Julien Gélas, le directeur du Théâtre du Chêne noir a décidé, ici, d’interroger le fameux conte. Et même si celui-ci reste l’apanage du jeune public –à partir de 6 ans- l’auteur et metteur en scène s’extrait du récit aussi moraliste que manichéen pour mieux le restituer, plus riche, plus nuancé, à notre présent.
Le Petit chaperon rouge est une petite fille vivante, rusée et heureuse de danser. Elle est aussi un peu livrée à elle-même pour cause de maman solette engluée dans son travail et les fins de mois difficiles. Elle est aussi la femme ‘dont les quotidiennes contraintes ont étouffé les rêves’ note Julien Gélas. La grand-mère –confite d’amour pour sa petite fille- stationne dans sa bulle en mai 68 ‘Nostalgiques des élans révolutionnaires russes, de Mai 68, féministe engagée à la verve détonante et un brin déjantée’. Les deux femmes voulant protéger l’enfant d’un avenir qui leur a peut-être un peu fait faux bond.
Le louuuuuuuup
Le loup est un talentueux violoncelliste dont aucune femme ne veut ‘Musicien et charmeur, il aurait pu être un homme de bien, mais blessé par la vie, il redevient une bête, marchant à l’ombre de la forêt attendant l’heure où viennent les jeunes-filles…’ relate le metteur-en-scène, quant au chasseur, très perturbé, fusil à la main, il essaie de tromper sa peur du monde sans réussir à maîtriser son arme. Entre décors dynamiques, jeux de lumières, multiples personnages et une bande son originale, les enfants immergés dans l’histoire, réagissent joyeux, sautant de leur chaise, dialoguant activement, à certains moments du spectacle, avec le chaperon rouge.
Et les adultes ?
Ils y ont sans doute trouvé de belles et fines nuances. ‘Le Petit chaperon rouge n’est pas seulement destiné aux enfants… A la ville comme à la campagne les obstacles sont les mêmes pour ceux qui ont l’esprit heureux et qui sont généreux. Comment être bon sans se laisser duper par ceux qui voudraient abuser de cette bonté ?’ conclut Julien Gélas. Finalement, le petit chaperon rouge, lui, caresse la tête du loup vaincu et emprisonné. Peut-être parce qu’entendre l’angoisse du bourreau c’est faire en sorte qu’il n’y ait plus de victimes ?
Impressions
Les décors virevoltent. Les lumières façonnent les différentes ambiances. Les personnages sont campés avec force et douceur. Le conte onirique et léger propose aussi de subtils messages qui s’accrochent à qui le souhaite. Les trois âges de la femme éveillent à la vie qui s’écoule et aux états d’être qui nous façonnent. Et l’homme, face à son miroir, brandit ou fusil ou violoncelle pour entendre parler son âme à la fois charmeur, musicien, tour à tour loup ou chasseur, tous deux s’affligeant de maladroites postures et confrontant leur peur du monde. Le petit-chaperon rouge est très expressif, courageux, intelligent et volubile. Voilà un conte bien mené, efficace et enthousiasmant. On en ressort le sourire aux lèvres encore plus curieux d’y découvrir d’autres ressorts, car dans les contes rien n’est rapidement accessible. Enfants et parents quittent la salle le sourire aux lèvres vers d’autres aventures enfantines. Il n’est jamais trop tôt pour découvrir la magie.
Les infos pratiques
Théâtre du Chêne noir. Le Petit Chaperon-rouge. Ecrit et mis en scène par Julien Gélas. Avec la déliée Liwen Liang dans le rôle du Petit chaperon rouge, l’hilarant Renaud Gillier pour la mère et la grand-mère du Petit chaperon rouge et le très expressif et dramatique Guillaume Lanson pour le musicien et le loup. Jusqu’au 31 juillet à 10h30. Billetterie ici. Résa : 04 90 86 74 87. 8, rue Sainte-Catherine à Avignon. www.chenenoir.fr