22 novembre 2024 | Le moulin Bastide du Laval, de Cadenet à l’Elysée

Ecrit par Linda Mansouri le 6 août 2021

Le moulin Bastide du Laval, de Cadenet à l’Elysée

On ne compte plus les médailles d’or, d’argent et de bronze qui pleuvent sur le moulin à huile Bastide du Laval niché à Cadenet. Certains rumineront que ce sont toujours les mêmes qui gagnent. D’autres répliqueront que si les mêmes noms sortent du chapeau, ce n’est justement pas au gré du hasard… Rencontre.

30, c’est le nombre d’hectares de l’exploitation, répartis entre les oliviers, la vigne et les bois. Le lieu nous marque à l’arrivée, authentique. Une œuvre d’art onirique trône devant le moulin, la terrasse spacieuse et lumineuse invite à l’évasion et l’oliveraie en fond nous appelle de son chant estival. Visiter le moulin Bastide du Laval est une expérience à vivre au moins une fois.

Roland Coupat reçoit, explique, répond au téléphone, toujours avec bienveillance et humilité. Il nous explique pourquoi le moulin est unique, sa rigueur et son intransigeance sur la qualité de l’or vert. Arrive la visite des machines, chacune est une maille essentielle de la chaîne de production. Six groupes de colosses d’acier siègent dans la salle pour des centaines de milliers d’euros d’investissement. « Nous avons investit 400 000€ afin de multiplier par 3 nos capacités de production et continuer à répondre de manière qualitative à la demande », nous explique Roland Coupat.

Le paradis n’est jamais bien loin… © Moulin Bastide du Laval

Au moulin Bastide du Laval, une journée maximum s’écoule entre la récolte à la main et l’étape de trituration, 2h pour l’huile de top qualité du doux nom d’Ardence. Une rapidité d’exécution et une charte qui expliquent en partie les cinq médailles d’or remportées au Japon l’année dernière. « Les asiatiques sont très friands de nos huiles et les chefs étoilés des deux pays travaillent beaucoup ensemble », souligne Roland Coupat. Le moulin a également raflé l’or en Toscane, la « Mecque des fruitées vert » comme l’appelle le patriarche.

Ce qui fait la différence ? La rigueur du duo père-fils. C’est simple, chaque millésime est dégusté par les Coupat, installés confortablement près de la machine. Une vingtaine de paramètres est alors passée au crible et modifiée avec une précision d’orfèvre pour aboutir au breuvage parfait : température, malaxage, trituration, vitesse d’approvisionnement, extraction… L’homme fait fi du hasard lorsqu’il s’agit d’huile d’olive. Seule une science empirique et redoutable donne vie à l’élixir parfait.

Rapidement, il nous présente son chérubin de 30 ans, digne successeur de la firme, « je vous laisse avec le nouveau patron, on signe officiellement la paperasse dans quelques jours. » C’est que Roland Coupat a généreusement œuvré, d’autres projets lui font de l’œil. Le chef d’entreprise s’en va la tête haute et en toute quiétude, « j’ai une équipe formidable, je ne me fais absolument pas de soucis pour la suite de l’aventure. »

Du tourisme à l’or vert

Roland est petit fils de vignerons du Beaujolais, Carine est petite fille de paysans de la Drôme. Ils échappent pourtant à l’appel de la Terre et sont passionnés par l’aventure de l’entreprise. Après une carrière dévorante dans le tourisme aux Etats-Unis puis en France, ils vendent tout, maison et sociétés et ont le coup de foudre pour le domaine viticole d’une trentaine d’hectares dans ce petit village du Luberon. Ils s’attèlent pendant quelques mois à réorganiser le domaine et plantent plusieurs milliers d’oliviers. 

Afin de laisser aux arbres le temps de grandir, ils s’appuient sur leur expérience américaine et créent en juillet 1999 ‘Auto escape’, une société dont l’activité est basée sur un concept encore nouveau en France: courtier en location de voitures. La société se développe rapidement et 50 salariés rejoignent la structure à Pertuis. Devenue n°1 en France, elle attire les investisseurs et Roland et Carine décident de céder leur société au moment où elle entre en bourse. Elle sera ensuite rachetée par Expedia, n°1 mondial du tourisme en ligne. 

