En Provence comme ailleurs, un drone identifié dans l’espace aérien est soumis à une multitude d’autorisations. Cédric Nieto, instructeur télépilote chez Drone up academy, fait une piqûre de rappel salutaire.
C’est avec un fusil qu’ils ont tiré. Des riverains ont tout bonnement sorti l’artillerie et pris pour cible un drone professionnel d’environ 2000€ lors d’une formation dispensée par Cédric Nieto. Ironie du sort, l’incident a eu lieu quelques jours après la diffusion d’un reportage. Le sujet ? Une communauté de Roms utilisant des drones pour préparer de futurs cambriolages.
Dans un océan d’informations dissonantes, quelques fois anxiogènes, Cédric Nieto aime à le rappeler : le drone professionnel et réglementé existe au côté du drone loisir. Dans les deux cas, suivre une formation et détenir un certificat d’aptitude est obligatoire. Nombreux sont les imprudents qui, une fois au tribunal, plaideront un lacunaire : « Je ne connaissais pas la réglementation française ».
Un drone au dessus des arènes de Nîmes lors d’un concert de Lenny Kravitz, au-dessus de l’aéroport Toulouse-Blagnac (empêchant accessoirement les avions d’atterrir), ou au-dessus d’un incendie pour immortaliser les flammes : la sentence est redoutable. En Isère, 14 brebis sont mortes après avoir chuté dans un ravin. Les bêtes, prises de panique à cause d’un drone qui volait à proximité, se sont retrouvées prises au piège selon leur berger.
Les appareils ailés se démocratisent à vitesse grand V. Et pour cause, pour 600€ en entrée de gamme, tout amateur peut se procurer un drone sans même présenter un certificat de pilotage à la caisse. Leur bourdonnement au-dessus de nos têtes suffit à titiller notre curiosité. Au loin, le propriétaire est concentré, tient la radiocommande, vire bâbord puis tribord. En a-t-il seulement le droit ?
Premières questions qui éveillent les soupcons : porte-t-il le gilet de sécurité orange ? Existe-t-il des chevalets positionnés autour de lui ? Force est de constater la signalétique balbutiante. Au sein de Drone up academy, le vauclusien Cédric Nieto, ancien militaire de onze ans au sein de l’Armée de terre, prodigue les fondamentaux : demandes d’autorisations nécessaires et règles de pilotage. L’organisme certifié depuis 2019 et basé à Toulouse peut se targuer d’avoir à sa tête Nicolas Frachet Garnier, ancien employé d’Airbus et coutumier des codes aéronautiques.
75.000€ d’amende, 1 an d’emprisonnement
« Les forces de l’ordre privilégiaient auparavant la sensibilisation. Depuis janvier 2021, une cellule a été créée à Paris, uniquement dédiée au visionnage des vidéos de drone. On passe vraiment à de la répréhension », alerte Cédric Nieto. Une surveillance de la Gendarmerie des transports aériens (GTA) d’autant plus légitime dans notre région. « Le Vaucluse et la région toulousaine font partie des zones les plus difficiles à survoler. On a beaucoup d’interdictions, de zones nucléaires, militaires, des zones de basse altitude de l’armée. Toutes ces zones empiètent les unes sur les autres », explique l’instructeur. Hôpitaux, centrales nucléaires, terrains militaires, prisons, sites industriels, aéroports… font partie des zones interdites de survol.
Qu’il soit utilisé dans le cadre des loisirs ou d’une activité professionnelle, le pilotage d’un drone est soumis à un bon nombre de règles édictées par la DGAC (Direction générale de l’aviation civile). Conditions de vol, zones de survol autorisées, altitude maximum, enregistrement de l’appareil… le cadre réglementaire est très précis. Ne pas le respecter peut entraîner de lourdes sanctions : jusqu’à 1 an emprisonnement et 75.000€ d’amende.
A Drone up academy, les futurs pilotes suivent une formation pour décrocher leur certification DronEdifice RS5523 enregistrée chez France Compétences. Cette certification atteste de l’obtention de tous les titres obligatoires permettant des vols professionnels (attestation pratique, théorique,…), relatif aux aéronefs civils qui circulent sans personne à bord. La formation est donc reconnue par l’’Etat et est conforme aux exigences de la Direction navigabilité, du ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer et encadrée par le Code de l’aviation civile et par le Code des transports.
