Dominique Santoni, présidente du Département de Vaucluse, et Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, viennent d’annoncer leur souhait de faire du Vaucluse le département pilote de la région en matière de télémédecine. Une volonté qui, pour débuter, va se traduire par un projet de déploiement de télédiagnostic ophtalmologique en partenariat avec la structure Atlas vision et le centre hospitalier du Pays d’Apt. Un partenariat inédit entre le privé et le public qui constitue l’acte I du plan santé du département de Vaucluse.
« Département le plus avancé en termes de connexion Très haut débit (THD) avec 79% du territoire couvert, je souhaite faire du Vaucluse la capitale régionale de la télémédecine, explique Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Mais pour cela, nous devons bâtir aujourd’hui les fondations de ce projet exceptionnel : nous lancerons l’appel à projets ‘Télésanté’ le 3 novembre prochain, avec un budget de 450 000€ à la clef, et des co-financements Etat-Région-Département. Nous allons aussi chercher 13M€ de fonds européens pour la télémédecine, et le Vaucluse y sera éligible. Enfin, nous soutiendrons le déploiement du projet de télémédecine Atlas vision dans le Centre hospitalier d’Apt, en accord avec les professionnels de santé. »
Ce projet vise à équiper le centre hospitalier du Pays d’Apt avec les équipements nécessaires (près de 200 000€, dont 135 912€ financés par la Région et 63 137€ par le Département) pour réaliser des diagnostics ophtalmologiques en partenariat avec le pôle Atlas vision déjà présent à l’Isle-sur-la-Sorgue et à Carpentras. Cette structure regroupe 8 médecins spécialistes de la pathologie et de la chirurgie de l’œil accompagnés d’une équipe paramédicale dédiée (optométristes, orthoptistes, secrétaires médicales, coordinateur de santé…).
Dans le territoire du Pays d’Apt où l’on compte la plus grande part des plus de 60 ans l’offre ophtalmologique est largement insuffisante avec des délais de prise en charge excessif. La mise en place de cette télémédecine va donc permettre d’optimiser l’établissement des diagnostics via le centre hospitalier d’Apt. Plus besoin de se déplacer sur Cavaillon, Carpentras ou l’Isle-sur-la-Sorgue. Un trajet qui pouvait pousser certains patients à refuser les soins.
Quand la médecine des champs s’inspire de la médecine des champs de bataille
Désormais, d’ici juin 2023 (le temps d’équiper les futurs locaux de téléconsultation), des orthoptistes recevront les patients à Apt pour les examens et les diagnostics seront établis à distance par les spécialistes d’Atlas vision. Ainsi à l’image de la médecine de guerre, des personnels de santé formés spécialement réaliseront les examens alors que le diagnostic sera établi par des spécialistes, loin de la ligne de front. Au final, l’objectif est de ne plus de perte de temps en trajet inutile.
Autre avantage, ce dispositif va aussi permettre de filtrer les pathologies et prioriser les urgences. En effet, l’établissement d’un diagnostic par un spécialiste pour des lunettes permet surtout de contrôler l’état de santé des patients en décelant de nombreuses pathologies comme le glaucome, la rétinopathie diabétique, la DMLA, les pathologies cornéenne ou bien encore les infections ou les inflammations de l’œil.
« Ce dispositif va permettre à la population rurale d’avoir accès aux soins spécialisés, précise Danielle Frégosi, directrice du centre hospitalier du Pays d’Apt. Il s’agit d’un véritable changement de l’accès aux soins en temps réels. »
« Il est important de réaliser des dépistages précoces pour réduire les pathologies comme par exemple le glaucome », insiste le docteur Marie Boulze, ophtalmologiste chez Atlas vision.
« Ce dispositif sera une porte d’entrée importante vers l’ophtalmologie, complète le docteur Grira, ophtalmologue au sein d’Atlas vision. Il constituera un oasis au milieu d’un désert médical. »
« La première brique de cette ‘capitale régionale’ de la télémédecine est posée », conclut Renaud Muselier et le président de la Région Sud de poursuivre : « je veux renouveler ici mon engagement : dans le courant de la mandature, un centre régional de ‘Télémédecine Sud’ sera installé dans le Vaucluse, pour cartographier, analyser, apporter du soutien technique et opérationnel à tous les projets de la Région. »
Un plan santé pour faire face à la désertification médicale
Avec cet acte I de son plan santé, le Département entend ainsi faire face à une désertification locale de l’offre de santé. En effet, près des trois quarts des 151 communes vauclusiennes sont désormais classés en Zone d’intervention prioritaire (5% des communes) ou en Zone d’action complémentaire (66%) par l’Agence Régionale de Santé (ARS) à la fois dans les zones rurales et dans certains quartiers urbains.