Entre père et fils. © Moulin Bastide du Laval

Entre temps, les arbres ont grandi, d’autres oliviers ont été plantés et aujourd’hui, l’exploitation compte 4000 arbres répartis sur 15 hectares.  Dans le même temps, Carine et Roland se sont formés patiemment à toutes les pratiques et techniques oléicoles en France et en Italie. Roland a complété sa formation en obtenant en 2010 un diplôme d’oléologue à l’université de pharmacie de Montpellier. Il est dégustateur certifié, et est régulièrement membre du jury dans des concours prestigieux comme le Concours général agricole de Paris.

Léo Coupat aux commandes

L’évolution amenait tout naturellement à la création d’un moulin à huile d’olive, cœur de l’activité oléicole d’un village ou d’une région. 2020 est une année de transmission au fiston, Léo, titulaire d’un Master en Management de Skema Business school, du diplôme d’oléologue et du statut de dégustateur officiel du Conseil oléicole international. Le jeune homme est né et a vécu ses 7 premières années au Etats-Unis. Il y a travaille en tant que manager de restaurant à Los Angeles, puis il se lance dans un projet et étudie les habitudes de consommation des américains incluant le ‘take away’ (à emporter). « J’aime beaucoup les Etats-Unis mais la différence culturelle est très importante », reconnaît Leo Coupat.

De retour à Paris, il se lance alors dans une aventure entrepreneuriale et crée ‘Trésor d’olive’, sa marque référencée dans 400 GMS françaises (Grandes et moyennes surfaces). « J’ai réalisé que très peu de marques françaises s’affichaient en rayon. La France importe ses huiles à 95%, l’huile française se vend bien mais le pays n’est pas tout à fait prêt à répondre à la demande, pointe le fils Coupat. J’ai alors voulu mettre en avant ce savoir-faire, une volonté partagée par la grande distribution. »

On ne les compte plus… © Linda Mansouri

Hors de question toutefois de cannibaliser l’activité des parents. Les choses sont claires dès le départ, les deux activités sont complémentaires, non concurrentes. « Mes parents me prêtaient leurs machines, et puis un jour mon père m’a proposé de reprendre la société », se remémore-t-il. Ce qui l’a convaincu ? La liberté d’action et de manœuvre : « j’avais carte blanche pour le développement stratégique, tant que j’étais efficace et que je faisais les choses correctement. » La pression des premiers jours laisse rapidement place au plan d’action et aux réussites. Le pari est relevé avec brio. Deux ans après, le chiffre d’affaires est multiplié par deux.

« Mon père a plus de 20 ans d’expérience, alors il est certain que j’aurai encore besoin de son expertise, poursuit-il. Une deuxième personne me complétera sur le volet technique et les décisions stratégiques ». Et d’ajouter avec ironie: « je ne peux pas être au four et au moulin ! » Question positionnement marketing et image de marque, Léo maintient sa ligne claire.

« J’ai envie que mes huiles soient accessibles par tous les publics, que le prix ne soit pas volé, mais en corrélation directe avec les coûts de production », ambitionne Leo Coupat. Les huiles du moulin s’exportent par le biais de revendeurs dans quelques pays tels que l’Angleterre ou le Japon, mais l’essentiel est consommé en France. Il est toujours plus avantageux de vendre chez soi pour bénéficier d’une plus grosse marge. Au moulin, 75% du chiffre d’affaires provient de la boutique, vitrine provençale des délices de la région.

Et l’Elysée ?

Comme la flopée de prix distinctifs ne suffisait pas, les Coupat font directement de l’œil au plus haut sommet de la République. « Mes parents travaillaient avec un chef étoilé de l’Elysée, Guillaume Gomez. Il a tout simplement adoré nos échantillons et quelques semaines après, il commandait 50kg pour les cuisiner. Le nouveau chef des cuisines, Fabrice Desvignes, a eu la gentillesse de nous appeler pour poursuivre la collaboration. Je me suis donc rendu à l’Elysée pour faire goûter mes huiles. La chaîne M6 en a d’ailleurs profité pour nous suivre toute la journée dans le cadre d’un reportage TV », nous raconte Leo Coupat. Mais alors, qu’est-ce qui différencie le moulin des tas d’autres typiques de la région ? De l’avis de Léo, la palette d’huiles proposées pour satisfaire tous les goûts. 9 élixirs balaient les saveurs, allant du fruité au citron en passant par le basilic et la tradition.

