A la tête du Domaine des Bouzons, la famille Serguier. Il y a Marc, le père, Claudine la mère et Nicolas, le fils, tous acteurs de l’aventure familiale érigée il y a plus de 400 ans, qui continue d’inscrire son histoire au creux de ce qui fut un très ancien lit du Rhône.
Le domaine viticole des Bouzons s’étend sur 32 hectares, la plupart situés sur les plateaux et coteaux de la vallée du Rhône. Six générations se succèdent sur ces terres dont l’histoire débute avec la construction d’un mas du XVIIe siècle datant de 1632, juste à côté d’une belle source, toujours là, Chemin Manjo Rassado à Sauveterre-du-Gard, à quelques pas de Roquemaure. La spécificité du domaine ? La culture de la vigne en gobelet datant de plus de 65 ans sur des parcelles situées à 100m d’altitude, en milieu sec. Une longévité entretenue et rendue possible grâce aux vendanges faites à la main, seules capables d’offrir une terre reposée où le cep s’est durablement et confortablement installé. Côté cépages, pour les rouges il y a le Grenache, la Syrah, le Carignan et la Counoise. Pour les blancs Roussanne, Clairette et Viognier.
Il était une fois…
L’histoire de la famille Serguier s’inscrit au fil des générations. Nicolas, qui représente la 6e génération montante a pris la suite de son papa, Marc, qui, en 10 ans, lui a peu à peu cédé la culture pour continuer à travailler à la vinification et à la commercialisation tandis que Claudine a en charge la gestion, l’administration et également la commercialisation des vins du domaine. La révolution qu’a opérée Nicolas ? L’arrêt du désherbage qui, il y a cinq ans, se faisait encore avec des produits phytosanitaires, avant qu’il n’emmène le domaine sur l’agriculture raisonnée et décide de partir en bio.
Familial héritage
«Le domaine des Bouzons commence avec l’histoire de Marie-Félicité Bouzon qui, en 1846 épousera Jacques-Valentin Soulier, apportant en dot, le mas des Bouzons, où nous habitons, relate Marc Serguier. Ils accueillirent un fils Emmanuel, qui eut un fils Emile, qui eut Emmanuel qui eut une fille Gilette, ma mère qui épousa Marcel Serguier, mon père. Le côté vigneron ? Il vient surtout de mon père, car ses ancêtres étaient dans le vin dont un certain Nicolas Serguier qui fut vigneron au milieu du XIXe siècle, bien avant 1850, sans doute le précurseur de la famille dans la culture de la vigne, la vinification et sa commercialisation. C’est en mémoire de lui que mon épouse et moi-même avons prénommé notre fils Nicolas.»
Une révolution
Comment passe-t-on du mode conventionnel à bio ? «Notre famille a toujours été rétive à utiliser des produits qui seraient néfastes à la nature, notamment les insecticides, précise Nicolas Serguier. Nous travaillons en mode raisonné depuis bien 12 ans, par exemple en passant l’interceps –machine agricole- pour désherber entre les rangs et sous la vigne en lieu et place de produits désherbants. Notre plus grand atout ? Être situés sur un plateau bien exposé, ensoleillé où le Mistral passe, séchant la vigne après le passage de la pluie. Cette situation géographique idéale fait que les raisins sont à l’abri de la plupart des maladies puisque l’humidité ne s’installe pas. Et puis être en bio s’est accepter de traiter le moins possible –cuivre, soufre, huiles essentielles, notamment à base d’agrumes- et donc accepter un peu les maladies. Il faut avoir le vignoble le plus sain possible mais c’est le raisin que l’on ramasse, pas les feuilles. Alors on change de paradigme, apprenant à travailler différemment.»
Préserver la nature
«J’ai été élevé et j’ai grandi au milieu de la nature et des vignes, donc il est clair que je souhaite la préserver et c’est pour cela que je suis parti en bio, détaille Nicolas Serguier. Un exemple ? Je fais de l’enherbement au sol, entre les vignes, semant du Lin, de la Navette, de la Moutarde, du Trèfle incarnat, de la Vesce… Ce procédé empêche l’installation des adventices –mauvaises herbes- formant un paillis et permettant de restituer de l’azote au sol, l’enrichissant et le protégeant de la brulure du soleil tout en conservant l’humidité au pied des vignes. Également l’enherbement au sol permet la réapparition de la faune et la flore, nourrissant les abeilles, une foule de petits animaux, insectes et oiseaux ce qui crée des écosystèmes venus renforcer la bonne santé du lieu.»
