Paul-Roger Gontard, adjoint au maire d’Avignon, en charge du développement territorial urbain et aux grands projets, entouré de conseillers municipaux, a déclaré la guerre à la propagation des locations saisonnières de courte durée. A partir du 1er janvier 2026, chaque propriétaire devra faire une déclaration de propriété et sera assujetti à un seuil maximum de 90 nuitées par an –contre 120 jours au niveau national- et ne pourra détenir plus de deux propriétés de location de courte durée. Cette disposition devrait être votée lors du prochain conseil municipal. Avignon compte plus de 2 200 locations saisonnières de courte durée, dont le plus grand nombre se situe dans l’hyper centre historique de la Cité papale. Il y en aurait plus de 15 000 en Vaucluse.
Rendez-vous était donné, en milieu de cette semaine, devant le 7 rue d’Annanelle dans l’intramuros d’Avignon, au pied du trottoir du mobilier urbain, une barrière et sur celle-ci deux boîtes à code contenant des clefs de location de courte durée. Voilà, le loup est entré dans la bergerie, ou pire, la lèpre qui désertifie la ville. Autour de Paul-Roger Gontard, Jean-Marc Bluy, ajoint au centre-ville, Joanne Textoris conseillère municipale à la ville-jardin, jardins partagés et parcs naturels urbains ; Fabrice Tocabens délégué à la ville apaisée et respirable ; Laurence Lefevre ajointe à la propreté et à la qualité de vie.
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Un inquiétant constat
«Depuis 2004, une nouvelle loi, désormais, gouverne ce sujet dans notre pays, a commencé Paul-Roger Gontard, adjoint au maire d’Avignon, en charge du développement territorial urbain et aux grands projets. Elle donne la possibilité aux communes de se saisir du sujet et de créer une réglementation spécifique pour chaque ville afin d’encadrer les logements locatifs de courte durée. Si nous sommes une ville touristique, nous sommes aussi une ville avec des habitants qui ont des besoins de logements. Aujourd’hui, ces deux besoins entrent en concurrence or, un chiffre tout simple nous a interpelés : les Airbnb ont doublé en 8 ans dans notre ville.»
A l’origine, un coup de pouce
«Finalement à l’origine et l’essentiel d’Airbnb, était la mise à disposition de son logement, pour pouvoir faire un peu de beurre dans les épinards, resitue Paul-Roger Gontard, mais certainement pas d’en faire une activité économique à part entière, et encore moins d’en faire un dispositif qui fait basculer l’immobilier.»
La location de courte durée, une nouvelle lèpre pour la ville ?
«La principale concentration de ces locations de courte durée figure dans le centre ancien d’Avignon. Ainsi, Avignon a subi, l’an dernier, une baisse de 4% de résidences principales en son centre-ville et une augmentation de 3% de résidences secondaires. Il y a donc bien un glissement de l’un vers l’autre. La location de courte durée devient une activité économique déguisée. Ce glissement conduit à multiplier les logements vacants puisque ces locations de courte durée, empêchent l’installation de résidents occupants qui nourriraient un échange avec la ville tout au long de l’année.»
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Quand la location saisonnière déconstruit le logement
«Lors de l’achat d’immeuble, l’investisseur va chercher à optimiser l’espace pour le rentabiliser et, donc, ‘fabriquer’ le plus possible de petits logements. Les personnes de passage demandent peu de confort au regard des quelques jours qu’elles y passent, contrairement à celles qui s’y installent à l’année. Donc ce curseur-là est aussi déterminant pour la préservation et la conservation du patrimoine immobilier de la ville. Ces divisions intérieures de logements empêcheront, demain, de faire venir des familles dans le centre ancien.»
Recensement, diagnostic et enjeu
«Nous disposons d’un zonage aujourd’hui, il nous faut avoir une photographie encore plus précise à la rue, à l’immeuble, parce que nous sentons bien qu’il y a une pression, sur une partie de la ville –l’hyper-centre ancien-, à ce sujet, et que cela porte atteinte à l’équilibre de celle-ci, sans parler des dommages causés à l’activité hôtelière ou à la location de résidences de longue durée. Nous avons également calculé que le seuil de rentabilité, pour une location saisonnière, se faisaitt à un peu plus de 90 jours. En abaissant le chiffre de 120 jours –au terme de la Loi nationale- à 90 jours à Avignon, l’objectif serait d’inciter les propriétaires à prendre un locataire à l’année.»