Léo, Président ! © Bastide du Laval

Beaucoup plus qu’un simple moulin

Partie intégrante du moulin, nous sommes rapidement attirés par la boutique de 90m2. Comme un aimant, l’ambiance chaleureuse nous appelle, on se sent ‘comme à la maison’. Véritable vitrine de l’art de vivre en Provence, huiles d’olive et produits du terroir rigoureusement sélectionnés, coups de cœur décoration, cosmétiques et cadeaux sont proposés dans un cadre lumineux. Bastide du Laval est un lieu de partage de divers univers aussi variés que la gastronomie, l’art, le sport et le bien-être, la cosmétique et la beauté, le monde de l’entreprise et de l’éducation, l’agriculture… Une grande salle de 200m2 et une cuisine équipée peuvent accueillir séminaires, réunions, conférences, formations et événements jusqu’à 100 personnes. L’extérieur est à disposition avec une vue magnifique sur le Luberon, le vignoble et une bastide provençale.

Détrompez, vous êtes bien au moulin à huile… © Moulin Bastide du Laval

Récolte à la main

La culture des oliviers se fait selon les principes de l’agriculture biologique et ici, le fertilisant roi est… le fumier. Celui-ci, composté, est riche en micro- organismes et permet d’améliorer les qualités du sol. Il libère, lentement et sur une longue durée, les éléments minéraux qu’il contient (azote, phosphore et potassium) et dont les arbres ont besoin. La récolte se fait manuellement, avec peignes et filets. Le moulin enfin : « quand on a pris tant soin de son produit, il n’est plus envisageable de prendre des risques lors de sa transformation. » L’huile extraite de ses olives doit être absolument conforme à son ambition. D’où l’idée, lentement mûrie dans l’esprit de Carine et Roland, de construire un moulin et de se former pour « triturer » eux-mêmes leurs olives, c’est-à- dire en extraire l’huile.

Tout, dans le bâtiment, a été conçu pour un impact minimal sur l’environnement et une autonomie maximale en énergie : orientation, isolation, respect de l’authenticité du site, utilisation de matériaux nobles et locaux. Hors du moulin, cette même philosophie prévaut : les grignons d’olives sont ré-utilisés en biocombustible pour chauffer le moulin. La pulpe d’olives est épandue après compostage pour fertiliser les sols. Traiter les olives dans son propre moulin permet de réduire au maximum la durée entre récolte et trituration, évitant ainsi tout risque de fermentation ou de perte d’arômes.

Roland Coupat aux côtés de ses machines © Linda Mansouri

La machine qui sert à l’extraction est de toute dernière génération. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la nouvelle arrivée est italienne, et plus précisément toscane, une région en pointe dans la fabrication d’huile d’olive au fruité vert. Il s’agit d’un moulin à deux phases, c’est-à-dire sans adjonction d’eau au cours de la trituration, ce qui permet à l’huile de conserver la plus grande partie des arômes contenus dans l’olive. Enfin, et dans ce même objectif, la technique d’extraction se fait à froid. Le produit phare, une huile typée « fruité vert », avec un taux d’acidité très bas, est le résultat de cet ensemble de facteurs, en particulier de cette méthode d’extraction, mais pas seulement ! Il faut aussi compter avec l’influence du terroir, les variétés, et la maturité optimale des olives.

Place à la dégustation ! © Moulin Bastide du Laval

Quelles variétés d’olives ?

5, c’est le nombre de kilos d’olives nécessaires à la production d’un litre d’huile… « L’ Aglandau (ou Verdale de Carpentras ou Béruguette selon les régions) est la variété d’olives la plus plantée en Vaucluse. C’est également la plus utilisée pour fabriquer les huiles d’olives de Bastide du Laval, bien qu’on trouve également les variétés Salonenque, Picholine, Bouteillan et Cayon. L’Aglandau et la Picholine sont les deux variétés françaises les plus riches en antioxydants, garants de bonne conservation de l’huile », nous explique avec gentillesse Julie Poullier, responsable communication. En bouche, on reconnaît leur présence par « l’ardence », c’est-à-dire un léger picotement en fond de gorge. Mention particulière pour les huiles aromatisées au citron et au basilic, rarement une huile n’aura autant stimulé notre palais à la dégustation.