Le bio, un pari risqué mais essentiel
«Évidemment se lancer dans le bio n’est pas sans danger, relève Nicolas Serguier, car il y aura toujours un risque de maladie même si, jusqu’à présent, nos vignes ont été assez épargnées. Mais, à bien y réfléchir, le bio ne devrait pas exister car c’est une façon de travailler authentique, empruntant aux savoirs faire d’autrefois. C’est pourquoi j’ai prénommé ma cuvée ‘L’authentique’. Et puis, la situation géographique intervient à plus de 60% sur la qualité de la culture selon qu’elle est soumise ou non à l’humidité. Notre rôle ? Aider la nature à donner ce qu’elle a de meilleur sans la dénaturer, en travaillant de façon écologique pour la préserver et l’aider à reconquérir l’espace.»
Le changement climatique
«Oui nous percevons le changement climatique, attestent Marc et Nicolas Serguier. Avant deux orages suivis d’averses rythmaient la mi-juillet et la mi- août correspondant à deux époques où le raisin a vraiment besoin d’eau. Mi-juillet lors de la fermeture de la grappe sur elle-même avec ses grains et mi-août, lors de la véraison lorsque le raisin passe de vert à noir. Cela fait bien 20 ans que le changement climatique se ressent poussant parfois les agriculteurs à irriguer certaines parcelles de leur vignoble pour acquérir les deux maturités : alcoolique et phénolique.»
Les cuvées
Au chapitre des rouges, en AOC (Appellation d’origine contrôlée) Côtes-du-Rhône rouge, il y a la cuvée ‘La friandise’ 80% Grenache, 15% Syrah et 5% Counoise (originaire d’Espagne). Sa robe est rubis pourpre, le nez exprime des fruits des bois rouges et noirs, une bouche équilibrée, fraîche et fruitée aux tanins fins.
La Félicité est 80% Syrah et 20% Grenache propose une robe rubis sombre avec un nez de fruits noirs comme la mûre et le cassis avec des notes de grillé et d’épices. La réserve est constituée de 80% Grenache et 20% Syrah. Sa robe est elle aussi rubis sombre et le nez détecte des fruits griottés et de bois vanillé. C’est un vin qui exprimera toute sa richesse et sa subtilité une fois carafé.
La cuvée Beauchamp villages est à 80% grenache et 20% Syrah. Sa robe est pourpre sombre avec des arômes de fruits noirs, fruits noirs confiturés et de réglisse.
La cuvée Réserve est à 80% Grenache et 20% Syrah. Elle provient de vignes à petit rendement. cette cuvée est élevée 20 mois en barriques de chêne selon des méthodes traditionnelles et ancestrales. Vendange manuelle, égrappage total. Légère filtration.Sa robe est rubis sombre. Le nez offre des notes de fruits griottés et de bois vanillé.
La cuvée l’Authentique est, elle, 100% Grenache. C’est la 1re cuvée de Nicolas Serguier qui a repris le travail de la vigne et du vin. Cette cuvée propose d’élégantes notes de fruits rouges, avec une belle longueur et concentration. «Cette cuvée doit son nom au film inspiré par les ouvrages de Marcel Pagnol, dans ‘Jean de Florette’ détaille Nicolas Serguier. Ce raisin a été récolté à la main, en cagette, égrappe à la main avec une cuvaison intégrale en barrique durant 33 mois.»
La cuvée Terre bénite Cuvée 100% Syrah, Terre Bénite est vendangée à maturité, égrappée à la main et vinifiée dans des tonneaux en bois. Son nez puissant dégage des arômes de fruits rouges, mûres et framboises. En bouche c’est une symphonie de saveurs de cacao, menthol… «La nature travaille toute seule, en harmonie souligne Nicolas Serguier. Le vin se fait tout seul, on ne le touche pas pendant 20 mois. »
La famille Serguier offre également un AOC Côtes-du-Rhône Blanc, Cuvée La Bellefont conçu à partir de 30% de Grenache blanc, 30% de Roussanne, 30% de Viognier et 10% de Clairette. La Cuvée bellefont présente un nez subtil d’agrumes, de fruits blancs et des notes florales. En bouche, ses notes sont minérales. Enfin, Nicolas propose un vin de pays du Gard rosé, créée à partir de 60% de Grenache et 40% de Cinsault. Le nez rappelle les fruits rouges et le bonbon Anglais. Il se révèle très friand en bouche.
En savoir plus
«Le Domaine des Bouzons emploie trois salariés et occasionnellement 4 ouvriers aux travaux de taille, travaux en vert et vendanges, précise Marc Serguier. Le Domaine produit 1 500 hectolitres dont 70% du volume en vrac est vendu à une clientèle de négoce qui suit le domaine depuis plus de 30 ans et 30% en caveaux, salons et restaurants. Près de 25% -compris dans ces 30%- part à l’export aux États-Unis. L’année 2020, avec la crise sanitaire, a beaucoup impacté le domaine qui a pu compter sur les ventes via son site Internet et les commandes passées par une clientèle fidèle.»