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Le Vaucluse, grand gagnant de la réindustrialisation ?

Avec son usine de Monteux, Charles & Alice, entend concilier croissance économique et développement durable. Crédit : Atelier MTX - outil mélanges © Charles & Alice

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Covid, guerre en Ukraine, hausse des coûts de l’énergie et des matériaux, multiplication des crises internationales… les incertitudes s’amoncellent pour des acteurs économiques qui n’ont jamais eu autant besoin de stabilité pour assurer le développement de demain. En France, comme partout ailleurs en Europe, on entend mener une réindustrialisation à marche forcée afin de recouvrer souveraineté et nouvelle compétitivité. Objectif ? Que le secteur industriel représente 12% du PIB hexagonal à l’horizon 2035. Un scénario dans lequel le Vaucluse pourrait en être un des grands bénéficiaires*.

Fin 2023 France Stratégie s’est penché sur l’avenir de nos politiques industrielles à l’horizon 2035. L’organisme d’expertise prospective sur les grands sujets sociaux, économiques et environnementaux placé auprès du Premier ministre a ainsi planché sur divers scénarios avant de dévoiler sa copie cet été. Alors que la part de la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière se montait à 9,7% du PIB (Produit intérieur brut) en 2023, plusieurs hypothèses ont été étudiées d’ici 2035. À ce jour, c’est l’objectif de 12% qui semble à la fois le plus ambitieux tout en étant le plus atteignable.
C’est ce que semble également projeter ‘Le Lab’, le laboratoire d’idées de Bpifrance, qui, dès le mois de mai dernier, estimait que cette part de 12 % du PIB constituait la cible la plus raisonnable. Cela suppose tout de même une accélération forte de la production industrielle avec une hausse de la valeur ajoutée manufacturière de 3,5% par an pendant les 10 prochaines années, contre 1,5% par an depuis la crise sanitaire.
Le jeu en vaut cependant la chandelle puisqu’en créant 233 milliards d’euros de valeur ajoutée manufacturière supplémentaire d’ici 2035, cette réindustrialisation « impliquerait entre 600 000 et 800 000 emplois nets créés, soit entre 50 000 et 67 000 emplois salariés supplémentaires par an (contre + 32 000 en moyenne par an entre 2021 et 2023). »
Mais pour cela, il faudra essayer de maintenir et développer les entreprises existantes tout en favorisant l’émergence de nouveaux projets industriels et en attirer d’autres en France.

Le Vaucluse a du potentiel
Dans cette perspective, le Vaucluse a une belle carte à jouer, tout particulièrement le bassin d’emploi du Grand Avignon. Grâce à un indice d’évaluation de la capacité de développement industriel par bassin d’emploi établi par la Bpi à partir de 32 critères, il apparaît que la cité des papes figure parmi les territoires français les plus en pointe en termes de potentiel d’attractivité industrielle (voir encadré : ‘Attractivité : La preuve par 32’). En Provence-Alpes-Côte d’Azur, la zone d’Avignon figure même en 2e position derrière celle de Marseille. L’agglo se distingue plus spécifiquement par son potentiel à accueillir des ETI (Entreprises de taille intermédiaire) et des start-ups industrielles. Pour leur part, les bassins de Carpentras, d’Apt et du Haut-Vaucluse se différencient par la présence d’écosystème autour du nucléaire et surtout de l’agro-alimentaire, principal vivier en terme de création d’emploi d’ici 2035 (voir encadré : ‘L’agro-alimentaire a de l’appétit).
Par ailleurs, fin 2023, les Sorgues du Comtat, Luberon Monts de Vaucluse, Pays des Sorgues Monts de Vaucluse et le Grand Avignon ont figuré parmi les 183 ‘territoires d’industrie’ dévoilé par l’ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires). Des lauréats qui, en partenariat avec la CCI de Vaucluse, s’engagent dans une dynamique de reconquête industrielle.
En attendant, entre 2018 et 2023, l’industrie vauclusienne a gagné plus d’un millier  d’emplois, un chiffre en hausse de près de 8% sur cette période. Dans le même temps, seules les industries extractives et la fabrication de matériels de transport ont vu leurs effectifs baisser dans le département. À l’inverse, l’agroalimentaire a été le domaine le plus créateur d’emplois (+ 724). Des industries vauclusiennes pesant 14,1% des emplois dans le département (contre 11,3 % en moyenne pour la région Sud et 16% au niveau national) et qui, début 2024, représentaient 17,07% du chiffre d’affaires de l’ensemble de l’économie vauclusienne.

