Alors que l’Autorité environnementale avait émis en 2020 un avis consultatif très critique sur la poursuite du projet de Liaison Est-Ouest (LEO) afin de contourner Avignon, le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) devrait prochainement rendre son rapport au gouvernement concernant ses propositions en matière de priorisation des investissements dans les infrastructures de transports françaises. L’instance consultative placée auprès du ministre chargé des transports soutient la réalisation de la tranche 3 et semble considérer pour acquis la construction de la tranche 2 même si plusieurs questions concernant la suite du financement restent en suspens.
Dans la dernière mouture du rapport qu’il doit remettre prochainement au gouvernement dévoilé par nos confrères de contexte.com, le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) présente ses recommandations concernant la tranche 3 de la Liaison Est-Ouest (LEO). Malgré l’avis négatif de l’Autorité environnementale (AE) du conseil général de l’environnement et du développement émis en juillet 2020 concernant la réalisation des tranches 2 et 3 de ce projet de contournement par le Sud de l’agglomération d’Avignon, le COI « considère (ndlr : en parlant de la tranche 3) qu’il n’y a pas lieu, malgré les difficultés environnementales persistantes, d’abandonner ce dernier maillon de la LEO. »
La réalisation de la 2e tranche semble actée par l’Etat
L’instance consultative placée auprès du ministre chargé des transports semble d’ailleurs considérer comme acquise la construction de la 2e tranche même si ses travaux n’ont pas encore débuté. La tranche 3 « permettra de bénéficier de l’ensemble des efforts qui auront été faits par la réalisation des deux premiers tronçons », confirme ainsi le Conseil d’orientation des infrastructures.
« Cette tranche, qui pourrait être engagée à l’issue des travaux de la tranche 2, suppose néanmoins que les efforts de préservation de l’environnement qui devront être présentés lors d’une nouvelle enquête publique, soient convaincants », insiste le rapport du COI.
Un message entendu par les services de l’Etat qui, dès juillet dernier, avait annoncé engager « des études complémentaires en faveur d’un projet renouvelé et amélioré de la LEO » prenant en considération les observations de l’Autorité environnementale et du Conseil national de protection de la nature.
Pourtant actuellement, rien n’assure que les travaux de la 2e tranche, financés dans le cadre du CPER (Contrat de plan État-région) 2015-2022, ne débutent en 2023 comme annoncé initialement en février puis juillet 2022.
Le coût de cette phase 2 s’élève à 142,7M€ pour une mise en 2×1 voie élargissable en 2×2 entre Rognonas et le rond-point de l’Amandier à Avignon. Une opération financée à hauteur de 38,05% par l’Etat, 26,95% par la Région Sud, 14,72% par le Département de Vaucluse et 5,56% par celui des Bouches-du-Rhône ainsi qu’à 12,62% par le Grand Avignon et 2,1% par Terre de Provence agglomération (ndlr : la signature du protocole de financement date de mars 2012 !).
La LEO c’est quoi ?
Imaginé il y a plus de 30 ans, le projet de Liaison Est-Ouest, qui a officiellement débuté avec un arrêté ministériel de 1999 puis une Déclaration d’utilité publique (DUP) en 2003, consiste en un contournement routier de l’agglomération de la cité des papes par le sud, en créant une voie nouvelle de 15 km destinée à fluidifier les trafics de la ville (notamment la rocade Charles de Gaulle) et de l’agglomération ainsi que le Nord des Bouches-du-Rhône. L’infrastructure est constituée de 3 tranches dont la première de 5,2 km a été mise en service en 2010 entre Rognonas et la zone de Courtine via un franchissement de la Durance. La 2e tranche (5,8km) prévoit également un nouveau pont sur la Durance après avoir longée la rivière vers Châteaurenard.
Enfin, la 3e tranche (3,7km) doit relier la pointe de Courtine au rond-point de Grand Angles, via un franchissement du Rhône avec un ouvrage d’art situé en amont du viaduc TGV.
Délester le trafic jusqu’à 30 000 véhicules jours dont 10% de poids-lourds
« Le trafic prévisionnel sur la tranche 3 serait d’environ 26 000 à 30 000 véhicules par jour à l’horizon 2035, dont 7% à 10% de poids-lourds, estime le rapport du Comité d’orientation des infrastructures. La mise en service de cette tranche permettrait d’améliorer l’attractivité de la LEO par rapport à des itinéraires empruntant les voies urbaines, et notamment d’éviter le passage par le centre-ville pour franchir le Rhône. Ce projet routier vient en synergie avec les actions du PDU et s’articule avec les transports en commun par la mise en place de parking relais desservis par la LEO. »
Côté réglementation, une nouvelle DUP sera cependant nécessaire pour la tranche 3 en raison du retard pris dans le projet. De quoi décaler le début d’éventuels travaux à l’horizon 2030 au mieux.
Par ailleurs, malgré son avis favorable à cette réalisation, le COI reconnaît que « l’impact environnemental est vraisemblablement élevé. Une actualisation de l’étude d’impact réalisée en 2002 pour la constitution du dossier d’enquête publique relatif au projet devra être menée dans le cadre de la nouvelle enquête publique. »
Qui va payer ?
Dans ces préconisations, le Comité d’orientation des infrastructures note cependant que la tanche 3 ne constitue pas « un maillon du réseau routier national magistral. » Une interprétation sujette à caution dans ce secteur où seul le pont de l’Europe représente l’unique ouvrage d’art de franchissement du Rhône en 2×2 voies hors autoroute reliant les régions Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur. De fait, le bassin de vie d’Avignon constitue le principal déversoir du trafic entre l’Italie et l’Espagne via les flux de transit entre les autoroutes A7 et A9 depuis les sorties de Bonpas et Remoulins.
Dans sa logique, le COI envisage « une éventuelle concession, qui pourrait être une concession d’ouvrage d’art sous maîtrise d’ouvrage des collectivités » afin de réaliser cette 3e phase évaluée à 241M€. Une LEO sans subventions publiques ? Une piste de réflexion étonnante alors que la Région Occitanie ou le département du Gard n’ont jamais mis la main à la poche pour financer une infrastructure concernant directement des habitants du Gard rhodanien de plus en plus tournés vers leur bassin économique avignonnais.
Une absence injustifiée qui, immanquablement, met en lumière l’impact sur la mobilité quotidienne domicile/travail qui va bien au-delà du canton gardois de Villeneuve-lès-Avignon dont les élus sont étonnamment absents du débat.