Sur chaque gourde collector Subway de France, la patte artistique de l’Avignonnais Pablito Zago s’affiche en couleur. Itinéraire d’un artisan du pigment évoluant dans son cosmos : l’atelier Shed.
Après avoir recouvert les 800m2 du siège social de Microsoft France à Paris, le génie Pablito Zago insuffle son art au cœur de l’enseigne de restauration Subway. Le tout sans jamais dénaturer sa fibre talentueuse. A rebours de ses copains à l’école, qualifié de « fainéant » parce que répondant à un autre logiciel de vie, il trouve sa source de bonheur dans les courbes aériennes de son travail. Le pouvoir couvrant de la couleur le submerge lorsqu’il inonde des surfaces immenses de ses chimères. Prochain challenge ? Embellir le nouveau siège de la CAF de Vaucluse. Déjà les idées fusent.
Caméléon artistique
Pablito Zago a toujours baigné dans les arts plastiques. Des études littéraires orientation histoire de l’art suivies d’un cursus supérieur dans le graphisme à Marseille. « A 18 ans, je cherchais déjà à exposer », nous conte l’artiste dans sa bulle d’inspiration. Fauteuil douillet, carton à dessin, aérosols en cascade et quelques toiles puissantes jonchent le sol. Bientôt, les tapis s’ajouteront au décor pour exploiter cette nouvelle matière. Déjà petit, il vit art, dort art, mange art. Le travail classique ne lui plaît pas. Il ralentit pour prendre le bon train, ne surtout pas sauter dans le premier qui passe. Aujourd’hui, le voilà épanoui, alors même que ses connaissances de banc d’école peinent à afficher un sourire après 9h de bureau.
Ce qui le caractérise ? Son côté touche à tout et avide d’expériences. « J’ai toujours été partagé entre différents métiers, j’ai du mal à faire qu’une seule chose », la liste est longue des cordes à son arc : graphiste, illustrateur, peintre, musicien. Il évoluera pendant dix ans au sein de la compagnie nationale de théâtre de rue Komplex Kapharnaum. Pablito Zago a toujours su combler ses clients issus de la culture à travers le graphisme. Il collabore par exemple avec le label Techno Parade ou le Chêne noir à Avignon. Il est encore aujourd’hui le graphiste du festival avignonnais Festo pitcho dédié au jeune public.
« Je fais des illustrations pour grands enfants névrosés »
Être libre de ses mouvements, s’épanouir à l’air libre plutôt que de subir l’étreinte oppressante de quatre murs. « Tout m’inspire, l’art est mon moyen d’expression, je ne fais aucune différence entre mes hobbies et mon travail », souligne Pablito. Tout en écoutant le récit, notre œil est attiré par les toiles énigmatiques aux mille messages. « J’ai un rapport particulier au rêve et à l’imaginaire. Je me régale à faire revivre ce côté Peter Pan. Je fais des illustrations pour grands enfants névrosés », nous explique l’artiste passionné.
Comment aborder la vie sans dépeindre la mort, son essence même. Comment exploiter la mort, sans sublimer le sexe, cette preuve ultime que nos cœurs battent. « Beaucoup de personnes voient un symbolisme phallique ou vaginal dans mon travail. C’est une démarche complètement inconsciente de ma part », reconnait-il. Pour autant, le graphiste opère aisément la bascule entre son univers et les projets de ses clients. « J’aime bien les challenges, sortir de ma zone de confort pour respecter des contraintes et trouver mon langage », explique l’artiste. Le thème des migrants transparaît sur une toile, la pollution, le repli sur soi-même, la pauvreté se révèlent dans une autre. « Je ne cherche pas affirmer un sujet, je donne les clefs et les gens s’approprient l’histoire. Le tout sans être plombant », se confie-t-il.
Daniel Clowes et Charles Burns
Qu’on se le dise, la première inspiration de Pablito Zago se trouve loin des couleurs, plutôt dans la BD noir et blanc : « J’ai toujours été fasciné par le trait, les BD américaines underground. » En témoigne ses carnets de voyage, ode à l’évasion. En les ouvrant, le lecteur plonge au Laos, Burkina Faso, Maroc, Inde, Birmanie. Armé du strict minimum : feutre noir et crayons gris, le voilà interprétant ses périples qui nourrissent l’homme qu’il est aujourd’hui. Les génies torturés Daniel Clowes et Charles Burns « figurent au Panthéon » du Cavaillonnais d’origine. « Charles Burns a beaucoup travaillé sur le rapport à la pollution nucléaire par exemple. Il a un côté transgenre style David Bowie. Beaucoup d’auteurs racontent superbement bien leur peine amoureuse et abordent leurs névroses. C’est très puissant », explique-t-il.
Subway : un cahier des charges mais beaucoup de liberté
Il y a cinq ans, l’artiste est choisi pour refaire la façade du building Microsoft à Issy-les-Moulineaux. Contacté par l’agence de communication, un délai express d’une semaine pour réaliser l’œuvre s’engage. Le travail durera quinze jours. « Ils sont venus me filmer à mon ancien atelier, dans le cadre du Surface Pro », se rappelle-t-il. Pourquoi lui et pas un artiste tout aussi talentueux ? Pour l’imaginaire coloré atypique qu’il propose.