Attractivité : la preuve par 32
En mai dernier, ‘Le Lab’, le laboratoire d’idées de Bpifrance a présenté son étude sur l’industrie et les territoires. Intitulé ‘Comment gagner la bataille de la réindustrialisation ? Regards croisés entre territoires, industriels et société civile’, ce document de 72 pages s’intéresse au potentiel de développement industriel des territoires. Pour cela, les auteurs ont mobilisé « de multiples données, issues de bases de données publiques, permettant de mesurer les atouts des territoires à l’aune des besoins des industriels. En effet, la raréfaction du foncier et des compétences, les conflits d’usage sur l’eau modifient l’équation des implantations industrielles et les équilibres entre territoires. »
Afin d’établir cette carte de l’attractivité industrielle (voir carte ci-dessus**), Le Lab s’est appuyé sur 32 critères que l’on peut répartir dans 5 grands domaines : le capital physique (foncier et infrastructures logistiques), le capital ‘écosystémique’ (présence d’industrie, nombre de salariés dans le secteur, âge moyen des industries…), le capital humain (formations, nombre d’élèves, taux de chômage…chômage…), la qualité de vie et le capital environnemental.
Le Vaucluse y affiche un potentiel particulièrement intéressant. S’appuyant sur ces données, le magazine L’Usine nouvelle a ainsi constaté que le bassin de vie d’Avignon présentait l’un des potentiels de développement industriel par bassin d’emplois figurant dans le peloton de tête des territoires en France. Le second dans la région Sud derrière celui de Marseille.
**Potentiel de réindustrialisation des territoires selon méthodologie Bpifrance Le Lab. Source : Retraitement Bpifrance Le Lab à partir de données publiques

Prendre le bon wagon de la réindustrialisation
«  On n’a pas toujours forcément eu une vision industrielle de ce territoire », regrette Gilbert Marcelli. Le président de la CCI de Vaucluse sait de quoi il parle puisqu’il a été longtemps président de l’UIMM 84 (Union des industries et métiers de la métallurgie).
« L’image du département a été construite autour du tourisme et du vin, poursuit-il. Pourtant, Avignon a été une capitale de l’industrie et il ne faut pas oublier non plus que le Vaucluse a abrité de nombreuses industries par le passé, notamment des papeteries. En marge de cette production il y avait aussi des activités comme la traction, c’est-à-dire les moteurs, et la production d’énergie grâce notamment à la présence du Rhône. Il reste aujourd’hui les centrales hydroélectriques, les transformateurs ou bien encore les activités de chaudronnerie. »
À l’image de la Bpi, Gilbert Marcelli en est donc convaincu : « le Vaucluse a tout pour prendre le bon wagon de la réindustrialisation ». Encore faut-il répondre aux nouvelles attentes de notre époque. Ainsi, si les Français sont favorables à 82% à cette la réindustrialisation (ils sont même 83% à estimer que l’industrie française est « une fierté pour les territoires »), ils ne sont pas prêts à tout accepter.

L’industrie du futur sera verte ou ne sera pas
Fini donc le temps où les industries pouvaient s’implanter où bon leur semble. Les exigences de la décarbonation dans l’industrie manufacturière (en France l’industrie concentre près des deux tiers des émissions directes de CO2), l’impératif d’une gestion plus sobre de l’eau ou bien encore les limitations foncières qu’imposent les objectifs de la loi Zan (Zéro artificialisation nette) sont autant de nouveaux facteurs qui interviennent désormais dans la localisation ou le maintien des industries du futur. Cette sensibilisation passe avant tout par la prise de conscience de ces enjeux environnementaux par les industriels. Concernant l’eau par exemple, certains l’ont déjà pleinement compris. Pour preuve, le sorguais Eurenco ou l’aramonais Sequens implantés dans le bassin de vie d’Avignon qui ont figuré fin 2023 parmi les 50 premiers sites industriels lauréats du ‘Plan eau’ lancé par le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires afin de les accompagner dans leur réduction de consommation d’eau.
Le premier a déjà réduit sa consommation de 16% malgré une forte hausse de son activité et ambitionne d’atteindre -25% d’ici 2025. Par ailleurs, le groupe vauclusien a mis en service, en partenariat avec l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) une toute nouvelle station de traitement de liquide afin de réduire les matières en suspension de ses rejets.
Pour le second, le site gardois implanté dans le bassin de vie d’Avignon a intégré des tours de refroidissement dans son nouvel atelier. La nouvelle unité de fabrication est ainsi en boucle fermée et fait recirculer la même eau encore et encore. Ce système permet de réduire le prélèvement d’eau provenant du milieu naturel.

