Mutualité Française, Marc Devouge, Secrétaire général de Mutualité Française Sud tire la sonnette d’alarme : l’inégalité de l’accès aux soins se creuse. Il préconise le regroupement de personnels de santé pour mailler efficacement le territoire, améliorer la prise en charge du patient et réclame le transfert de compétence de la prévention de la santé à la Région.
« La crise sanitaire engendrée par la Covid-19 a mis en évidence l’inégalité d’accès aux soins des Vauclusiens », souligne Marc Devouge, Secrétaire général de la Mutualité française Sud et président de la délégation départementale Vaucluse. En cause ? Le nombre de médecins atteints par l’âge de la retraite face à une population vieillissante touchée par des maladies chroniques. La solution ? Le regroupement de professionnel de santé pour une approche globale de celle-ci ; la promotion de la médecine préventive et le choix des personnes âgées à rester chez elles avec un accompagnement dans leur lieu de vie où d’être prises en charge en Ehpad (Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes).
Etude à l’appui
La Mutualité française partage les résultats de l’étude annuelle issue de l’Observatoire de la Santé. «La crise sanitaire exceptionnelle que nous traversons entraîne une prise de conscience accrue des problématiques de santé. Dans ce contexte, l’étude annuelle de l’Observatoire de la Mutualité Française rappelle et souligne que l’accès aux soins reste une problématique majeure,» souligne Marc Devouge.
En manque de médecins
«Au-delà de la Covid, les Vauclusiens éprouvent le besoin de consulter pour toutes les autres formes de pathologies, or, l’étude de l’Observatoire de la Santé 2020 montre que la demande de soins est en constante augmentation en raison de deux principaux facteurs : l’accroissement et le vieillissement de la population et le développement de pathologies chroniques. Une situation qui, dans les années à venir, accentuera les inégalités d’accès aux soins en raison notamment de la disparité de la densité des professionnels de santé sur le territoire.»
Anticiper les besoins
«Le Vaucluse avec 154 médecins généralistes pour 100 000 habitants est proche de la moyenne nationale de 152 pour 100 000 habitants. Si globalement en France, 7,4 millions de personnes, soit 11% de la population, résident dans une commune où l’accès à des médecins généralistes est limité, cette inégalité est moins représentative dans le Vaucluse, car 5% seulement de la population réside en zone sous-dense en médecins généralistes. Néanmoins, l’âge de ces derniers laisse augurer, à terme, une diminution des effectifs compte-tenu de leurs futurs départs à la retraite. En effet, 9% des médecins généralistes du département sont dans la tranche d’âge des plus de 55 ans. Une donnée à prendre en considération, car sur le plan national, l’étude prévoit une diminution des médecins généralistes de 13% d’ici 2025.»
Les spécialistes vauclusiens en sous-représentation
«La présence des médecins spécialistes est déficitaire. Avec 175 spécialistes pour 100 000 habitants, le Vaucluse se positionne 9 points en dessous de la moyenne nationale (190 pour 100 000). La problématique de l’accès aux soins dans le Vaucluse concerne donc plus particulièrement l’accès à ces professionnels spécialisés (par exemple gynécologues, ophtalmologues, …) qui sont essentiellement concentrés dans les grands pôles et par conséquent répartis de manière hétérogène sur le territoire.»
Des solutions
«Pour pallier ce phénomène, la Mutualité Française soutient plusieurs projets dont le développement des centres de santé. «Centres ou maisons de santé, sont autant de réponses tendant à l’amélioration de l’accès aux soins en Vaucluse. Ainsi, l’exercice regroupé de la médecine ou des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) restent encore trop méconnues du public (seuls 36% des répondants de l’enquête Mutualité Française-Harris Interactive connaissent les CPTS). Les médecins ne souhaitent plus exercer de manière isolée. Nous observons que dans les CPTS Vauclusiennes, l’exercice regroupé de la médecine est particulièrement bien accueilli par le public. Les centres de santé mutualistes pratiquent le tiers payant, ont des tarifs maîtrisés et sont équipés de plateformes techniques. Ces critères permettent une prise en charge qualitative des patients. Le développement de ce type de centre est une mesure fortement soutenue par la Mutualité Française qui plus est dans le département du Vaucluse, le plus pauvre de France, avec un taux de pauvreté de 20% (contre 14,7 % au niveau national), et un effectif CMU (Couverture maladie universelle) de 9,6% contre 7,3% en national,» précise Marc Devouge, président de la délégation départementale Vaucluse.
La e-santé
Concernant la téléconsultation en période de confinement, le Vaucluse est en dessous de la moyenne. En effet, le nombre de téléconsultations dans le département a atteint les 6 810 consultations entre septembre 2018 et mars 2020. Alors que certains départements voisins comme les Bouches-du-Rhône se sont situés trois fois au-dessus de la moyenne nationale (11 948 par département), le Vaucluse est quasiment deux fois en dessous de la moyenne (-175%). Pour la Mutualité française «Le département n’exploite pas encore assez le potentiel de développement de la e-santé. Pour autant, l’étude souligne les limites de la télémédecine en indiquant que cette démarche ne peut pas convenir pour tous les motifs de consultation. De surcroît, il faut prendre en considération l’accessibilité au numérique et la prise en main des dispositifs digitaux qui semblent plus complexes pour les seniors.»
Préconisations
Face aux inégalités sociales et territoriales que la crise sanitaire a rappelées et amplifiées, la Mutualité Française propose cinq actions : «Généraliser les espaces de santé pluri professionnels pour le premier recours aux soins. Cette mesure a pour objectif de mettre fin à l’exercice isolé de professionnels de santé à l’horizon de cinq ans. Donner aux personnes âgées en perte d’autonomie le choix de leur lieu de vie. La Mutualité propose de réinventer le modèle de l’Ehpad pour renforcer ses compétences médicales et les ouvrir sur le territoire, afin d’en faire un centre de ressources gériatriques et permettre le choix du maintien à domicile, même en cas de dépendance lourde. Et, enfin, optimiser la chaîne d’approvisionnement sanitaire.
Transférer aux régions la compétence de la prévention
La Mutualité Française propose de restaurer la souveraineté et de revoir les politiques de recherche, de stocks et de distribution. «Transférer aux régions la compétence de la prévention pour que les Français puissent vivre en bonne santé le plus longtemps possible grâce à une politique de prévention de la santé gérée au niveau régional. Recentrer les Agences Régionales de Santé (ARS) autour de deux missions régaliennes : la sécurité sanitaire et la régulation de l’offre. «Les ARS doivent piloter l’offre de santé avec neutralité et mieux prendre en compte la complémentarité des différents acteurs, publics comme privés.»