Le préfet de Vaucluse vient de dresser le bilan de la délinquance dans le département. Si une majorité de chiffres sont à la hausse, en raison notamment de la mobilisation sur le terrain des forces de l’ordre, le Vaucluse reste particulièrement marqué par les activités des narcotrafiquants.
« La majorité des indicateurs de la délinquance enregistrés dans le Vaucluse par les services de police et de gendarmerie sont à la hausse entre 2023 et 2024, notamment en ce qui concerne les infractions à la législation sur les stupéfiants (+6,3%), les violences physiques non crapuleuses (+11%), les violences sexuelles (+19,8%), ainsi que les escroqueries et infractions économiques et financières (+12%), constate Thierry Suquet, le préfet de Vaucluse lors du traditionnel bilan annuel de la délinquance dans le département. En revanche, le nombre de violences physiques crapuleuses est resté stable entre 2023 et 2024, les cambriolages poursuivent leur baisse (-8,3%) et les vols liés à l’automobile ont chuté de 6,2%. Au total, la délinquance générale augmente de 3,4%, contre une augmentation de 7,06% en 2023. »
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Un mouvement de fond
Comme l’an dernier, les services de l’Etat observe donc une hausse continue de la délinquance. Au cours des 5 dernières années, le niveau de la délinquance dans le département de Vaucluse n’a ainsi eu de cesse d’augmenter. En 2024, par rapport à 2023, la délinquance générale est en hausse de 4,56% en zone police et de 2,3 % en zone gendarmerie. Durant cette période, le département totalise 37 242 faits en 2024. Cela correspond à une augmentation globale de 2,6% par rapport à l’année précédente (36 024 faits).
Cette tendance est globalement cohérente avec celles observées au niveau national, notamment en matière d’infractions à la législation sur les stupéfiants et d’infractions économiques et financières, le département se trouve en revanche confronté à un nombre d’atteintes volontaires à l’intégrité physique bien plus important qu’au niveau national.
Nombre et évolution des faits constatés en zones gendarmerie et police
Intensification de la lutte contre le trafic de drogue
Entre 2023 et 2024, les infractions à la législation sur les stupéfiants dans le Vaucluse ont augmenté de 2,4% en zone gendarmerie (2 279 infractions relevées) et de 11,57% en zone police (2 344 infractions relevées).
Des augmentations qui s’expliquent en partie par le harcèlement des forces de l’ordre à l’encontre des narcotrafiquants et de leurs clients.
« Cette augmentation de la délinquance est liée directement à la présence renforcée des services de police et de gendarmerie sur le terrain, précise le préfet. Elle se traduit aussi par une hausse des quantités saisies ainsi que l’augmentation des amendements forfaitaires délictuels qui permettent de sanctionner la consommation de stups ou les occupations de halls d’immeubles. »
La hausse exponentielle des quantités de produits stupéfiants saisis en Vaucluse au cours des 5 dernières années illustre cette offensive croissante des forces de l’ordre contre le narcotrafic.
Herbe et résine de cannabis : +76% de saisies par police nationale (1,37 tonne en 2024 contre 778 kg en 2023), -32,7% en secteur gendarmerie (89,5kg en 2024 contre 133kg en 2023), 250kg de saisies par les douanes d’Avignon. Cocaïne saisies : +35% en zone police (31,4kg en 2024 contre 23,2kg en 2023), diminution de 50,26% en zone gendarmerie (4,8kg en 2024 contre 9,7kg en 2023), 15kgs par les douanes d’Avignon. Autres produits (héroïne, ecstasy, champignons hallucinogènes…) : environ 5kg. Au total, près de 1,765 tonne de drogues en 2024, soit 80% de plus qu’en 2023.