Nucléaire : au cœur du triangle d’or
Bien que le Vaucluse n’abrite pas directement d’installations nucléaires industrielles, le département se situe au cœur d’un triangle regroupant des sites français majeurs. Les installations de Cadarache et de Marcoule, qui se trouvent respectivement dans les Alpes-de-Haute-Provence et le Gard, ne sont qu’à quelques kilomètres de Pertuis et Orange. Quant à Tricastin, son périmètre de 650 ha chevauche le Vaucluse et la Drôme. En tout, entre les principaux donneurs d’ordres comme Orano, le CEA et EDF ainsi que leurs sous-traitants cela représente 14 000 salariés dont près de 25% résident dans le Vaucluse. À l’heure du retour en grâce du nucléaire comme un des moyens les plus efficaces pour décarboner nos besoins énergétiques à l’échelle de la planète, le potentiel du secteur semble immense. Le site gardois de Marcoule est toujours en lice pour accueillir le SMR hexagonal, le prototype de petit réacteur nucléaire dont la puissance ne devrait pas dépasser 340 mégawatts (MW). Un investissement de 2 milliards d’euros et quelque 4 000 emplois potentiels à la clef. À Cadarache, le programme Iter (International thermonuclear experimental reactor) a redéfini, courant juillet, sa feuille de route en confirmant sa nouvelle volonté de démarrage de sa campagne scientifique. De quoi espérer, avec 10 ans de retard toutefois, les premières fusions deutérium-deutérium en 2035. Fruit d’une large coopération internationale, ce programme de réacteur à fusion nucléaire en chantier depuis 2010 (coût estimé à 20 milliards d’euros) doit expérimenter un nouveau procédé de fabrication d’énergie, à l’image d’un ‘petit soleil’, via un concept de confinement magnétique permettant de produire une énergie quasi-illimitée commercialisable à l’horizon 2080-2100. Enfin à Tricastin, la première pierre de l’extension de l’usine d’enrichissement d’uranium Georges Besse 2 (GB II) sera posée cette semaine. Un investissement de près de 1,7 milliard d’euros, qui va permettre au site du groupe Orano d’augmenter ses capacités de production de plus de 30% en rajoutant 4 modules d’enrichissement de l’uranium, complémentaires aux 14 modules existants mis en service à partir de 2011.

Histoire d’eau
Début juillet, c’est le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire qui a annoncé que le cadre réglementaire relatif à l’utilisation des eaux recyclées au sein des industries agro-alimentaires introduit par le décret 2024-33 du 24 janvier 2024 était désormais pleinement opérationnel. En permettant le développement de nouveaux protocoles de réutilisation des eaux dans les industries agroalimentaires, le dispositif vise à réduire les prélèvements. « Pour certaines industries, cette ‘réutilisation’ des eaux permettra une économie de 15% à 80% en eau potable », assure le ministère.
Mais l’environnement ce n’est pas qu’une histoire d’eau c’est aussi une affaire d’énergie. Basée à l’Isle-sur-la-Sorgue, Le Coq Noir est la première entreprise agroalimentaire française à s’engager dans la décarbonation via une technologie unique d’énergie solaire à concentration. Pour cela, le fabricant de condiments, sauces et aides culinaires inspirés du Monde depuis 1979, va revoir l’alimentation d’une étape clef de sa production : la cuisson et la stérilisation de ses produits à la vapeur. L’Objectif est de supprimer 75% du gaz servant à ce procédé de production d’ici avril 2025 et réduire ses émissions de 180 tonnes de CO² par an.
« Ce choix de la chaleur solaire est clé pour le développement de l’entreprise Le Coq Noir. Il nous permet de poursuivre nos objectifs ambitieux de décarbonation et de participer activement à la transition du monde agroalimentaire », se félicite Thibaut de Leusse, directeur général du Coq Noir.