Le Vaucluse affiche la densité de médecins généralistes la plus faible de la région Sud (85,6 médecins libéraux pour 100 000 habitants). En 2020, 479 médecins libéraux étaient en exercice en Vaucluse, soit 11% de moins que 5 ans auparavant.
Dans le même temps, les médecins spécialistes libéraux sont inégalement répartis dans le département : ils sont essentiellement concentrés dans les grandes villes et dans la vallée du Rhône.
Par ailleurs, parmi les médecins en exercice, plus de la moitié (58%) est âgée de 55 ans ou plus, laissant présager de nombreux départs à la retraite dans les années à venir (plus de 30% des ophtalmologistes du département ont plus de 60 ans).
« La loi 3DS permet aux Départements d’intervenir davantage dans le champ sanitaire, et c’est une véritable avancée, rappelle Dominique Santoni, la présidente du Conseil départemental. Par exemple, cette loi donne une base légale qui permet aux Départements d’assurer le recrutement du personnel de santé. Et avec la crise sanitaire, il y a nécessité de renforcer notre offre de soins. C’est un véritable choix politique. »
Les maires se sont déjà employés à réduire ses inégalités d’accès à la santé grâce à la création de 20 Maisons de Santé Pluridisciplinaires (MSP) labellisées en Vaucluse, mais cela n’est pas suffisant.
« C’est pour cela que nous avons élaboré un plan santé inédit et concret pour le Vaucluse, insiste la présidente du Département. Mais notre idée, ce n’est pas de concurrencer l’offre médicale existante mais de la compléter et d’apporter de nouvelles solutions. »
Faire du ‘cousu main’
Parmi ces solutions, le Département a bouclé le recrutement de 8 médecins généralistes. Ces derniers seront installés soit dans les Espaces Départementaux des Solidarité, soit dans des locaux mis à disposition par les communes. Quatre villes ont déjà été identifiées pour les accueillir : Valréas, Cadenet, Avignon et Apt. Cette mesure coûtera à la collectivité entre 800 000€ et 1M€ qui seront compensés par les aides et les financements de l’Assurance maladie.
« Notre plan départemental constitue une première étape, poursuit Dominique Santoni. Il a pour ambition de faire du ‘cousu main’ et de s’adapter aux besoins des communes. Là où il n’y a plus de médecins, nous pouvons intervenir avec notre recrutement. Là où l’offre de soins mérite d’être renforcée, nous pourrons soutenir et accompagner. Le tout, sans oublier le développement de nouvelles formes de médecine comme la télémédecine. »
Dans ce cadre, le Département souhaite notamment accélérer le déploiement de la télémédecine dans les EHPAD car de plus en plus de résidents ont des difficultés à trouver un médecin traitant et une consultation de spécialistes. Pour cela, le Conseil départemental veut former et déployer des référents télémédecine dans ces établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Chariots de téléconsultation et ‘bus santé’ itinérant
Le Département envisage aussi de développer des chariots de téléconsultation (chacun équipé d’un stéthoscope et otoscope connectés). Ils permettront de réaliser une consultation à distance, pour des examens élémentaires, avec un médecin tout en étant accompagné près de soi par un professionnel de santé (pharmacien ou infirmière).
Enfin, vu le succès des vaccinobus lors de la crise sanitaire du Covid le Conseil départemental ‘planche’ sur la mise en place d’’un bus itinérant pour aller partout sur le territoire.
« La santé mobile se développe de plus en plus dans notre pays et permet d’aller vers les Français les plus éloignés de la santé, constate Dominique Santoni. Le Département veut donc mettre en place un bus itinérant avec une équipe médicale qui irait dans les secteurs les moins bien lotis de notre territoire et qui s’adresserait à des populations qui ne peuvent pas ou plus se déplacer. »