deux types distincts de repreneurs : des entreprises d’ici ou d’ailleurs qui veulent faire de la croissance externe, en conjuguant volume et complémentarité d’activités et puis la seconde catégorie, plus originale, constituée de cadres supérieurs de 50 ans, managers de grands groupes, tels que Total, Unilever, à qui l’on propose un plan de sortie assorti d’une prime non imposable de 200, à 400 000€, voire plus. Ils ont des compétences sectorielles, métier, de l’expérience, un carnet d’adresses, du relationnel et s’interrogent sur la reprise d’une entreprise, dans un secteur géographique de prédilection – il y a un vrai mouvement entre Paris, la région parisienne et le Sud-. Ces cadres vont alors se renseigner sur les entreprises à vendre, les activités compatibles avec les leurs.»
Parlons argent
«Le niveau moyen de cession d’une entreprise tourne autour de 800 000€, si vous apportez entre 150 et 200 000€, vous allez voir votre banquier pour qu’il vous prête 600 000€ sur 7 ans. Il vous faudra, alors, dégager la capacité de financement pour monter puis développer le business, puis le revendre. Rien de compliqué si vous êtes dans votre domaine de compétence.»
De son côté
«De son côté, le CRA entre alors en course, faisant son ‘Mercato’ (marché de transferts) assorti de sa politique d’achat. Son objectif ? Trouver la bonne personne en face de demandes hétéroclites en termes géographiques, sectoriels, de compétences et d’âge. Notre rôle ? Faire se rapprocher les gens. La difficulté ? Nous ne sommes pas les opérationnels de la transaction, je ne vais pas faire l’audit d’acquisition, je ne vais pas rédiger La lettre d’intention pour racheter l’entreprise. Nous sommes des accompagnateurs qui allons essayer de faire se rencontrer cédants et acheteurs, souvent au moyen d’ingénierie d’idées, pour que toutes les parties se disent que le deal est correct. On parle transparence, empathie, personnes qui doivent à un moment, échanger, se parler, puis transmettre le flambeau.»
La difficulté 2023 ?
«Les métiers se transforment et les affaires qui peuvent paraitre intéressantes et sont généreusement valorisées actuellement, n’existeront plus demain. Des exemples ? Les piscines sont actuellement et depuis des décennies une affaire florissante mais qu’en sera-t-il dans 7 ans ? De même pour les stations de lavage de voitures, même si l’eau se recycle. Qu’en sera-t-il pour les avions d’affaires ? Voyagerons-nous dans les mêmes conditions demain ? La question de la Responsabilité Sociale et Environnementale des entreprises (RSE), de l’énergie, de l’eau deviennent sujet d’interpellation, or, lorsque vous achetez une affaire, c’est le coup d’après que vous jouez : le coût de revente de l’entreprise.»
Etat d’esprit
«La difficulté ? Le vendeur se dit que l’entreprise va perdurer comme cela a été le cas, par le passé, tandis que l’acheteur se penche sur une analyse de risque de plus en plus sophistiquée. Ces sujets sont tous nouveaux, et pourtant c’est ce qui sera au centre de la discussion.»
Le plus important ?
«La pérennité des affaires parce que c’est toute la question du partage des richesses. Il faut développer, alimenter, construire, attirer sur le territoire, et l’ingéniosité des jeunes est telle que tout est possible en termes de business et de renouveau. Les entreprises sur le Vaucluse ? Elles sont plutôt traditionnelles, avec beaucoup d’entreprises du bâtiment, de services, un peu d’industries spécialisées. Les banquiers –tétanisés- ne financent plus le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. Pourquoi ? Parce qu’ils considèrent les affaires très fragiles.»
Le pricing power
«C’est la capacité d’une entreprise à répercuter sur les clients les augmentations de prix qu’elle subit. Un exemple ? La maison Hermès qui organise la pénurie de carrés et de pochettes pour vendre moins, mais à un prix que les clients ne discutent pas et qui achètent, quel que soit le prix. Moralité ? Il y a des niveaux de dépense que les gens ne regardent pas.»
Les cessions
«Les entreprises que nous visons sont toutes pérennes pour plusieurs raisons : si elles se vendent c’est qu’elles ont intrinsèquement une valeur économique. Ceux qui les reprennent sont des professionnels du métier. Si le Covid a touché certains acteurs, ça n’est pas le cas de tous. Les laboratoires d’analyses biologiques ont engrangé des sommes colossales. Les ventes d’ordinateurs se sont envolées lors du télétravail. Il y a des facteurs qui portent ou plombent les business.»
Les taux bancaires
«L’autre difficulté de 2023 est la remontée des taux d’intérêt qui interpelle les business plan. Quand nous étions proches de zéro –en taux d’intérêt-, finalement l’affaire ne coûtait rien. Il n’y avait que le remboursement du capital. Désormais il y a plus d’intérêts, de capital à rembourser avec un banquier qui émet plusieurs conditions. Tout cela bouscule davantage les reprises de sociétés. Finalement notre rôle est de faire ‘atterrir’ les gens. Il ne faut pas faire preuve de naïveté sur la valeur de l’entreprise.»
Success story
«L’année dernière j’ai vendu une entreprise de chaudronnerie à un jeune couple d’ingénieurs. Le cédant avait dépassé la soixantaine, et la cédait, après l’avoir ‘ouverte’ 25 ans auparavant. Il fallait trouver un espace de discussion avec une ancienne et une nouvelle génération. A un moment, l’échelle de pratiques, de raisonnement, de modélisation n’a plus rien à voir avec ce que le chef d’entreprise a vécu.»
Comment recruter ?
«Je travaille sur un peu moins d’une dizaine de cessions et reprises d’entreprises par an. J’accompagne les personnes à leur demande entre 12 et 24 mois. Les personnes intéressées proviennent du site du CRA duquel nous recevons des mails tous les jours et de prescripteurs tels que des banquiers, des experts-comptables, des fédérations d’entreprises.»
La différence entre le CRA et les cabinets de transmission d’entreprise ?
«Le CRA prendra aux environs de 1 500 à 3 000€ d’adhésion annuelle pour un cédant et de 600€ à 1 000€ pour un repreneur. Nous ne sommes pas payés, juste défrayés pour les kilomètres parcourus. J’offre deux jours par semaine de mon temps et un suivi méticuleux des dossiers. Les cabinets spécialisés prendront, eux, un pourcentage du prix d’achat de l’entreprise. N’étant pas intéressés à un chiffre d’affaires, nous disons ce que nous pensons et voulons être justes dans nos affirmations. Nous disposons d’un site national ce qui nous permet de recruter beaucoup de cédants et repreneurs, sur la France entière, dont de nombreux parisiens attirés par le Sud. Faire appel à une association nationale est donc un atout. Quant aux entreprises d’importance elles sont traitées par des fonds financiers.»
Les infos pratiques
Philippe Taboulet. Délégation Arles & Avignon. 06 60 66 52 34
philippe.taboulet@cra-asso.org
cra.arles@cra-asso.org
CRA a des bureaux dans les Chambres de commerce et d’industrie d’Arles et Avignon.