Entreprise à mission et innovation au menu
Pour la société drômoise Charles & Alice, historiquement implantée à Monteux, il s’agit de conjuguer éthique et développement durable. Depuis le printemps dernier, elle est devenue la première entreprise à mission du secteur du dessert aux fruits. Une philosophie qui se traduit par une volonté de privilégier les approvisionnements locaux. L’entreprise se fournit dans un rayon de 190 km et le Vaucluse et les Alpes-de-Haute-Provence sont ses plus gros fournisseurs de pommes. Elle travaille aussi sur le développement des filières fruitières françaises et participe à la refruitalisation des vergers français.
D’ici 2027, Charles & Alice veut réduire sa consommation d’eau de 80%, produire 40 % d’énergie renouvelable grâce notamment à 1 178 modules photovoltaïques installés à son usine de Monteux depuis 2023, valoriser 98% de ses déchets par la méthanisation et atteindre un taux de recyclage de 100%. Dans le même temps, elle a réussi à réduire son flux routier de moitié. Côté innovation, le groupe a accueilli un outil de réalité virtuelle de l’Ifria (Institut de formation régional des industries alimentaires) permettant de former les opérateurs tout en évitant de mobiliser les outils de fabrication.

L’innovation, un domaine que connaît particulièrement bien le groupe Pellenc. Le spécialiste du machinisme agricole basé à Pertuis consacre environ 7 à 8% de son chiffre d’affaires à la R&D. De quoi faire du groupe créé en 1973, l’entreprise vauclusienne ayant déposé le plus de brevets. Labellisée ‘vitrine industrie du futur’, lauréate du prix de la productivité des trophées des usines, la société vient de voir 3 de ses produits obtenir le label Longtime qui informe les consommateurs sur la durabilité de ses produits. Une reconnaissance de la stratégie adoptée depuis de nombreuses années par Pellenc pour réduire l’impact environnemental de ses produits en allongeant leur durée de vie, encourageant ainsi la réduction de la surconsommation et un usage plus raisonné des ressources de notre planète. Le tout en misant sur une croissance de 30% d’ici 2027.

« Nous faisons beaucoup d’efforts en allant dans les écoles pour attirer les jeunes dans l’industrie. »

Pascal Turbiault, directeur Orano du site de Tricastin

Déchets des uns, matières premières des autres
Dans cette optique de ‘croissance verte’, certains n’hésitent pas, non plus, à ce que les déchets des uns deviennent les matières premières des autres quand ce n’est pas les industriels qui font directement des enjeux environnementaux leur cœur de métier. Basé à Visan, le Groupe Fert recyclage en est l’illustration parfaite. Tout juste auréolée du prix 2024 RSE de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, la société vauclusienne s’est spécialisée dans le recyclage et la valorisation des véhicules depuis plus de 40 ans.
« Nos métiers contribuent à la préservation des ressources, tant par le recyclage des véhicules que par celui du fer et des métaux », rappelle Attilio Fert, PDG depuis l’an dernier de l’entreprise familiale créée par son père Olivier. Les activités du Groupe favorisent aujourd’hui de plus en plus l’économie circulaire, à travers la production de pièces détachées d’occasion issues de la déconstruction des véhicules hors d’usage, qui profitent au secteur de la réparabilité des autos, motos, machines agricoles, poids lourds et engins de travaux public.
Cette dynamique environnementale peut également prendre une forme collective afin de favoriser l’émergence d’écosystèmes. L’association d’entrepreneurs de la zone d’activité de Carpensud vient ainsi d’obtenir le soutien de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur pour l’émergence d’une démarche d’Ecologie industrielle et territoriale (EIT).Le but étant d’optimiser les flux entrants (ressources) et les flux sortants (déchets) à l’échelle du territoire afin de réduire les impacts négatifs des activités humaines sur l’environnement. En vue de cette mutualisation, Carpensud a donc mis en place une commission afin de recenser les entreprises susceptibles de participer à l’initiative.
D’autres partenaires du monde économique se mobilisent également pour montrer la bonne marche à suivre aux entreprises. Le Parc naturel régional du Luberon vient ainsi d’organiser une réunion d’information sur le thème ‘Changement climatique : comment adapter mon entreprise ? Des solutions existent !’.