Comme les belles choses en appellent d’autres, une autre agence parisienne le contacte en octobre dernier. Pour ses 20 ans, l’enseigne Subway décide de proposer quatre gourdes collector pour les boissons phares (Orangina, Pepsi, Lipton et Oasis), et une représentant Subway. La gourde est offerte pour chaque menu festif acheté. Pablito Zago s’approprie l’univers des classiques qui l’ont marqué étant enfant. « J’ai toujours adoré la pub Oasis avec les fruits. C’était vraiment fun de caler mon graphisme dessus », précise-t-il.
Pour la gourde Subway, une liberté totale, Pablito Zago joue avec la typographie. Pour la gourde Orangina, les lettres volent dans tous les sens à l’image de l’enfant qui secoue pour éviter que la pulpe ne reste au fond. Les équipes Subway sont sensibles à son travail, pendant que l’artiste « s’éclate » littéralement. Pour autant, le projet n’est pas un aboutissement. On parlera plutôt de tremplin, de coup de projecteur. « Je pense toujours à l’après, aux projets qui suivront. Je ne suis pas du tout dans une démarche commerciale. Ce qui me plaît, c’est de peindre », résume-t-il.
Immeuble de 9 étages, challenge grisant
La force de Pablito Zago, un alphabet graphique vaste qui lui permet de s’adapter. 70% de son travail se traduit dans la rue, sur les façades qui ornent nos villes. « Ce qui compte, c’est le rapport humain que j’entretiens avec les gens, les habitants, les associations », explique l’artiste. L’art urbain, une manière d’embellir certains quartiers qui peut alors basculer en « cache misère ». « Je suis toujours très mesuré sur l’artiste qui va créer une belle peinture au mur, alors que les logements sont insalubres derrière. Il m’est arrivé de demander à changer la nature du projet car je ne le trouvais pas en adéquation avec ce que je voulais faire. Si on le fait, il faut que cela profite pleinement au quartier », poursuit l’artiste.
Le graffiti l’a toujours rebuté, « j’adore les très beaux tags et il y en a beaucoup. Mais si c’est juste pour laisser son nom et flatter son ego, ça ne m’intéresse pas. » L’artiste était d’ailleurs le premier à en faire à Cavaillon, entre temps, son style évolue pour basculer sur les fresques grand format. « C’était complètement addictif, le jour où j’ai commencé, je n’ai jamais arrêté. La couleur est tellement puissante, les nuances, le pouvoir couvrant. J’aime le rapport au mouvement, c’est assez chorégraphique. Quand j’arrive devant un immeuble de 8 ou 9 étages que je dois remplir, c’est assez grisant, je m’éclate », se confie le prodige de la couleur.
Lycée, collège, festival, domaine viticole
Son métier ? Prendre le train, l’avion, partir en van, avec le camion. Un duo complémentaire se forme avec Richard Desserre, son bras droit et peintre en lettres. Ce dernier supervise la technique et la logistique. Pablito reste purement concentré sur l’artistique. Au moment du chantier, les deux s’affairent à la réalisation. L’une des belles expériences, le pôle enfance de 0 à 6 ans situé à Châlons-en-Champagne. Un appel d’offres remporté, un mois sur site et un joli coffret de souvenirs. Sinon, son art s’exprime à l’Autre scène de Vedène, au lycée René Char d’Avignon ou pour des domaines de vins naturels. « Le domaine public n’est pas suffisamment demandeur pour embellir les villes, regrette Pablito. C’est dommage car cela transmettrait une belle image de reconnaissance aux autres générations artistiques. »
« On veut du Pablito Zago, j’en suis heureux »
Quand un nouveau défi tombe, plus besoin de réfléchir, de s’écarter de son style pour proposer quelque chose. « On veut du Pablito Zago, j’en suis heureux. Cela veut dire que j’ai un style marqué, ma patte artistique propre. J’en suis d’autant fier que c’est quelque chose naturelle. Je n’ai rien fait pour ça, c’est juste que je ne sais faire que ça. Je peux passer dix minutes à gribouiller dans mon atelier. Le soir quand je ne fais rien, je dessine. Mon matériel de dessin et peinture n’est jamais bien loin à la maison », explique le talentueux.
Fascination pour les masques
Dans ses travaux, les masques se discernent. Une dimension philosophique à laquelle l’artiste tient et qui nourrit son imaginaire. « On porte tous des masques, sur les réseaux sociaux, dans les rapports humains. Mais le masque se révèle être quelques fois un jeu. J’aime cette idée de carnaval pour transcender sa personnalité. Mon voyage au Mexique m’a beaucoup influencé dans ce rapport avec les masques et leur pouvoir fantastique », se remémore-t-il. Pablito Zago expose ses œuvres dans trois galeries françaises et une au Mexique. La ville de Flèche dans la Sarthe invite l’artiste également l’artiste pour une exposition solo.
Pendant les fêtes de Noël, 23 artistes avignonnais, dont lui-même, exposent leurs œuvres à petit prix, place des Corps Saints. Quant à l’atelier partagé avec plusieurs autres artistes tout aussi doués, des projets d’animations atypiques en petite jauge verront bientôt le jour. Ambiance harpe et violon pour une échappée unique. Tout comme l’hôte de ses lieux.
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