Visuel 2
Évolution de la quantité des produits stupéfiants en Vaucluse
La chasse est ouverte pour les usagers de stupéfiants
En corollaire de cette ‘guerre’ contre les trafiquants, la lutte contre la consommation de stupéfiants s’est intensifiée en 2024 à travers le recours aux amendes forfaitaires délictuelles (AFD). « J’insiste sur l’importance aussi sanctionner le consommateur », précise Thierry Suquet. Dans cette optique, ces amendes pour usage de stupéfiants ont triplé en Vaucluse depuis 2021 (2 754 en 2024 contre 901 en 2021). Dans le même temps, 20 AFD pour occupation de hall d’immeuble pour les services de gendarmerie ont été dressé en 2024, contre 0 l’année précédente.
« Sur l’année à venir, nous souhaitons augmenter les contrôles de terrain, le recours aux AFD et la présence sur les points de deal », prévient déjà le préfet.
« La question n’est plus de se demander si l’on peut saisir les biens des narcotrafiquants mais comment nous allons les saisir. »
Florence Galtier, procureure de la République du tribunal judiciaire d’Avignon
« Sur Avignon, nous recensions 24 points de deal, aujourd’hui nous en comptons une douzaine », complète pour illustrer les résultats de ce ‘harcèlement’ Florence Galtier, procureure de la République du tribunal judiciaire d’Avignon.
« On met en place plusieurs façons de s’attaquer à ces trafics, poursuit la procureure. Evidemment, l’interpellation, la répression et la condamnation mais également la saisie des avoirs financiers. Car si la case détention est quelque chose qui est parfaitement intégré par les délinquants, nous faisons le constat que la saisie des avoirs est un axe particulièrement efficace dans la lutte contre ces trafics. Que ce soit au niveau des produits mais aussi des biens et des immeubles. Aujourd’hui, la question n’est plus de se demander si l’on peut saisir les biens des narcotrafiquants mais comment nous allons les saisir. »
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Même cause et même effets pour ressort voisin de Carpentras. « Les priorités sont identiques, précise Hélène Mourges, procureure de la République du tribunal judiciaire de Carpentras
Cela se déclinent notamment par une présence très importante des forces de sécurité sur les zones de vente sont interpellées de manière journalière des personnes travaillent comme ‘charbonneur’ ou comme guetteur. Donc, une politique extrêmement offensive tant des forces de sécurité à l’intérieur mais aussi des réponses pénales qui y sont apportées. »
Dans cette ‘guérilla’ contre le trafic et l’usage de stupéfiants en vaucluse, « les fermetures administratives et les fermetures judiciaires constituent un angle d’attaque contre les établissements qui blanchissent l’argent des trafics », poursuit Hélène Mourges.
L’outil des fermetures administratives
« Les fermetures administratives temporaires sont un levier essentiel pour prévenir les troubles et les nuisances de voisinage générés par certains commerces, sanctionner les irrégularités dans le domaine sanitaire, de vente de tabac, d’emploi de travailleur non déclaré voire en situation irrégulière, et pour lutter contre le narcotrafic, complètent les services de la préfecture. En effet, certains pseudo-commerces peuvent participer aux trafics directement, comme lieu de deal, ou indirectement, à travers le blanchiment d’argent. »
En 2024, les services de l’État ont procédé à 51 fermetures administratives : 18 pour vente illicite de tabac (13 en 2023, +38,5%), 16 pour atteintes à l’ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques (12 en 2023, +33,3%), 1 pour des infractions aux lois et règlements relatifs aux débits de boissons (1 en 2023), 3 pour des infractions aux règles sanitaires ainsi que 13 pour des infractions aux dispositions du Code du travail.
Jusqu’à 30 000€ par jour pour un point de deal
En tapant au porte-monnaie, les deux tribunaux judiciaires de Vaucluse ont ainsi saisi 300 000€ en 2024 pour le ressorte de Carpentras et près de 500 000€, dont 127 000€ en cryptomonnaies, pour celui d’Avignon. Pour autant, la marge semble importante quand l’on sait qu’un point de deal vauclusien peut rapporter jusqu’à 25 000 à 30 000€ par jour.