Non aux gigafactories, oui aux industries à taille humaine
« Tous ces exemples démontrent que nos entreprises savent se montrer innovantes pour trouver des solutions, se félicite le président de la CCI 84. Mais pour être en capacité de les résoudre, il faut aussi avoir l’agilité d’une PME comme l’on en trouve beaucoup dans le Vaucluse. »
Cela tombe bien, dans le cadre de cette réindustrialisation tricolore, les Français plébiscitent à plus de 60% les PME et les ETI par rapport aux grandes entreprises ainsi qu’aux gigafactories. Dans le même temps, s’ils se montrent assez réticents à l’installation d’entreprises industrielles près de chez eux (seulement 7%) alors qu’ils sont beaucoup plus accueillants pour les PME (69%) et les start-up. Ainsi, comme le constate la Bpi entre « les 130 hectares pour la gigafactories de batteries de Prologium à Dunkerque et la PME arrimée à son territoire et attachée à une main-d’œuvre locale qu’elle a formée depuis plusieurs décennies », il semble qu’il n’y ait pas photo.
L’industrie à taille humaine semble avoir de beaux jours devant elle pour autant que l’on sache l’accueillir. « Nous qui sommes du monde rural, nous croyons que la réindustrialisation peut plus facilement s’implanter dans les territoires ruraux, constate Samuel Marc (voir en fin d’article également), nouveau coordinateur Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie des Forces françaises de l’industrie. C’est également là où elle aura l’impact le plus significatif puisque ce sont ces territoires qui souffrent le plus de cette désindustrialisation. »
« Plus c’est grand, plus c’est risqué. Plus c’est petit, plus c’est agile », assure Gilbert Marcelli en prenant l’exemple des 4 hectares du port du Pontet où la CCI souhaite développer un site lié aux nouvelles technologies et à la production d’énergie. « Une petite zone d’activité à l’image de beaucoup d’autres sites économiques que l’on trouve en Vaucluse qui compte 43 zones d’activités à vocation industrielles. »

Mettre le paquet sur la formation
La formation constitue l’une des inquiétudes majeures des industriels dont la demande de mains d’œuvres, déjà difficilement pourvues, devrait continuer à accélérer. Afin de lutter contre cette pénurie des compétences et les difficultés de recrutement, la CCI de Vaucluse entend mettre le paquet en termes de formation.
« La formation industrielle n’est pas assez mise en avant », regrette Gilbert Marcelli qui prend cependant en modèle ce que réalise le groupe Orano à Tricastin afin de séduire les jeunes.
« Nous faisons beaucoup d’efforts en allant dans les écoles pour attirer les jeunes dans l’industrie », confirme Pascal Turbiault, directeur Orano du site de Tricastin.  En effet, réindustrialiser c’est bien, mais avoir des gens compétents pour remplir les usines, c’est mieux. Car aujourd’hui, l’industrie connaît une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Faute de recrutement, le risque étant que les industries françaises délocalisent à nouveau.

Emploi : l’agro-alimentaire a de l’appétit
Le Vaucluse est un territoire plus agricole et plus industriel que la moyenne régionale. Pas étonnant dans ces conditions que les IAA (Industries agro-alimentaires) y aient trouvé un terrain fertile pour se développer. Pour preuve, le secteur ‘pèse’ près de 30% des emplois industriels (21% pour la moyenne nationale) en constituant le 1er employeur industriel dans les bassins d’Avignon-Carpentras (32%), de Cavaillon-Apt (27%) et Orange-Bollène (23%). Sur la période 2018 à 2023, les IAA ont été aussi le secteur le plus créateur d’emplois (+724).
Première filière industrielle du Vaucluse, les IAA placent, à elles seules, près de la moitié des entreprises figurant dans le top 10 des sociétés les plus importantes dont le siège social se trouve en Vaucluse***.
De par son poids, y compris régional, l’agroalimentaire constitue aussi l’une des filières les plus structurées du département. Une aubaine pour l’emploi en Vaucluse quand l’on sait que selon les projections Bpifrance 87 000 emplois devraient être créés en France d’ici 2035 au sein de la branche des IAA. Autre avantage, la filière génère beaucoup de déchets organiques qui sont autant de ressources inexploitées. Là encore, le Vaucluse est en pointe avec la mise en place d’un écosystème d’entreprises exploitant ces richesses encore trop inutilisées comme Greenspot à Carpentras ou bien encore Mutatec à Cavaillon et bien d’autres encore.
***(McCormick France, Agis, Orangina Suntory France Production et GB Foods production France)