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Témoignages
«Je réside au centre-ville depuis 30 ans, abonde Joanne Textoris, conseillère municipale. Face à ma maison, il y a un petit immeuble qui a été divisé en petits appartements où résident des personnes venues pour 15 jours, un ou deux mois, mais pas davantage. Ce qui veut dire que l’on se prive de bonnes relations de voisinage. On ne se connaît plus. Tisser du lien social avec les voisins devient de plus en plus éphémère. D’abord, parce que les gens du centre-ville vieillissent et disparaissent, et qu’ensuite, il n’y a plus que des gens de passage qui, non plus, ne prennent pas soin de la rue, des lois, qui laissent les poubelles n’importe où se garent n’importe où. Donc c’est un problème qui affecte la vie sociale de tous les jours en centre-ville.»
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Une question de propreté
«Je suis adjointe à la propriété urbaine, glisse Laurence Lefevre. Donc, je suis souvent interpellée et fais intervenir la brigade de l’environnement pour contrôler les sacs qui sont laissés, gisants, sur le bord du trottoir, de la route… Très souvent, ils gisent à côté d’une boîte à clés. C’est-à-dire qu’il s’agit souvent d’usagers de locations saisonnières de courte durée peu ou pas renseignés sur les horaires de collecte et les points d’apport volontaires. Alors, c’est vrai que ça peut paraître accessoire, mais c’est très important pour le cadre de vie des Avignonnais. Cela participe à l’accueil qu’ils ont également d’Airbnb, qui s’est considérablement développé. Je milite pour que ces dispositifs dispensent les informations pratiques, afin que les visiteurs s’adaptent à notre ville, et non pas la ville à Airbnb. C’est très important, parce que les riverains, eux, demeurent ici toute l’année et sont acteurs qui participent au dynamisme de la ville. C’est la raison pour laquelle les loueurs seront sensibilisés à dispenser les informations nécessaires à leurs locataires.»
L’arme du crime
«Nous avons d’importants signalements de citoyens et d’élus qui marchent dans la ville et voient de trop nombreuses boîtes à clefs, reprend Paul-Roger Gontard. Ici, ces deux boîtes sont accrochées, sans autorisation, sur le domaine public. D’autres sont apposées sur des façades alors qu’il faut une autorisation de la copropriété. Il faut que cela cesse, conclut Pierre-Roger Gontard, qui appose sur chaque boite une étiquette datée. Si dans 15 jours les boites ne sont pas retirées du mobilier urbain, elles seront coupées et remises aux objets perdus.
Les chiffres de la location saisonnière
En 2022, près de 23 millions de nuitées ont été passées en Provence-Alpes-Côte d’Azur via des plateformes en ligne. C’est le chiffre le plus élevé de France. La France est d’ailleurs le pays de l’Union Européenne qui totalise le plus grand nombre de nuitées de ce type d’hébergement : Airbnb, Booking, Expedia Group et Tripadvisor. La moitié de ces réservations se fait en période estivale. Ce volume de fréquentation est du même ordre de grandeur que la totalité des nuitées passées dans les hôtels classiques, Paca ne se classant que 3e derrière l’Ile-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes. Airbnb totalisait plus de 660 000 annonces de locations de courte durée en France en 2023 (source : INSEE).
Taxe de séjour, ce que touche le Vaucluse
En 2021, Airbnb avait reversé 400 000€ de taxes de séjour à Avignon et 570 000€ en 2022 ;150 000€ pour l’Isle-sur-la-Sorgue, 100 000€ pour Gordes ; 50 000€ pour Apt et 50 000€ pour Cavaillon. Au total, Airbnb a versé plus de 148M€ de taxes de séjours aux communes françaises. Un volume en croissance de 60% en 2022 par rapport à 2021.