En parallèle, le narcotrafic engendre des violences alimentées par le trafic d’armes, qui implique par ricochet une multiplication des saisies d’armes. Ainsi, 319 armes ont été saisies sur le département en 2024 (181 en zone gendarmerie et 138 en zone police). Côté volet volet administratif, 284 procédures de dessaisissement d’armes au motif d’ordre public ont été réalisées en 2024 (x3 en trois ans).
Davantage d’agressions gratuites et de violences sexuelles
Le bilan de la délinquance en Vaucluse ne se limite pas aux narcotrafics. En 2024, atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes ont aussi enregistré une forte hausse (+716 faits en 2024, soit une augmentation de 11 %).
Dans le détail, les violences physiques crapuleuses (violences qui ont pour but le vol, l’appropriation d’un bien : braquage, vol à main armée, vol avec violences) baissent de 16 faits, soit – 4,4 % (363 faits en 2024 contre 379 faits en 2023). Lles violences physiques non crapuleuses (violences gratuites, qui ne sont pas liées à l’atteinte aux biens) augmentent de 438 faits, soit +11% (4 415 faits en 2024 contre 3977 faits en 2023). Plus de 60 % des AVIP constatés relèvent de violences physiques non crapuleuses. Les menaces et chantages augmentent de 172 faits, soit +10,9 % (1749 faits en 2024 contre 1577 faits en 2023). Les violences sexuelles augmentent de 113 faits, soit +19,8 % (684 faits en 2024 contre 571 faits en 2023).
Les violences envers les femmes majeures
(nombre de victimes par type d’infraction)
Parmi ces victimes de violences, les vauclusiennes restent toujours particulièrement exposées. En 2024, les services de police et de gendarmerie ont enregistré les plaintes de 3 583 femmes majeures. Il s’agit d’une augmentation de 2,8% sur un an. Les violences à caractère sexuel : parmi ces plaintes, 312 (9%) invoquent des faits de harcèlement, d’agression ou d’atteinte sexuelle, de proxénétisme ou de viol. Les plaintes pour viol représentent la plus grande part (118 viols). Un tiers d’entre eux se déroule dans le contexte familial.
Si aucun féminicide ni homicide n’est survenu en Vaucluse dans un contexte familial en 2023, deux femmes ont été tuées en 2024. Une femme de 85 ans a été tuée par arme à feu par son mari à Pertuis en novembre et une jeune femme de 24 ans a été assassinée par strangulation en décembre à Avignon, après avoir subi des actes de torture et de barbarie.
Les plaintes des femmes majeures concernent à 70 % les infractions suivantes : les coups et blessures volontaires représentent plus d’une plainte sur deux : 1 783 victimes en 2024 contre 1 495 victimes en 2023 (+19,2%). Cette infraction se déroule dans 74 % des cas dans le contexte familial. Les menaces ou le chantage, qui constituent la deuxième infraction, représentent 738 plaintes en 2024, contre 655 en 2023 (+12,6%). Cette infraction se déroule dans 29% des cas dans le contexte familial.
« Dans une année marquée par le procès Pélicot, il est important de rappeler que la victime ne doit pas rester seule », martèle Florence Galtier, procureure de la République du tribunal judiciaire d’Avignon.
Les escroqueries et infractions économiques et financières
Les EIEF (Escroqueries et infractions économiques et financières) comprennent les escroqueries d’une part (3 949 infractions constatées en 2024, soit 93% des EIEF), ainsi que les infractions économiques et financières d’autre part (302, 7%). En 2024, les EIEF sont en hausse de 12 % en moyenne (4 251 en 2024 contre 3787 en 2023). Ce sont les infractions économiques et financières qui augmentent le plus (+41,8%). Parmi ces faits constatés, 1088 ont été élucidés.