Germinal c’est terminé !
« Aujourd’hui, cela n’est pas normal que l’on ne prenne pas en compte les besoins réels du tissu économique en matière de formation, que l’on continue à proposer une multitude d’offres pour des métiers sans perspectives d’emploi, constate Samuel Marc des Forces françaises de l’industrie. Il faut pousser les jeunes vers les métiers qui ont un avenir. Il faut leur donner l’envie de produire. »
« Il est très important de les former aux nouveaux métiers, complète pour sa part le président de la CCI de Vaucluse. Cela peut être les métiers liés à l’énergie autour de l’hydrogène, du solaire, des spécialistes des locomotions douces, de maintenance des véhicules électriques, des petites unités de production de petites batteries… De proposer des formations qui correspondent également aux nouvelles aspirations des jeunes qui souhaitent donner un sens ‘environnemental’ à leur avenir professionnel. L’industrie à la Germinal c’est fini. Il faut proposer un modèle d’industrie plus vertueuse à même d’attirer les futurs salariés-citoyens. »

Conjuguer croissance économique et durabilité
« Tout l’enjeu est d’arriver à conjuguer croissance économique et durabilité, confirme Samuel Marc. Il y a ceux qui en prendront les devants et deviendront des leaders. Puis, il y a ceux qui ne feront pas cet effort et en paieront le prix. »
« Pour cela, il est donc impératif de se doter de nouvelles formations imaginées en partenariat avec les besoins des entreprises de notre territoire, insiste Gilbert Marcelli. Quand nous sommes arrivés à la Chambre, notre campus comptait un peu plus de 700 élèves. Aujourd’hui, ils sont 1 100 pour la rentrée 2024. Bientôt, il y en aura 300 de plus et ce n’est que le début. Cependant, ce n’est pas le nombre qui compte, c’est la diversité des formations. »
Pour le président de la CCI de Vaucluse, l’environnement de ces formations sera déterminant dans le choix des différents cursus : « Bien souvent, les sites de production industriels sont en périphérie des territoires alors que pour être attractives les formations doivent se situer dans des endroits où les étudiants aient envie de venir. Il faut être en capacité de bien les loger, de bien les accueillir mais aussi les divertir. Le cadre de vie est primordial ! »
Un constat partagé à nouveau par Bpifrance qui observe que la tendance s’oriente vers des « centres de formation en ville et les usines ailleurs ».
« Le Vaucluse, combiné à l’accessibilité d’Avignon avec sa desserte TGV, ses autoroutes, son aéroport, le Rhône ainsi que sa grande notoriété, dispose de tous les atouts », assure Gilbert Marcelli qui complète : « Pour profiter au mieux de la réindustrialisation, il nous faudra impérativement combiner formation, innovation, attractivité et accessibilité. »

« L’industrie à la Germinal c’est fini. »

Gilbert Marcelli, président de la CCI de Vaucluse

Emergence de nouveaux écosystèmes
Le potentiel industriel peut même parfois se cacher dans des secteurs où on ne l’attend pas. Ainsi, la startup avignonnaise Burn Controllers spécialisée dans l’optimisation et la personnalisation des manettes de jeux vidéo depuis 2010, réfléchit à créer autour d’elle tout un écosystème de métiers situés en aval et en amont de son activité. De quoi déboucher sur la création de nouvelles activités, notamment des plasturgistes, un domaine constituant plutôt la chasse-gardée de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Y aura-t-il bientôt un peu de Vaucluse dans les manettes des consoles Xbox et autres Playstation ?
Même l’armement commence à constituer un écosystème en Vaucluse autour du sorguais Eurenco désigné leader de l’innovation 2024 dans le top 10 régional Les Echos (aux côtés des avignonnais KP1 et Berto). Le leader européen des poudres et explosifs, qui a lancé l’an dernier une formation pyrotechnique en partenariat avec la CCI de Vaucluse, apparait comme le fer de lance des industries de la Défense dans un territoire qui regroupe déjà 21 entreprises sous-traitantes de l’armement. La situation internationale risquant malheureusement de favoriser les activités dans ce domaine.