Ecoutez le spécialiste. © Moulin Bastide du Laval

Plusieurs huiles pour tous les goûts

L’huile Fruité Vert (goût intense) se caractérise par un nez délicat avec des odeurs herbacées. En bouche, le fruité est intense et dominé par le végétal, l’artichaut cru, l’amande fraiche, le basilic. Et « n’oubliez pas, l’huile d’olive est un condiment, l’amertume et le piquant, gages de qualité et de fraîcheur, s’ils sont perçus lors de la dégustation, disparaissent quand ils sont associés à des aliments, » précise Léo Coupat. Seul demeure le fruité. Par ailleurs, le moulin a également développé toute une palette d’huiles aux arômes variés : la monovariétale Picholine (goût subtil), est plus douce avec un arrière goût de banane.

L’oliveraie se trouve dans la zone d’appellation d’Origine Protégée ‘Huile d’olive de Provence’, reconnaissance au Journal Officiel de l’Union Européenne, gage d’un terroir et d’un savoir-faire, mais aussi de traçabilité et de contrôle. L’huile Bastide du Laval porte donc l’appellation, certifiée en bio.

© Moulin Bastide du Laval

Le fruité noir (goût à l’ancienne – olives maturées) fait référence à la tradition en développant des arômes d’olives noires et de tapenade sans amertume ni ardence. L’huile au basilic bio qui broyé en même temps que les olives. Idem pour l’huile au citron bio, broyé et malaxé également avec les olives. L’huile à la truffe du Luberon est récoltée dans les collines de Cadenet et Cucuron.

Place à l’olétourisme

Après l’œnotourisme, l’oléotourisme est une notion qui a fait son chemin, portée d’un côté par des oléiculteurs qui savent que la rencontre directe avec leur clientèle est essentielle pour la sensibiliser à leur démarche de qualité, et de l’autre par des visiteurs impatients de pénétrer dans les coulisses d’un produit emblématique. Bastide du Laval a été pensé pour inviter le visiteur à s’attarder, pour mieux comprendre, sentir, déguster, apprendre…

Carine et Roland ont souhaité en faire plus qu’un lieu de transformation et de production, en développant un concept pédagogique autour du monde de l’olivier, de l’huile d’olive et de la Provence. Plusieurs formules de découverte s’offrent au visiteur (en Français et en Anglais) : pour les individuels : la visite est libre et gratuite. Un sentier balisé chemine parmi les oliveraies, des panneaux didactiques permettent de comprendre le fonctionnement du moulin et le tour se termine par une dégustation commentée et gratuite des huiles et vins du domaine.

Carton plein ! © Moulin Bastide du Laval

Et pour la suite ?

L’olive n’étant pas inépuisable, Léo souhaite développer la viticulture pour diversifier les revenus. Prochaine ligne dans l’agenda, envisager une collaboration avec les domaines emblématiques du territoire. « Ça ne sert à rien de planter pour planter, d’autres propriétaires de la région ont un savoir faire remarquable et trempent dans le métier depuis des décennies », reconnait Leo Coupat. 17 000 bouteilles sortent du moulin par an, l’objectif est de tutoyer les 30 000.

« On ne souhaite pas mettre la charrue avant les bœufs, mais il existe des vins de table très bon et à prix abordable. Beaucoup de restaurants veulent travailler avec nous, nous en sommes ravis », se réjouit-il. Les propriétaires d’oliviers ? Ils sont chaleureusement invités à apporter leurs olives au moulin pour repartir avec leur propre huile. Le jeune entrepreneur est en perpétuelle réflexion, animé par l’envie de faire prospérer la firme. Quantité de projets planent en tête, dont le développement du volet événementiel. Vous l’aurez compris, chez les Coupat, on se triture l’esprit comme on triture les nobles fruits.

Informations pratiques : Bastide du Laval Moulin à huile d’olive & Domaine. La Royère, 84160 Cadenet. T. 04 90 08 95 80. www.bastidedulaval.com

https://www.echodumardi.com/dossier/le-moulin-bastide-du-laval-de-cadenet-a-lelysee/   1/1