22 novembre 2024 | Nadège Cordier, écrivain public : ce qu’elle dit des mots

Ecrit par Hervé Tusseau le 14 janvier 2021

Nadège Cordier, écrivain public : ce qu’elle dit des mots

Ecrivain public et plume correctrice de l’Echo du Mardi installée à Aix-en-Provence, Nadège Cordier tisse le lien entre auteurs et lecteurs pour que tout ce qui est écrit dans un journal soit plus agréable et compréhensible. Sans langue de bois.

« Nous vivons une époque où l’on se figure qu’on pense dès qu’on emploie un mot nouveau. On ne sait pas le tiers du quart de mots de la langue française et on va en chercher d’autres dans des modes prétentieuses ». Ce mot d’Alexandre Vialatte va comme un gant à Nadège Cordier, écrivain public (Scrib’Aix) et plume correctrice de l’Echo du Mardi, biffant à l’encre rose la copie des collaborateurs du journal depuis 2018, généralement le lundi après-midi. Un ouvrage de Pénélope car il s’agit de conserver l’intégrité de la langue : orthographe, grammaire, syntaxe, typographie. Et singulièrement la préserver des abus de plus en plus fréquents qui en dénaturent l’usage, se navre-t-elle. « C’est la vie », comme disaient les Américains dans les années 1960. Le cinéma d’Hollywood ponctuait alors ses dialogues de « rendez-vous » galants. La téléréalité française les a remplacés par des « dates » qui supplantent même le bon vieux « rencart » argotique. Bien sûr, les langues ne cessent d’emprunter aux autres, lorsque l’imaginaire des locuteurs est séduit par la grâce d’un mot ou d’une expression étrangère qui semble tout mieux dire que dans notre idiome. « Mais, aujourd’hui, on croit se donner un genre avec des formules ronflantes. En quoi ‘food truck’ est-il plus joli ou plus judicieux que camion-restaurant ? », s’agace Nadège. « Le dernier en date, ‘sourcing’, n’est même pas usité en anglais ! ».

Les modes existent aussi dans la littérature journalistique fainéante qui ne malmène pas que par ses anglicismes. « Pourquoi parle-t-on à tort et à travers de dédicace ? On peut dire d’un stade qu’il est dédié à la mémoire d’un sportif, mais son usage est dévolu, consacré ou réservé à telle ou telle situation. Ce n’est pas la même chose. » Tout ce travail est celui – fut-il public – d’un écrivain, comme le disait Valery : quelqu’un qui ne trouve pas ses mots. Ne les trouvant pas il les cherche. Les cherchant, il trouve mieux. Un exercice bien ardu qui tient parfois de la romance. « Une dame voulant reconquérir un ancien compagnon, vient un jour me voir pour rédiger une lettre d’amour. Sans rien dire de lui, elle me confie seulement sa photo. J’ai dû inventer son récit en me mettant dans sa situation », raconte Nadège. « Le plus difficile a été d’imaginer qu’elle ne m’avait jamais donné la photo », ironise-t-elle. Un gros bouquet de fleurs récompense même parfois ce travail pointilleux qui consiste à exprimer clairement ce qui devrait se concevoir aisément. Un présent qu’une cliente – Nadège traite une centaine de dossiers par an – lui a adressé après avoir gagné un procès grâce à un argumentaire bien écrit. Qu’il s’agisse d’un simple CV, d’un testament, d’une lettre administrative comme d’amour, ou d’une thèse de doctorat de 300 pages, l’écriture arrache aux mots leurs secrets et tisse notre humanité. A condition de ne pas faire trop de fautes de style ou d’orthographe.

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