« Le taux de mortalité des abeilles domestiques est estimé entre + 20 et + 30% par an, deux fois supérieur aux abeilles sauvages, » c’est ce qui ressort d’une rencontre qui vient de se dérouler à l’Unité « Abeille & Environnement » de Montfavet. Ce laboratoire de 528m2, inauguré en novembre 2022 au Domaine Saint-Paul de l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), sur le site d’Agroparc, abrite des chercheurs en apidologie (branche de l’entomologie spécialisée dans l’étude scientifique des abeilles).
Ils consacrent leur vie à la santé des abeilles et constatent un affaiblissement des colonies d’abeilles pour nombre de raisons. L’intensification de l’agriculture, le recul de l’habitat naturel, les prairies et les haies, la diffusion de pathogènes, de prédateurs, de parasites, d’espèces invasives (comme le varroa et le frelon asiatique), de pesticides, de polluants, de métaux lourds, de plastiques sans oublier le réchauffement climatique. Tous ces facteurs altèrent le sens de l’orientation des abeilles qui ont du mal à retourner dans leurs ruches. « Depuis 1990, le cheptel est frappé par une mortalité importante et des efforts de recherche inédits ont été déployés pour comprendre ce phénomène d’effrondrement, le ralentir voire l’enrayer » explique-t-on du côté de l’INRAE.
ll faut savoir qu’Avignon est au coeur de ces recherches puisque la 1ère station d’apiculture expérimentale remonte à 1956 à Montfavet. Et depuis, les scientifiques ont sélectionné des abeiles plus résistantes aux parasites. Ils préconisent aussi un paysage plus varié avec davantage de fleurs et d’habitats naturels, et moins de pesticides.
Le frelon à pattes jaunes a été détecté pour la 1ère fois en France il y a 20 ans. Selon une étude, la mortalité du cheptel apicole est estimée à 29,2% en France, engendrant des pertes économiques pouvant atteindre 30,8M€ par an pour la filière du miel. Parmi les solutions trouvées par l’INRAE et leurs confrères de l’Université d’Exeter en Grand-Bretagne, la « radiotélémétrie » qui consiste à capturer un frelon devant une ruche, de l’équiper d’une balise radioémettrice, de le géolocaliser, de le suivre juqu’au nid pour détruire tous ses occupants. Autre scénario mis au point par les chercheurs : tester une « harpe électrique » dont les fils sont suffisamment espacés pour laisser passer les abeilles mais pas les frelons. Ils subissent une décharge électrique façon « taser » et tombent dans un bac d’eau posé au-dessous. Ce dispositif testé l’an dernier à proximité de 8 ruches a permis de capturer 18 000 frelons en seulement 4 semaines dans un rucher expérimental du bordelais.
Dans le Vaucluse, il y a un des miels labellisés IGP Provence, celui de la Maison « Augier & Fils », implantée depuis 1929 à Vaison-la-Romaine, qui travaille avec une quarantaine d’apiculteurs et sélectionne les meilleurs miels, garantis 100% purs et nature. Cette marque, « Les Ruchers du Mont-Ventoux » se distingue par un un liseré tricolore bleu-blanc-rouge sur chaque pot de 110, 250 et 400gr. Miel aux fleurs de lavande, acacia, garrigue, montagne, châtaignier, tilleul, bruyère, comme confiseries – pastilles, nougats, pains d’épice bénéficient comme le « Miel de Provence » de cette fameuse IGP Label Rouge.
Pierre de Giraud d’Agay et Marc Fesneau, Ministre de l’Agriculture, sur le pavillon SYMPAS au SIA 2023 ©DR
Pierre de Giraud d’Agay est à la tête de cet établissement et il s’inquiète: « Les abeilles disparaissent à cause de la fragilisation de l’environnement, la disparition de l’habitat naturel, l’augmentation de la pollution et des pesticides. Avant il y avait une plus grande richesse de cultures. Maintenant il y a surtout d’immenses champs de colza, de tournesol, de maïs. » On dénombre 63 000 apiculteurs en France, 1 755 377 ruches et chacune produit environ 23kg de miel par an. On consomme 45 000 tonnes pour 41 387 tonnes produites principalement dans 3 régions : 21,7% en Auvergne-Rhône-Alpes, 12,4% dans le Grand-Est et 10,8% en Nouvelle Aquitaine, plus près de nous, en Provence et dans les Cévennes.
« Il faut absolument faire quelque chose, construire des solutions puisque plus de 70% des espèces cultivées pour notre alimentation dépendent des insectes pollinisateurs, donc des abeilles qu’il est plus que nécessaire de préserver. Sinon, dans 50 ans, dans certaines régions du monde, il n’y aura plus ni abeilles, ni miel de qualité. Les apiculteurs ont de plus en plus de difficulté à survivre avec l’importation de miels médiocres, sans goût, trafiqués, à prix cassés. Ici, dans le Vaucluse, j’ai vu une dizaine d’entre eux arrêter leurs activités, faute de rentabilité ».
L’abeille est au coeur des transitions. En février dernier, l’Union Européenne a décidé d’apporter une aide d’urgence intégrée à la PAC pour épauler les apiculteurs. 5M€ pour les soutenir face aux pertes de production liées aux aléas climatiques. Un nouvel accord fixant les règles d’étiquetage et la traçabilité du réel pays d’origine a également été conclu. « Il faut absolument interdire l’importation de faux miel, notamment de Chine » insiste Pierre d’Agay.