C’est sans doute la première des règles à connaître. Il est strictement interdit de survoler tout espace public (y compris fleuves et parcs) en zone urbaine (ville, agglomération) ainsi que toute propriété privée (que ce soit à la campagne ou en pleine ville). En dehors des espaces urbains, vous pouvez utiliser votre drone à peu près partout, en évitant toutefois le survol ou la proximité de certains sites dits sensibles. Sous réserve évidement de détenir les autorisations.
Élaborée par la DGAC et l‘IGN, une carte interactive recense les zones de restriction ou d’interdiction de survol en France. L’application Géoportail drone permet de géolocaliser le pilote et de centrer la carte automatiquement sur sa position. Plusieurs couleurs indiquent dans quelle zone de survol il se trouve. En rouge : les zones d’interdiction de survol. Les autres couleurs indiquent à quelle hauteur il peut voler, sachant que la hauteur maximale de survol est de 120m à partir de la zone de décollage.
Financée par le compte CPF
« On est loin du jouet, la partie réglementation est très importante », souligne Cédric Nieto. A Drone up academy, l’accent est mis sur la théorie : quel est le cheminement pour décrocher les autorisations des espaces aériens ? Qui solliciter : l’Armée de l’air, la préfecture ? En d’autres termes, comment « désactiver les zones interdites » pour pouvoir voler de manière légale ? Des travaux pratiques sont également au programme : comment décoller et atterrir en toute sécurité ou établir la zone d’exclusion des tiers afin de limiter les risques en cas d’atterrissage d’urgence ou de crash.
La formation, éligible au financement CPF (Compte personnel de formation), se déroule sur 38h en présentiel à Aubignan. Ajoutées à cela, 39h de formation théorique via Drone exam. L’examen théorique à la DGAC est régionalisé et se déroule à Aix-en Provence. La combinaison de l’examen théorique et du certificat de formation délivré par ‘Drone up academy’ permet au pilote professionnel de faire voler son joujou.
Parmi les personnes qui viennent se former à ‘Drone up academy’, beaucoup de professionnels souhaitant utiliser les drones dans le cadre de leur métier, mais aussi, des retraités, des « secondes vies », ou des personnes souhaitant être en conformité pour leur loisir. « On transmet les fondamentaux. A eux de choisir ensuite s’ils veulent faire du loisir, de la prise de vue, ou du professionnel. On reçoit beaucoup de demandes en Vaucluse », se réjouit Cédric dont les formations peuvent aller d’Aix jusqu’à la région lyonnaise.
Quels secteurs d’activité ?
Plus précis, plus économe, plus fiable, le drone remplace l’homme dans certains domaines d’activités. « On ne l’utilise pas seulement pour faire de belles images », pointe Cédric Nieto. Dans l’agriculture, l’aéronef est utilisé dans la recherche de plantes toxiques et dans les techniques d’épandage ciblé. Les drones sont également plébiscités dans le cadre d’enquêtes de gendarmerie grâce à la caméra thermique. « Cela réduit considérablement le temps d’enquête pour trouver des individus. L’utilisation s’est démocratisée durant les confinements d’ailleurs », se souvient Cédric Niéto.
Autre domaine, l’orthophotographie est un assemblage d’images donnant un visuel précis d’une large zone géographique. Ce rendu est obtenu à l’aide de plusieurs images hautes résolutions prises par les drones. Un des avantages de l’orthophotographie par drone est de pouvoir effectuer des opérations sur sites dangereux ou inaccessibles à pied. En témoigne le drone Elios 2 de Flyability en inspection à Tchernobyl.
Grâce à l’analyse du modèle 3D d’un terrain, ou de stocks de matières à inventorier, il est possible d’obtenir des cubages (qui correspondent à des mesures volumétriques de matériaux), ainsi que des tonnages et des modèles topographiques de zones délimitées. La photogrammétrie par drone permet de réaliser des mesures de volumes, de distances et de surfaces.
Cette technique est très intéressante pour les centrales de production d’énergie, le secteur minier, le BTP ou encore la gestion territoriale. Cubages, relevés de terrain, modèles d’élévation, modélisation de route après travaux, de carrière… Le drone est l’outil idéal pour effectuer un suivi de chantier. Les données ainsi recueillies depuis les airs et leur intégration dans les projets d’aménagement permettent de mieux appréhender les volumes.
« L’entreprise ou la collectivité fait en vingt minutes ce qui prend habituellement deux à trois jours », conclue Cédric Nieto. Le drone ouvre décidément tout un tas de nouveaux horizons.