Plus solide face aux crises
Quoiqu’il en soit, les industries investissent sur la durée. Une fois implantées, elles sont là pour longtemps.
« L’industrie, c’est le temps long, assène Samuel Marc. Cela va à l’encontre des modèles de startups et de la croissance infinie où on va essayer d’aller chercher des valorisations avant de tout revendre au plus offrant. L’industrie a l’avantage d’être plus solide et d’être plus résiliente face aux crises. »
Au final, quel que soit le secteur d’activité, le Vaucluse entend capitaliser sur ses nombreux atouts afin de bénéficier au maximum de son potentiel de réindustrialisation. Pour un territoire que l’on classe régulièrement parmi les plus pauvres de France, l’enjeu est de taille lorsque l’on sait qu’un salaire dans l’industrie est 30% plus élevé par rapport au tertiaire et qu’un emploi dans ce domaine en induit entre 4 et 5 dans l’économie locale.
« Ma responsabilité en tant que ‘patron’ de la Chambre de commerce, c’est de donner envie aux gens d’innover et de leur montrer que nous avons la capacité de former de jeunes qui sauront développer leur savoir-faire, conclut Gilbert Marcelli. Après, le Vaucluse a tout pour devenir une vitrine de l’industrie à taille humaine. »

Laurent Garcia

« Il faut remettre l’industrie dans les campagnes »
Nouveau coordinateur régional Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie des FFI (Forces françaises de l’industrie) Samuel Marc est aussi président du groupe industriel vauclusien Fénix Evolution. Basée à Gargas, cette entreprise représentant un investissement de 14,5M€ développe un projet de valorisation des fruits locaux déclassés dans un bâtiment industriel en friche. Il s’agit de transformer cette matière première, considérée comme des déchets, en ingrédients éco-responsables à destination du secteur agro-alimentaires. C’est à ce titre, qu’il a rencontré les fondateurs du réseau des FFI qui l’ont sollicité pour devenir leur référent régional depuis mai dernier. Dans ce cadre, il a en charge l’organisation d’événements régionaux sur les filières industrielles comme la Nuit de l’industrie ainsi que de travailler à la réindustrialisation des zones rurales.
Renouer avec nos savoir-faire
« Je suis convaincu que les territoires ruraux peuvent prendre toute leur part dans la réindustrialisation, assure le représentant vauclusien des FFI. Il faut remettre l’industrie dans les campagnes. Il faut reconnecter l’industrie comme vecteur de lien social car c’est un lieu de rencontre, un lieu de travail, à la fois créateur de dynamisme économique et de richesses. Il faut que ce pays renoue avec son savoir-faire. Il faut que les gens reprennent goût à la production. Et la ruralité peut offrir des vraies solutions pour cela. Le Vaucluse tout particulièrement. »
ETI : le modèle italien
Samuel Marc regrette le manque d’Entreprises de taille intermédiaire (ETI) : « Nous avons beaucoup de grands groupes et énormément de PME. Des PME, trop petites qui ne sont pas assez organisées pour aller exporter. »
« En Italie, le tissu des ETI fonctionne en sorte de ‘grappes’ très géolocalisées dans des secteurs ruraux ou semi-ruraux, poursuit-il. Des écosystèmes qui sont très efficaces à l’export car ils ‘chassent’ en meute. Un modèle également très résilient établi dans ces territoires où l’historique de l’implantation et le passé familial comptent beaucoup. Avec des personnes imprégnées du tissu local, qui se transmettent les entreprises de génération en génération, tout en restant très attachées à faire travailler les gens de chez eux. Grâce à cela, l’Italie, malgré sa faible population en comparaison avec la France, réalise des résultats à l’export qui sont nettement supérieurs aux nôtres. »
Dans ce parcours pour renouer avec l’industrie, « le défi majeur sera de transformer nos PME en ETI afin d’en constituer un réseau solide » insiste le représentant des FFI. Pour cela, son organisation entend travailler à identifier et comprendre les facteurs, filière par filière, qui peuvent encore bloquer cet effort commun.
« Aujourd’hui, l’effort individuel de l’acteur public ou de l’entrepreneur ne suffit pas à cette réindustrialisation. Il faut penser en organisation de filières. Et quand on parle d’organisation de filières, on parle de matières premières, de financement, d’équipementiers, de formation… » Cette réflexion, alimentée par plusieurs grands événements, doit déboucher sur la création d’un livre blanc sur l’état de la réindustrialisation en France qui sera notamment diffusé auprès des ministères et des grands donneurs d’ordre.

*Nous publions ici ,la version longue du dossier réalisé par l’Echo du Mardi paru dans
le numéro 4 d’Acte, le nouveau magazine de la CCI de Vaucluse

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