Sur les infractions économiques et financières, la tendance du département de Vaucluse est globalement cohérente avec les tendances haussières observées au niveau national entre 2023 et 2024. Cependant, sur les escroqueries, les chiffres se stabilisent au niveau national (+0,2% par rapport à 2023) alors qu’ils continuent de croître sur le département (+10,5%).
« Tous les indicateurs sont au rouge sur l’insécurité routière. »
Thierry Suquet, préfet de Vaucluse
Sécurité routière : une mauvaise année
Enfin, concernant l’insécurité routière, « ce n’est pas une bonne année, reconnaît le préfet de Vaucluse. Avec 41 décès (+ 41%), 781 blessés (+78%) et 606 accidents (+80%), tous les indicateurs sont au rouge sur l’insécurité routière et c’est particulièrement visible pour les deux roues motorisées (15 décès soit 37% de l’ensemble de la mortalité routière 2024. »
Dans 68 % des cas, les personnes décédées sont ‘présumées responsables’ de l’accident. Il est à noter que cette répartition s’inverse, en ce qui concerne les blessés, ou 63 % sont ‘présumés non responsables’.
Les mois les plus meurtriers en 2024 ont été mai, juin, juillet et décembre. Ils concentrent à eux seuls 54 % des tués de l’année. À la différence de 2023 où les accidents du dernier trimestre concentraient 43 % des accidents et 41 % des blessés, l’année 2024 semble plus homogène avec une moyenne mensuelle plus élevée d’accidents et ce dès le mois de mai (50 accidents contre 14 en 2023). Deux pics notables pour les mois juin/juillet (22 % de l’accidentalité 2024) et octobre (10 %).
Les accidents mortels ont lieu hors agglomération dans 74 % des cas (62 % sur la période 2018/2022) et en agglomération dans 26 % des cas (27 % sur la période 2018/2022). Aucun mort sur l’autoroute en 2024, contre 1 en 2023.
En 2024, ce sont 1768 suspensions de permis de conduire qui ont été prononcées (+7%), dont 667 pour alcoolémie, 704 pour stupéfiants et 364 pour excès de vitesse.
Laurent Garcia
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Combien d’agents pour lutter contre la délinquance en Vaucluse ?
Actuellement la police nationale dispose de 726 agents en Vaucluse (commissaires, officiers, gradés et gardiens, policiers adjoints, contractuels, personnels administratifs techniques et scientifiques). Elle compte également 83 réservistes, répartis dans les 4 circonscriptions de police (Avignon, Carpentras, Cavaillon et Orange) du département.
« Des effectifs qui vont être renforcés dès la semaine prochaine par 15 policiers supplémentaires » annonce Emmanuel Desjars de Keranrouë, directeur interdépartemental de la police nationale de Vaucluse.
Côté gendarmerie, dont la zone d’intervention couvre 146 communes sur 151 en Vaucluse, l’effectif total est de 708 personnels (officiers, sous-officiers, gendarmes, contractuels et civils) et 550 réservistes répartis dans les 4 compagnies (Avignon, Carpentras, Orange et Pertuis), l’escadron départemental de sécurité routière et une maison de protection des familles. Dans le cadre du programme nationale de création de 200 nouvelles brigades, le Vaucluse accueille la brigade mobile de la Tour d’Aigues depuis juin 2024 alors que celles de Courthézon et la brigade fixe de Caromb devraient l’être à horizon 2027.
Enfin, la direction régionale des douanes d’Aix-en-Provence dispose de trois services basé à Avignon : la Brigade de sécurité intérieure (BSI) d’Avignon, le centre Contributions Indirectes Viticulture et le bureau de douane d’Avignon. Cela représente une cinquantaine de personnes. A cela s’ajoute les effectifs des différentes polices municipales de Vaucluse dont 53 ont conventionné (+3 par rapport à 2023) avec les services de l’Etat afin de mieux coordonner leurs avec celles de la gendarmerie ou de la police.
Crédit : Police nationale de Vaucluse/Facebook